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27/01/2004 | FRANCE | N°03-83220

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 janvier 2004, 03-83220


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept janvier deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle VIER et BARTHELEMY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Bernard,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 18 mars 2003, qui, pour infractions au Cod

e de l'urbanisme, l'a condamné à 37 500 euros d'amende et qui a prononcé sur les intér...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-sept janvier deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle VIER et BARTHELEMY, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Bernard,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 18 mars 2003, qui, pour infractions au Code de l'urbanisme, l'a condamné à 37 500 euros d'amende et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 421-1 et L. 480-4 du Code de l'urbanisme, 591 et suivant du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de prescription et a déclaré Bernard X... coupable de l'exécution des travaux constatée par le procès-verbal de la direction départementale de l'Equipement du 25 mars 1997 en méconnaissance des permis de construire délivrés et en infraction à la loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites, l'a condamné à une amende de 37 500 euros et l'a condamné à payer aux deux parties civiles la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

"aux motifs que le prévenu soutient que la prescription de l'action publique est acquise aux motifs que les travaux ont été abandonnés le 10 novembre 1992, soit à la date de l'arrêté interruptif de travaux, ainsi que cela résulterait de la comparaison du rapport d'expertise établi par Jean-Marc Y..., géologue, le 25 janvier 1994, du procès-verbal d'infraction du 25 mars 1997 et d'un constat d'huissier du 26 juillet 1999, qu'ainsi plus de trois ans se sont écoulés entre l'achèvement effectif desdits travaux et le procès-verbal de constatation de l'infraction ; qu'en outre "c'est par le fait de l'Administration (en raison de cet arrêté interruptif de travaux) que la construction n'a jamais pu être achevée au sens défini par celle-ci, soit à compter du moment où la construction est en état d'être affectée à l'usage auquel elle est destinée ; que l'arrêté interruptif de travaux en date du 10 novembre 1992 ne portait que sur la construction d'un mur de soutènement et d'un enrochement avec un apport de terre de 1 500 mètres carrés, travaux non autorisés par les permis délivrés les 17 septembre 1990 et 8 août 1991, portant sur l'extension de l'habitation ; qu'ainsi les travaux pouvaient se poursuivre en conformité avec les autorisations accordées ; qu'en outre postérieurement à cet arrêté interruptif de travaux, un nouveau permis a été délivré au prévenu le 23 février 1993, lequel portait notamment sur la modification de la façade et de l'enrochement, que le prévenu ne peut, en conséquence valablement soutenir qu'il a été empêché de poursuivre les travaux du fait de

l'Administration en raison de l'arrêté interruptif de travaux du 10 novembre 1992 ; que, contrairement à ce qu'il soutient, les pièces qu'il produit, rapport d'expertise du 25 janvier 1994 indiquant :

"nous avons remarqué que le gros oeuvre de la maison d'habitation était terminé mais qu'il manquait encore de nombreuses fermetures ainsi que tous aménagements intérieurs" et constat d'huissier du 26 juillet 1999, ne démontrent pas que les travaux ne se sont pas poursuivis entre le 25 janvier 1994 et le 25 mars 1997, date du procès-verbal de constatation des infractions, ni qu'ils ont été définitivement abandonnés avant 1994 ; qu'en tout état de cause, il résulte suffisamment des photographies annexées au procès-verbal de constatation du 25 mars 1997 que les travaux n'étaient pas achevés à cette date en l'absence de revêtement et de toute fermeture permettant, en cet état, l'affectation du bâtiment à l'usage d'habitation auquel il était destiné, ce que confirment les énonciations du constat d'huissier du 26 juillet 1999 et les écritures du prévenu ; qu'en matière d'infractions au Code de l'urbanisme, la prescription de l'action publique ne court qu'à compter de l'achèvement des travaux, à savoir du moment où la construction est en état d'être affectée à l'usage auquel elle est destinée ; qu'ainsi, la prescription, qui n'avait pas commencé à courir, ne pouvait être acquise à la date de constatation des infractions ;

"alors que le délit de construction sans permis, prévu et réprimé par les articles L. 421-1 et L. 480-4 du code de l'urbanisme, dont le délai de prescription est de trois ans, s'accomplit uniquement pendant le temps où les travaux non autorisés sont exécutés ; qu'en l'espèce, Bernard X... faisait valoir que les travaux non autorisés avaient cessé d'être exécutés le 12 novembre 1992 et que c'est à cette date qu'il convenait de fixer le point de départ de la prescription de trois ans dès lors qu'à compter de cette date avaient été effectivement achevés les travaux pour n'être pas repris au cours des trois années suivantes ; qu'en affirmant qu'il résulte suffisamment des photographies annexées au procès-verbal de constatation du 25 mars 1997 que les travaux n'étaient pas achevés à cette date en l'absence de revêtement et de toute fermeture permettant, en cet état, l'affectation du bâtiment à l'usage d'habitation auquel il était destiné, ce que confirment les énonciations du constat d'huissier du 26 juillet 1999 et les écritures du prévenu et qu'en matière d'infractions au Code de l'urbanisme, la prescription de l'action publique ne court qu'à compter de l'achèvement des travaux, à savoir du moment où la construction est en état d'être affectée à l'usage auquel est destinée, sans tenir compte de ce moyen dirimant de nature à établir que la prescription était acquise, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen" ;

Attendu que le moyen, qui, sous le couvert d'une critique de la décision attaquée, se borne à reprendre l'argumentation que, par une motivation exempte d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel a écartée à bon droit, ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 421-1, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7 du Code de l'urbanisme, 111-2, 111-3, 111-4 du Code pénal, 2, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard X... coupable de l'exécution des travaux constatée par le procès-verbal de la direction départementale de l'Equipement du 25 mars 1997 en méconnaissance des permis de construire délivrés et en infraction à la loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites, l'a condamné à une amende de 37 500 euros et l'a condamné à payer aux deux parties civiles la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

"aux motifs que le prévenu a été invité par le président à l'audience de la Cour à s'expliquer sur l'exécution des travaux constatée par le procès-verbal de la direction départementale de l'Equipement du 25 mars 1997 en méconnaissance des prescriptions des permis délivrés ; qu'à l'appui de sa demande de relaxe, celui-ci soutient que le procès-verbal de constatation du 25 mai 1997 contient un certain nombres d'inexactitudes ; qu'il résulte des dispositions des articles L. 421-1 et L. 480-4 du Code de l'urbanisme visés à la prévention que constituent une infraction l'exécution de travaux effectués en méconnaissance des prescriptions d'un permis de construire ; que contrairement à ce que soutient le prévenu dans ses écritures, les énonciations du procès-verbal du 25 mars 1997 détaillant les travaux effectués en non-conformité avec le dernier permis modificatif, et donc avec les autorisations successivement délivrées, ne sont démenties ni par les photographies qui y sont annexées ni par le constat d'huissier dressé le 26 juillet 1999, soit près de deux ans après l'établissement de ce procès-verbal ; qu'elles ne sont pas non plus démenties par l'attestation de Guy Z... affirmant qu'en 1989 "le sous-sol de l'habitation existante, de plain-pied sur le jardin était aménagé, sur toute sa surface" alors qu'il résulte de l'ensemble de la procédure et notamment des photographies annexées au procès-verbal de constatation que la construction a été entièrement modifiée entre 1990 et 1997, après que le prévenu ait obtenu des autorisations d'extension pour une surface hors oeuvre nette de 141 mètres carrés, soit 135 mètres carrés en 1990 et 6 mètres carrés en 1991 ; qu'il résulte suffisamment des énonciations du procès-verbal de constatation en date du 25 mars 1997 que le prévenu a exécuté, en méconnaissance des prescriptions des permis de construire délivrés les 17 septembre 1990, 8 août 1991 et 23 février 1993, concernant la même construction édifiée sur son terrain, ..., à Mougins, et en infraction à la loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites des travaux ayant entamé la création d'une surface hors oeuvre nette supplémentaire de

264,75 mètres carrés ; qu'eu égard aux circonstances de la cause, notamment à l'importance de la surface hors oeuvre nette irrégulièrement créée dans un secteur soumis aux dispositions de la loi du 2 mai 1930 et aux renseignements recueillis sur le prévenu, gérant d'un centre d'affaires, la Cour estime équitable de le condamner à une amende de 37 500 euros ;

"alors, d'une part, que les juges correctionnels ne peuvent se prononcer légalement que sur les faits qui leur sont déférés par l'ordonnance de renvoi ou la citation qui les a régulièrement saisis, à moins que le prévenu ait accepté formellement d'être jugé sur des faits différents ; qu'en l'espèce, la citation à comparaître ne concernait que des travaux faits en infraction avec les permis de construire du 23 février 1993 ; qu'en retenant le prévenu dans les liens de la prévention aux motifs qu'il avait exécuté des travaux en infraction des permis de construire délivrés les 17 septembre 1990, 8 août 1991 et 23 février 1993, sans constater que le prévenu. avait accepté les débats sur des faits différents, la cour d'appel a excédé les limites de sa saisine en jugeant le prévenu sur des faits dont elle n'était pas saisie, en violation des textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que Bernard X... avait expressément fait valoir, dans ses conclusions d'appel, qu'il n'était poursuivi que pour avoir réalisé des travaux non conformes au permis de construire modificatif qui lui avait été délivré le 23 février 1993 ;

que ce permis portait sur une modification de façade, une création d'enrochements et un déplacement de la piscine ; que, cependant, les faits repris dans la citation sont relatifs à un porche partiellement clos, deux préaux clos, un vide sanitaire transformé, une terrasse couverte, une pièce créée et une "pool-house" transformée ; qu'ils sont sans rapport avec le permis du 23 février 1993 et qu'en conséquence ces travaux n'ont pas été faits en méconnaissance de ce permis, de telle sorte que celui-ci n'a pas été violé ;

"alors qu'enfin, le juge ne peut prononcer une peine en raison de divers faits qu'il qualifie de délit qu'autant qu'il constate l'existence des circonstances exigées par la loi pour que ces faits soient punissables ; qu'en affirmant qu'il résultait des énonciations du procès- verbal du 25 mars 1997 que le prévenu avait exécuté des travaux en infraction à la loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites sans constater l'existence des circonstances exigées par la loi du 2 mai 1930 pour que les faits soient punissables, la cour d'appel a violé les textes susvisés";

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 17 septembre 1990, la mairie de Mougins a délivré à Bernard X... un permis de construire, puis, le 8 août 1991 et le 23 février 1993, deux permis modificatifs ; que, le 25 mars 1997, les agents de la direction départementale de l'Equipement ont constaté par procès-verbal que le prévenu avait exécuté des travaux entraînant la création d'une surface de plancher hors oeuvre nette excédant de 264,75 m2 celle autorisée ;

Attendu que, le prévenu ayant été poursuivi pour avoir irrégulièrement effectué ces travaux dont la nature et la consistance sont précisées dans la citation délivrée, les griefs allégués aux première et deuxième branches du moyen ne sont pas encourus ;

Attendu que, par ailleurs, la peine prononcée étant justifiée par la déclaration de culpabilité du chef de construction sans permis, il n'y a pas lieu d'examiner le moyen en ce qu'il discute l'infraction prévue par l'article 21 de la loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites, devenu l'article L. 341-19 du Code de l'environnement ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 421-1, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7 du Code de l'urbanisme, 111-2, 111-3, 111-4 du Code pénal, 2, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Bernard X... coupable de l'exécution des travaux constatée par le procès-verbal de la direction départementale de l'Equipement du 25 mars 1997 en méconnaissance des permis de construire délivrés et en infraction à la loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites, l'a condamné à une amende de 37 500 euros et l'a condamné à payer aux deux parties civiles la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

"aux motifs que c'est à bon droit que le tribunal a reçu les époux A..., voisins immédiats de la construction dans laquelle des travaux litigieux ont été réalisés, en leurs constitutions de parties civiles ; que la réalisation de travaux irréguliers ayant entraîné la création d'une surface hors oeuvre nette supplémentaires de 264,75 mètres carrés à proximité immédiate de leur habitation a nécessairement entraîné pour les parties civiles un préjudice donnant lieu à indemnisation ; qu'en l'état du permis de construire délivré le 21 mars 2001 aux époux B..., acquéreurs de la propriété du prévenu, il n'y a pas lieu à prononcer de mesure de restitution ; que la Cour dispose des éléments d'appréciation pour fixer à 1 500 euros le montant des dommages et intérêts dus aux parties civiles prise ensemble et à 450 euros celui des frais irrépetibles par elles exposés qu'il serait inéquitable de laisser à leur charge ;

"alors, d'une part, que si les juges apprécient souverainement le préjudice résultant d'une infraction, il en va différemment lorsque cette appréciation est déduite de motifs insuffisants, contradictoires ou erronés ; qu'en l'espèce, Bernard X... faisait valoir qu'à supposer même les infractions constituées, les époux A... n'avaient subi aucun préjudice car leur situation au regard de l'ensoleillement et de la vue sur la mer n'avait nullement été modifiée par les travaux reprochés ; qu'en retenant que la réalisation de travaux irréguliers ayant entraîné la création d'une surface hors oeuvre nette supplémentaire de 264,75 mètres carrés à proximité immédiate de leur habitation a nécessairement entraîné pour les parties civiles un préjudice donnant lieu à indemnisation sans s'expliquer davantage sur l'existence du préjudice, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en affirmant qu'elle disposait d'éléments d'appréciation pour fixer à 1 500 euros le montant des dommages et intérêts dus aux parties civiles sans viser les pièces sur lesquelles elle se fondait et sans procéder à une analyse, même sommaire, des documents qui lui étaient soumis, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant pour les parties civiles de travaux illicites à proximité de leur habitation, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, l'indemnité propre à réparer le dommage né de l'infraction ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-83220
Date de la décision : 27/01/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, 18 mars 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 27 jan. 2004, pourvoi n°03-83220


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:03.83220
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