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13/01/2004 | FRANCE | N°02-88025

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 janvier 2004, 02-88025


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize janvier deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LA SOCIETE X... GAZ FRANCE,

- Y... Christian ,

- X... Jeannot,

contre

l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 18 octobre 2002, qu...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize janvier deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller PALISSE, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU, la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LA SOCIETE X... GAZ FRANCE,

- Y... Christian ,

- X... Jeannot,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de DOUAI, en date du 18 octobre 2002, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs d'abus de confiance, recel et mise en danger d'autrui, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction déclarant recevable la constitution de partie civile de LA SOCIETE BUTAGAZ ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur la recevabilité des pourvois, contestée en défense :

Attendu que, l'arrêt de la chambre de l'instruction qui admet la recevabilité de la partie civile n'entre pas dans la classe des arrêts visés par le dernier alinéa de l'article 571 du Code de procédure pénale contre lesquels le pourvoi n'est immédiatement recevable que s'il en a été décidé ainsi par ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de Cassation statuant sur requête adressée par le demandeur en cassation ;

Qu'ainsi, les pourvois de la société X... Gaz France, Christian Y... et Jeannot X... sont immédiatement recevables ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 4 et 5, 85, 592 et 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, défaut de motifs et défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance entreprise et en conséquence jugé recevable la constitution de partie civile de la société Butagaz ;

"aux motifs qu'en l'espèce, c'est à juste titre que, dans sa plainte avec constitution de partie civile du 10 décembre 1997, la SNC Butagaz a pu estimer que le fait, à le supposer établi, pour la société X... Gaz, de remplir, stocker, manipuler, transporter des bouteilles Butagaz dans des conditions qu'elle ne pouvait contrôler, était susceptible de lui occasionner un préjudice personnel, pour le cas où, en tant que propriétaire des bouteilles, elle verrait sa responsabilité civile ou pénale recherchée en cas d'accident dû, par exemple, à la rupture du robinet en suite d'un choc violent, ce préjudice étant en relation directe avec l'infraction pénale de mise en danger délibérée d'autrui ; que de même, le préjudice résultant de ce que des bouteilles Butagaz seraient remplies d'un gaz d'origine inconnue par la société X... Gaz apparaît tout à fait personnel pour la SNC Butagaz et en lien direct avec le délit de tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise ;

qu'en vertu de l'article 5 du Code de procédure pénale, la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive ; que l'application de cette règle suppose que les deux demandes portées devant le juge civil et le juge pénal opposent les mêmes parties, aient le même objet et la même cause ; que l'examen des pièces versées aux débats montre que le 17 décembre 1997, date de la plainte avec constitution de partie civile de la SNC Butagaz devant le doyen des juges d'instruction d'Avesnes-Sur-Helpe, date à laquelle il convient de se placer, les instances civiles engagées le 13 juillet 1995 d'une part, le 17 octobre 1997 d'autre part, étaient toujours en cours ; que la procédure engagée le 13 juillet 1995 devant le tribunal de grande instance par la SNC Butagaz visait exclusivement la société X... Gaz ; que la procédure engagée le 17 octobre 1997 devant la juridiction civile opposait la SNC Butagaz et la société Energie Gaz à la société X... Gaz et à la société de transport Williame ; que la plainte avec constitution de partie civile était expressément dirigée contre X ; que si la société X... Gaz était effectivement mentionnée dans le corps de la plainte, d'autres personnes étaient susceptibles d'être impliquées dans les faits dénoncés dans cette plainte ; que ceci est si vrai que Jeannot X... et Christian Y..., non concernés par les procédures civiles, seront mis en examen dans la présente procédure pour des infractions qui leur sont personnellement reprochées ; que Jeannot X... et Christian Y... ne sauraient donc utilement se prévaloir des dispositions de l'article 5 du Code de procédure pénale ; que la procédure engagée le 13 juillet 1995 avait pour objet de voir constater l'existence d'actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et d'obtenir l'indemnisation des préjudices en résultant ; que l'action en contrefaçon est une action exercée par le titulaire d'un droit de propriété intellectuelle pour faire sanctionner l'atteinte portée à ce droit ; que l'action en concurrence déloyale est une action exercée par un opérateur économique à raison de la conduite

critiquable d'un concurrent, action qui a pour objet la réparation d'un dommage causé par l'acte déloyal de ce concurrent ;

que ces deux actions diffèrent totalement, dans leurs cause et objet, des poursuites engagées sur le plan pénal, lesquelles ont pour finalité de faire établir la culpabilité des auteurs d'agissements pénalement incriminés (le vol, l'abus de confiance, le recel, la mise en danger délibérée d'autrui) ; qu'en d'autres termes, devant le juge pénal, le but n'est pas de faire sanctionner des pratiques commerciales aboutissant à créer une confusion dans l'esprit des consommateurs, mais de faire constater que la société X... Gaz détourne et utilise des bouteilles appartenant à la SNC Butagaz, et met en danger la vie d'autrui par un non- respect des règles de sécurité ; que le 17 octobre 1997, la SNC Butagaz et la société Energie Gaz ont assigné la société X... Gaz et la société Transports Williame devant la juridiction civile aux fins de voir reconnaître le droit de propriété de la SNC Butagaz sur les bouteilles Butagaz saisies et placées sous séquestre et de se les voir restituer ; que cette action diffère totalement dans l'objet et la cause, de l'action pénale tendant à voir déclarer la société X... Gaz coupable du délit d'abus de confiance, et à voir indemniser la société Butagaz du préjudice résultant des détournements de bouteilles constatées ;

que c'est à juste raison que le juge d'instruction a déclaré recevable la constitution de partie civile de la SNC Butagaz, en écartant la règle "electa una via" ;

"et aux motifs adoptés que s'agissant de la détermination des parties en cause dans la procédure pénale, il convient de se placer à la date de la constitution de partie civile, qu'à cette date, la SNC Butagaz mettait en cause la SA X... Gaz et non une personne physique nommément désignée ; qu'il convient de considérer que le litige pénal opposait donc ces deux seules sociétés ; qu'en conséquence les deux sociétés étant à la fois partie au civil et au pénal, il y a bien identité de parties entre les deux actions ; que la société Butagaz a saisi la juridiction civile aux fins de faire constater qu'elle était propriétaire des bouteilles de marque Butagaz et d'ordonner la restitution des bouteilles saisies ; que cette action en restitution diffère quant à son objet de la plainte du chef notamment d'abus de confiance tendant à la réparation du dommage résultant du détournement de bouteilles confiées à titre de dépôt ; que la société Butagaz a assigné X... Gaz aux fins de voir constater l'existence d'actes de contrefaçon et de concurrence déloyale et d'obtenir une indemnisation des préjudices subis de ce fait ; que la société Butagaz soutenait que la SA X... Gaz tentait de créer une confusion dans l'esprit de la clientèle entre ses propres bouteilles et celles de la société Butagaz ; qu'en conséquence, l'action avait pour unique objet de faire sanctionner des agissements commerciaux considérés comme contraires aux réglementations et de réparer un préjudice exclusivement commercial ; que l'objet de l'action pénale est totalement différent ; qu'en effet, le but poursuivi n'est pas de faire sanctionner des pratiques aboutissant à créer une confusion, mais de faire constater que X... Gaz détourne et utilise des bouteilles appartenant à Butagaz ; que par ailleurs, Butagaz entend faire constater l'existence d'une mise en danger délibérée d'autrui résultant du non-respect des règles de sécurité en la matière ; qu'il est à noter que si la question de la sécurité des usagers a été évoquée au civil, aucune demande d'indemnisation n'a été formulée ;

"1 - alors qu'une constitution de partie civile n'est recevable que pour autant qu'est établie la possibilité d'un préjudice personnel subi par la partie civile, en relation directe avec l'infraction visée à la plainte ; qu'en l'espèce, en se bornant à affirmer l'existence d'un préjudice personnel et direct pouvant résulter pour la société Butagaz des délits de mise en danger délibérée d'autrui et de tromperie, sans aucunement caractériser objectivement une telle possibilité, ni prendre en considération le fait que, comme le soulignait la demanderesse, la mise en danger et la tromperie, fussent-elles établies, ne pouvaient causer un préjudice direct qu'aux clients de la société X... Gaz, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 85 du Code de procédure pénale ;

"2 - alors que la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile ne peut la porter devant la juridiction répressive ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a elle-même constaté qu'il fallait se placer à la date de la plainte pour examiner l'identité de parties ; qu'elle a encore constaté que les actions engagées devant la juridiction civile opposaient les sociétés Butagaz et X... Gaz, et que si la plainte avait été dirigée contre X, la société X... Gaz y était néanmoins effectivement mentionnée ; qu'en se bornant cependant à affirmer que Jeannot X... et Christian Y..., mis en cause postérieurement au dépôt de la plainte, ne pouvaient utilement se prévaloir des dispositions de l'article 5 du Code de procédure pénale, et en omettant d'expliquer en quoi la société demanderesse n'aurait de toute manière pu quant à elle se prévaloir de l'identité de parties dans les deux instances, civile et pénale, la chambre de l'instruction a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5 du Code de procédure pénale ;

"3 - alors que la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile ne peut la porter devant la juridiction répressive ; que la règle "electa una via" doit s'appliquer lorsque les deux actions, opposant les mêmes parties, ont la même cause et le même objet ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a elle-même constaté que le but de l'action pénale était de faire constater que la société X... Gaz détournait et utilisait des bouteilles appartenant à la SNC Butagaz ; qu'elle a par ailleurs également constaté que la société Butagaz avait agi devant la juridiction civile aux fins de voir reconnaître son droit de propriété sur les bouteilles saisies auprès de la société X... Gaz ; qu'en considérant néanmoins qu'il n'existait pas d'identité de cause et d'objet entre les actions civile et pénale, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article 5 du Code de procédure pénale ;

"4 - alors qu'il était de plus établi que la concurrence déloyale alléguée au civil par la société Butagaz était bien constituée par les échanges de bouteilles reprochés à la société X... Gaz, autrement dit leur détournement ; qu'il était enfin constant que, dans les deux actions, la société Butagaz avait invoqué le danger que présentait pour les usagers les produits de la société X... Gaz ; qu'il devait s'évincer de ces constatations que les deux actions avaient bien la même cause et le même objet ; qu'en considérant néanmoins que les actions introduites par la société Butagaz devant la juridiction civile et la juridiction pénale n'avaient pas le même objet ni la même cause, sans réellement s'expliquer sur les éléments précités, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 5 du Code de procédure pénale" ;

Attendu que la société Butagaz a porté plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction, des chefs de vol, abus de confiance, recel, mise en danger d'autrui et tromperie, contre personne non dénommée ; que le procureur de la République a requis le juge d'informer des chefs d'abus de confiance et recel, puis, ultérieurement, des chefs de tromperie et mise en danger d'autrui ; que Christian Y... a été mis en examen pour abus de confiance et mise en danger d'autrui, Jeannot X... et la société X... Gaz pour recel et mise en danger d'autrui ;

Attendu que, pour rejeter la contestation, par les personnes mises en examen, de la constitution de partie civile de la société Butagaz, l'arrêt attaqué énonce que les actions en concurrence déloyale, en contrefaçon et en revendication de propriété, qui ont été précédemment portées devant le juge civil par la société Butagaz, n'ont pas le même objet que l'action civile en réparation du préjudice causé par les délits pour lesquels elle a porté plainte devant le juge d'instruction ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, dès lors que la recevabilité de la constitution de partie civile à raison des faits d'abus de confiance et recel n'est pas discutée, doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Palisse conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Castagnède conseillers de la chambre, Mmes Agostini, Beaudonnet, Gailly, Salmeron, M. Chaumont conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Chemithe ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-88025
Date de la décision : 13/01/2004
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Arrêts - Arrêt statuant sur la recevabilité d'une partie civile - Pourvoi - Recevabilité.

CASSATION - Décisions susceptibles - Chambre de l'instruction - Arrêt statuant sur la recevabilité d'une partie civile - Pourvoi - Recevabilité

L'arrêt de la chambre de l'instruction, qui admet la recevabilité de la partie civile, n'entre pas dans la classe des arrêts visés par le dernier alinéa de l'article 571 du Code de procédure pénale, contre lesquels le pourvoi n'est immédiatement recevable que s'il en a été décidé ainsi par ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de cassation (1).


Références :

Code de procédure pénale 571

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai (chambre de l'instruction), 18 octobre 2002

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1990-03-06, Bulletin criminel 1990, n° 104 (1), p. 270 (rejet et cassation partielle sans renvoi)

arrêt cité ; Ord., 1995-04-04, Bulletin criminel 1995, n° 144, p. 403 (non-lieu à statuer)

ordonnance citée. A comparer : Chambre criminelle, 1998-01-20, Bulletin criminel 1998, n° 22, p. 58 (irrecevabilité), et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 jan. 2004, pourvoi n°02-88025, Bull. crim. criminel 2004 N° 8 p. 26
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2004 N° 8 p. 26

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Chemithe.
Rapporteur ?: M. Palisse.
Avocat(s) : la SCP Gatineau, la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2004:02.88025
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