La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/12/2003 | FRANCE | N°03-81192

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 décembre 2003, 03-81192


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize décembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller Le CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle ROGER et SEVAUX et de la société civile professionnelle Le BRET-DESACHE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... André,

- Y... Yannick,

contre l'arrêt de la cour d'appel de R

ENNES, 3ème chambre, en date du 23 janvier 2003, qui, pour infraction à la police de la pêche, ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize décembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller Le CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle ROGER et SEVAUX et de la société civile professionnelle Le BRET-DESACHE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... André,

- Y... Yannick,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 23 janvier 2003, qui, pour infraction à la police de la pêche, les a condamnés à 8 000 euros d'amende, chacun, ainsi qu'à la confiscation de la somme obtenue par la vente des produits saisis, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que les chalutiers hendayais , le "Thetys" et le "Gure-Lena", équipés d'un moteur de plus de 450 chevaux et présentant une jauge brute supérieure à 50 tonneaux, ayant pour capitaines respectifs André X... et Yannick Y..., ont été surpris, dans les eaux territoriales françaises, en action de pêche au chalut pélagique dans une zone où son emploi est interdit à ce type de bâtiments ; que l'accès à bord des chalutiers s'étant avéré impossible, le commandant du patrouilleur chargé de la surveillance en mer s'est rapproché de l'autorité compétente qui a fait conduire les navires concernés dans le port de Brest où les produits de la pêche ont été saisis sur ses instructions ;

Qu'André X... et Yannick Y..., poursuivis pour pratique de la pêche avec un instrument dans une zone où son emploi est interdit, ont fait valoir que la saisie était nulle et ont contesté l'existence de l'infraction ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 3 de la loi du 5 juillet 1983, 1 du décret n° 84-846 du 12 septembre 1984 fixant les modalités d'application de la loi du 5 juillet 1983, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté l'exception de nullité des opérations de conduite et de saisie tenant à l'incompétence matérielle et territoriale du directeur du Centre régional opérationnel de surveillance et de secours (CROSS) atlantique d'Etel pour donner un ordre de conduite, déclaré coupable André X... et Yannick Y... du chef d'utilisation pour pêche maritime d'instruments ou appareils dans une zone où son emploi est interdit, et les a condamnés à une amende de 8 000 euros chacun et à payer au Comité régional des pêches maritimes et d'élevage marin, partie civile, diverses sommes ;

"aux motifs qu'ils ont notifié par radio l'appréhension de la pêche et rendu compte via le Cross d'Etel à l'autorité maritime compétente qui a prescrit la conduite des navires à Brest, laquelle s'est nécessairement effectuée avec l'accord des capitaines qui s'y sont soumis sans réticence, ledit accord n'étant d'ailleurs pas nécessaire lorsque la décision de conduite émane non des agents de constatation mais de l'autorité compétente ;

"alors, d'une part, que la Cour qui, pour rejeter cette exception de nullité, a prêté au Cross d'Etel un rôle de simple intermédiaire qui se serait contenté de transmettre les instructions du directeur départemental ou interdépartemental des affaires maritimes exclusivement compétent aux termes des dispositions des articles 3 de la loi du 5 juillet 1983 et de l'article 1 du décret du 12 septembre 1984 pour délivrer un ordre de conduire, sans aucunement justifier de l'exactitude d'une telle affirmation, qui se trouvait contredite par les pièces de la procédure révélant que l'ordre de conduire les navires au port a été signé par le directeur du Cross Etel sans aucune référence à de quelconques instructions données par l'autorité compétente n'a pas, en l'état de cette insuffisance de motifs, légalement justifié sa décision ni mis la chambre criminelle en mesure d'exercer son contrôle ;

"alors, d'autre part, qu'en l'absence d'appréhension du bateau, l'article 14 du décret loi du 9 janvier 1852 prévoit que la conduite au port désignée par l'autorité compétente ne pouvant se faire que sur accord du capitaine, il s'ensuit que, s'agissant d'une disposition protectrice des libertés et des biens, elle suppose que soit donné par un accord express qui ne saurait en tout état de cause être déduit de l'absence de résistance de la part des deux capitaines de chalutiers d'autant qu'une telle résistance est constitutive d'infraction pénale, de sorte qu'en décidant et en retenant le nécessaire accord des capitaines des navires, la Cour a entaché sa décision d'un manque de base légale" ;

Attendu que l'arrêt constate l'impossibilité matérielle d'accéder à bord des deux navires dans laquelle le commandant du patrouilleur s'est trouvé ;

Attendu qu'ainsi, le moyen est inopérant, dès lors que ce commandant tenait de l'article 5 de la loi n° 94-589 du 15 juillet 1994 modifiée, le pouvoir d'ordonner le déroutement des navires vers un port approprié ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2 du décret n° 97-156 du 19 février 1997 portant organisation des services déconcentrés des affaires maritimes, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a rejeté l'exception de nullité des deux procès-verbaux de saisie pratiquée à Brest le 14 février 2001 à raison de l'incompétence de leurs auteurs, déclaré coupable André X... et Yannick Y... du chef d'utilisation pour pêche maritime d'instruments ou appareils dans une zone où son emploi est interdit, et les a condamnés à une amende de 8 000 euros chacun et à payer au Comité régional des pêches maritimes et d'élevage marin, partie civile, diverses sommes ;

"aux motifs que l'infraction ayant été constatée en mer et le bateau ramené à Brest, l'autorité compétente pour procéder à la saisie était le directeur départemental des affaires maritimes du Finistère, lequel a régulièrement délégué à son subordonné, M. Z..., inspecteur des affaires maritimes à Morlaix, au terme d'un acte du 1er septembre 2000 intitulé "délégation de signature" mais comportant en réalité délégation de pouvoir compte tenu de sa rédaction pour "instruire les affaires" se rapportant à divers textes, dont la loi du 5 juillet 1983 en vertu de laquelle la saisie a été pratiquée, de sorte que M. Z... avait bien qualité pour agir aux lieu et place de son supérieur, peu importe que la loi du 5 juillet 1983 et non son décret d'application ait été visée dans l'acte de délégation, le visa de celle-ci emportant nécessairement délégation de pouvoir pour le décret d'application ;

"alors qu'en droit administratif, il ne saurait y avoir de délégation de pouvoir en l'absence d'un texte l'autorisant de manière spécifique ; que l'existence d'un texte autorisant une délégation de signature n'emporte pas autorisation de délégation de pouvoir ; que, s'agissant de l'organisation des services déconcentrés des affaires maritimes, le décret du 19 février 1997 n'autorise dans son article 2-1 le directeur départemental ou interdépartemental des affaires maritimes à ne procéder qu'à une simple délégation de signature aux officiers et fonctionnaires civils de catégorie A placés sous son autorité ; que la Cour ne pouvait, dès lors, sans violer le principe ci- dessus rappelé, considérer que la délégation de signature accordée par le directeur départemental des affaires maritimes du Finistère à l'inspecteur des affaires maritimes de Morlaix par acte du 1er septembre 2000, constituait en réalité une délégation de pouvoir en prétendant se fonder sur la rédaction de cet acte puisqu'aucun texte ne prévoit la possibilité d'une telle délégation, d'où il suit que le bénéficiaire de la délégation de signature était radicalement incompétent pour procéder aux saisies, lesquelles relèvent de la seule compétence du directeur départemental des affaires maritimes ;

Attendu que, pour refuser d'annuler la saisie des produits de la pêche, les juges retiennent que le directeur départemental des affaires maritimes, qui tient ses attributions des articles 4 et 7 de la loi du 5 juillet 1983, a, par une décision portant délégation de signature, désigné un subordonné pour instruire, sous son autorité, les affaires de saisie et pour viser les actes qui leur sont afférents, de sorte que la saisie intervenue a été opérée dans des conditions régulières ;

Attendu qu'en l'état de ces seules énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'arrêté ministériel du 19 juin 1980 du Ministère des transports réglementant l'emploi du chalut à grande ouverture verticale dans les eaux territoriales, 111-2, 111-5 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré coupable André X... et Yannick Y... du chef d'utilisation pour pêche maritime d'instruments ou appareils dans une zone où son emploi est interdit, et les a condamnés à une amende de 8.000 euros chacun et à payer au Comité régional des pêches maritimes et d'élevage marin, partie civile, diverses sommes ;

"aux motifs que, s'il est constant que l'arrêté ministériel du 19 juin 1980 autorise la pêche avec un chalut à grande ouverture verticale dans la zone au-delà des 6 milles nautiques, le chalut pélagique n'étant qu'une variété de chalut à grande ouverture verticale, le texte invoqué n'exclut pas des mesures plus restrictives légalement prises par le directeur des affaires maritimes Bretagne-Vendée qui, le 2 novembre 1978, avait interdit à certains navires le chalut pélagique à l'intérieur des 12 miles nautiques dans la zone relevant de son autorité, lesdites mesures, même prises antérieurement, continuant à s'appliquer, la carte produite par les prévenus applicable à la date des faits étant conforme au cumul de ces réglementations ; qu'il s'ensuit que les prévenus ayant bien fait usage d'un chalut pélagique tel que décrit au procès-verbal, ce qu'ils ne contestent pas, et ce dans la zone des 12 miles nautiques, avec des navires présentant plus de 50 tonneaux de jauge équipés de moteurs de puissance supérieure à 450 chevaux, l'infraction qui leur est reprochée et qui n'est pas autrement discutée est bien légalement constituée ;

"alors que la hiérarchie des normes juridiques implique que doivent être considérées comme abrogées les dispositions d'un texte réglementaire se trouvant incompatibles avec de nouvelles dispositions émanant d'un autre texte de nature également réglementaire mais revêtant une autorité supérieure, de sorte qu'en l'espèce, l'arrêté ministériel du 19 juin 1980 autorisant l'emploi de tout chalut à grande ouverture verticale au-delà des 6 miles de la côte doit être considéré comme ayant rendu caduque l'interdiction résultant de l'arrêté directorial n° 152 du 2 novembre 1978 qui, dans son article 2, interdit dans les eaux territoriales de la circonscription de Bretagne-Vendée la pêche au chalut pélagique dans les 12 miles de la côte, privant ainsi les présentes poursuites de toute base légale" ;

Attendu que le moyen est inopérant, dès lors, d'une part, que le chalut pélagique n'est pas nécessairement un chalut à grande ouverture verticale et, d'autre part, qu'en cas de cumul de réglementations la plus sévère trouve à s'appliquer ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

CONDAMNE André X... et Yannick Y... à payer au Comité régional des pêches maritîmes et élevages marins la somme de 1 500 euros au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénales ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-81192
Date de la décision : 16/12/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre, 23 janvier 2003


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 déc. 2003, pourvoi n°03-81192


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:03.81192
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award