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27/01/2004 | FRANCE | N°03-83428

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 janvier 2004, 03-83428


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept janvier deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER ET BORE, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Paul,

- Y... Danielle, épouse Z..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre correc

tionnelle, en date du 9 avril 2003, qui, pour infraction au Code de la construction et de l'habita...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept janvier deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER ET BORE, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Paul,

- Y... Danielle, épouse Z..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LIMOGES, chambre correctionnelle, en date du 9 avril 2003, qui, pour infraction au Code de la construction et de l'habitation, a condamné le premier à un an d'emprisonnement avec sursis, ainsi qu'à 9 000 euros d'amende, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi de Danielle Z... :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II - Sur le pourvoi de Paul X... :

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 261-12, L. 261-17., R. 261-14 du Code de la construction et de l'habitation, 111-3 et 111-4 du Code pénal, 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1321, 1341, 1601-1 et 1601-3 du Code civil, 485 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la culpabilité de Paul X... et l'a condamné à la peine de 12 mois d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 9 000 euros ;

"aux motifs que le projet dit "Moulin de Fert" élaboré par la SARL LP Promotion ayant une activité de marchand de biens dont Didier A... était gérant a consisté à faire l'acquisition de quatre bâtiments et d'une maison d'habitation dans un ensemble immobilier dépendant d'une ancienne usine désaffectée à Aire-sur-Vienne ; que des travaux d'aménagement des surfaces nues devaient être effectuées afin de construire des appartements ; que la discussion pour trouver la meilleure formule juridique a eu lieu chez Me X... notaire habituel de Didier A... ancien gérant d'un commerce de boucherie-charcuterie-triperie-volailles ayant cessé son activité en 1990 pour se reconvertir dans le secteur de l'immobilier sans formation particulière et sans surface financière ; que, dans cette opération, Didier A... n'a pas effectué une simple opération de marchand de biens consistant à vendre des locaux à aménager mais s'est comporté en véritable gestionnaire de l'opération immobilière tel que cela ressort de la plaquette publicitaire remise aux époux B... versée aux débats, présentant une opération de promotion immobilière de réalisation et de commercialisation d'appartements neufs ; que, nonobstant l'expression employée dans les compromis de vente ou les actes notariés de locaux "à aménager" par l'acquéreur et quelques que

soient par ailleurs les professions des acquéreurs, fussent-ils des professionnels ayant une activité dans le secteur du bâtiment ou des relations personnelles de Didier A..., l'opération de rénovation de chaque lot ne pouvait s'effectuer isolément car elle nécessitait l'intervention et l'accord des différents copropriétaires, irréalisable sur un plan pratique ;

que, lors de la défaillance de la SARL LP Promotion déclarée en liquidation judiciaire ainsi que son gérant, Didier A..., à titre personnel le 17.12.1997, il est apparu qu'aucun ouvrage de VRD ni d'aménagement des parties communes n'avaient été réalisés si bien que les locaux destinés à l'habitation ne représentaient que des surfaces ou des volumes théoriques correspondant à des logements créés sur le papier avec un règlement de copropriété ; qu'il n'était pas concevable que les travaux d'aménagement des différents appartements virtuels puissent se faire de manière indépendante dans la mesure où certains équipements sont communs aux copropriétaires et dépendent des entreprises appelées à intervenir ; que c'est la raison pour laquelle il était prévu pour l'essentiel que les travaux soient réalisés par une entreprise générale du bâtiment animée par Didier A... ou par des émanations de la nébuleuse de sociétés créées par celui-ci ; que le prix des travaux était inclus dans le prix payé par l'acquéreur ; qu'en omettant sciemment de conseiller les acquéreurs des lots sur les risques encourus, Me X..., notaire qui a effectué le "montage juridique" les a ainsi privés des garanties prévues par la loi du 3 juillet 1967 concernant la vente en l'état d'achèvement ; que le cadre juridique de la vente d'immeuble en l'état futur d'achèvement où l'acquéreur paie le pris en fonction de l'état d'avancement des travaux et bénéficie d'une garantie d'achèvement a été volontairement écarté par Me X... qui connaissait parfaitement les lieux pour s'y être rendu personnellement et qui entretenait des relations étroites avec Didier A... reposant sur 10 années de collaboration ; que le notaire rédacteur qui a prêté son concours à une telle opération sans garantie pour les acquéreurs en scindant l'opération en une opération de vente d'un immeuble et une convention distincte portant sur la réalisation de travaux à effectuer a ainsi violé les dispositions d'ordre public de la loi du 3 juillet 1967 ; que la Cour de Cassation considère que dès lors qu'un permis de construire est nécessaire pour effectuer des travaux de rénovation qui s'analysent comme une véritable reconstruction intérieure avec changement de destination des locaux et que les travaux ne portent pas sur des éléments d'aménagement intérieurs ou de finition, la loi du 3 juillet 1967 doit impérativement s'appliquer (en ce sens Crim., 23 octobre 1978) ; que, s'agissant du notaire, il lui est reproché la perception de sommes avant la signature du contrat, ou après sa signature, s'agissant de sommes supérieures à 35 % du prix, alors que la mise hors d'eau n'était pas effectuée ; qu'il convient de préciser que, tous ces versements étant reçus par officier ministériel, tombent sous le coup de l'article L. 261-12 du Code de la construction et de l'habitation selon lequel "dans le cas de vente en l'état futur d'achèvement, le vendeur ne peut exiger ni

accepter aucun versement, aucun dépôt avant la signature du contrat" ; que la jurisprudence considère en effet que le contrat dont fait état l'article 261-12 doit s'entendre d'un contrat satisfaisant aux conditions spécialement exigées et déclarées d'ordre public toute lacune au regard de l'insertion de ces énonciations suffit à rendre les versements délictueux ; que ce montage frauduleux réalisé par un officier ministériel caractérise une volonté d'écarter les dispositions d'une loi d'ordre public et va au-delà d'une simple faute civile ; que la perception irrégulière des fonds qui ont transité par la comptabilité de l'étude dont une partie a été versée à la société Créa Pierre découle de l'infraction poursuivie ; qu'il n'est nul besoin d'analyser les pourcentages et les dates de versements qui sont illicites à partir du moment où les actes de vente en l'état futur d'achèvement sont inexistants (Cour de Cassation, 27 juin 1977) ; que le second notaire Me C... est intervenu de manière totalement isolée et n'a pas participé au montage juridique ; qu'il ne s'est pas rendu sur les lieux du Moulin de Fert éloigné de son étude ; qu'il ne peut être considéré comme le concepteur de l'opération ; qu'il n'a fait que reprendre le projet d'un acte préparé par son confrère qui l'avait assuré que le dossier était en ordre et ne lui avait adressé aucune mise en garde lui indiquant seulement qu'il s'était disputé avec Didier A... ;

qu'à l'époque Me C... ne connaissait pas particulièrement les affaires de Didier A... et les entreprises dans lesquelles il avait des intérêts ;

qu'il a fait confiance à son confrère Me X... ;

que, dans ces conditions, le jugement sera confirmé sur la culpabilité de Didier A... et de Me X... et infirmé en ce qui concerne Me C... qui sera renvoyé des fins de la poursuite ;

"1 ) alors qu'une opération immobilière ne peut être qualifiée de vente en l'état futur d'achèvement que s'il est établi que le vendeur avait également la qualité de maître de l'ouvrage ; qu'en considérant que l'acte par lequel la SARL LP Promotion a vendu aux époux B... des locaux à aménager par ces derniers dans l'ensemble immobilier du "Moulin de Fert" devait être regardé comme une vente en l'état futur d'achèvement, sans caractériser l'identité entre la société venderesse et le maître des travaux d'aménagement, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;

"2 ) alors qu'il ne saurait être prouvé outre ou contre le contenu d'un acte ostensible constaté par écrit que par un autre écrit établissant l'existence d'un acte secret ; qu'en affirmant que les stipulations de l'acte de vente du 15 avril 1996 par lesquelles les époux B... ont accepté d'être les maîtres des ouvrages afférents aux locaux acquis seraient erronées et qu'il aurait été prévu que les travaux soient réalisés par une entreprise dirigée par le gérant de la société venderesse, sans qu'il ait été établi l'existence d'une quelconque contre-lettre écrite d'où résulteraient de telles affirmations, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;

"3 ) alors que l'acte de vente du 15 avril 1996 ne prévoyait aucunement que le prix de vente de 240 000 francs engloberait le prix des travaux à réaliser par les époux B... qui devaient être financés, aux termes mêmes de l'acte, par un prêt contracté auprès de la CRCAM de la Touraine et du Poitou et par leur apport personnel ; qu'en affirmant néanmoins que le prix des travaux aurait été inclus dans le prix payé par les époux B..., la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'acte de vente du 15 avril 1996 et a ainsi violé les articles susvisés ;

"4 ) alors que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en affirmant que le prix des travaux aurait été inclus dans le prix payé par les époux B..., tout en constatant elle-même que la vente aux époux B... avait été consentie moyennant le prix de 240 000 francs payé comptant par les acquéreurs à l'instant même et que les travaux avaient été financés au moyen du prêt contracté par eux auprès de la CRCAM de la Touraine et du Poitou et de leur apport personnel, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et a ainsi violé les articles susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Didier A..., agissant sous couvert de plusieurs sociétés dont il avait le contrôle, a entrepris de transformer d'anciens bâtiments industriels en locaux d'habitation et de les vendre ;

Attendu que, pour déclarer Paul X..., notaire habituel de Didier A..., coupable d'avoir exigé ou accepté des versements avant la signature de contrats de vente en l'état futur d'achèvement, délit prévu et puni par l'article L. 261-17 du Code de la construction et de l'habitation, l'arrêt relève que le prévenu a sciemment privé les acquéreurs, dont les époux B..., de la protection assurée par un tel contrat en scindant l'opération en deux conventions distinctes, l'une de vente d'immeuble et l'autre d'entreprise ; que les juges ajoutent que son étude a ainsi perçu des sommes avant signature d'un contrat régulier, ces sommes excédant au surplus celles correspondant à l'avancement des travaux ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, à laquelle il appartenait de restituer aux conventions leur véritable qualification, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-83428
Date de la décision : 27/01/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, chambre correctionnelle, 09 avril 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 jan. 2004, pourvoi n°03-83428


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.83428
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