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16/12/2003 | FRANCE | N°03-80522

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 décembre 2003, 03-80522


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize décembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle ROGER et SEVAUX, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X...
Y... Jésus,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle , en date du 18 décembre 2002 , qui , pour infra

ctions à la police de la pêche en mer, l'a condamné à 70 000 euros d'amende, a ordonné la c...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le seize décembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle ROGER et SEVAUX, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X...
Y... Jésus,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle , en date du 18 décembre 2002 , qui , pour infractions à la police de la pêche en mer, l'a condamné à 70 000 euros d'amende, a ordonné la confiscation du matériel saisi, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le chalutier espagnol Mikel, dont Jésus X...
Y... reconnaît être le patron depuis 7 ans environ, a fait l'objet d'un contrôle en mer par les services des Affaires Maritimes en surveillance de la zone économique européenne sous juridiction française, alors que ce chalutier faisait route vers l'Espagne ; qu'il a été découvert à l'occasion de ce contrôle l'existence, dans la cale de ce bâtiment, d'un local aménagé dissimulé par une trappe supposée permettre l'accès à la soute à gas-oil, ce local pouvant contenir 30 m3 de poissons et les conserver grâce à une installation frigorifique ad hoc d'un volume de 22 m3 ; que, devant les refus réitérés de l'intéressé d'ouvrir ou de faire ouvrir la trappe d'accès, les contrôleurs ont procédé au découpage de celle-ci, tâche qui s'est poursuivie durant plusieurs heures ; qu'après avoir accédé à la cache, les contrôleurs ont constaté la présence de deux "culs de chaluts", dont l'un était humide et contenait des poissons de petite taille, de 168 kg de merlus dans la partie réfrigérée d'une taille moyenne nettement inférieure à la taille minimale requise, de 30 kg de soles, espèce pour laquelle l'Espagne ne dispose pas de quotas de pêche dans la zone considérée et d'autres quantités de poissons dont certaines, ainsi que les merlus et les soles, ne figuraient pas sur le journal de bord communautaire ; qu'il était constaté, en outre, que le plan de cale authentifié par les autorités espagnoles ne mentionnait pas la cache réfrigérée ;

Que l'intéressé, poursuivi pour avoir pêché en infraction à la réglementation CEE, notamment de la sole pour laquelle l'Espagne ne dispose pas de quotas pour ses navires, pêché et stocké des merlus n'ayant pas la taille requise, utilisé et détenu un dispositif permettant d'obstruer les mailles d'une partie quelconque d'un filet ou d'en réduire effectivement les dimensions, fait obstacle au contrôle de police en mer, et ce, en récidive et pour ne pas avoir respecté le plan de cale, a été déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés ; qu'une partie civile a obtenu des dommages-intérêts ;

En cet état,

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 7 du décret-loi du 9 janvier 1852, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jésus X...
Y... coupable de s'être soustrait au contrôle des officiers et agents chargés de la police de pêche ;

"aux motifs que la particulière mauvaise foi du prévenu est également établie ; qu'il s'est non seulement abstenu de donner des indications sur cette cache, mais a refusé de l'ouvrir, une fois celle-ci découverte ; que, bien qu'étant patron de ce bateau depuis 1998, il a prétendu qu'il connaissait l'existence de cette cache mais ne savait pas comment elle était pour n'y être jamais descendu ; qu'il a ajouté qu'il ignorait comment ouvrir la trappe pour accéder à cette cache, ni quel marin à bord connaissait le fonctionnement de la cache ; que, cependant, une grosse quantité de poisson n'ayant pas la taille réglementaire y était entreposée ; qu'il a ajouté en ce qui concerne les "chaussettes" que c'est lui qui a demandé à ce que ces deux engins soient mis dans la cache car il savait que leur détention était interdite, ce qui démontre qu'il avait parfaitement connaissance de la contenance de cette cache ; que la direction régionale Maritime précise "à 14 heures 10 mn, nous demandons au patron de procéder à l'ouverture du socle, ce dernier refuse ; à 14 heures 25 mn, celui-ci contacte son armateur et confirme son refus ; durant le découpage du socle, nous réitérons à plusieurs reprises la demande d'ouverture et à chaque fois le patron refuse" ; qu'il a fallu environ 5 heures de travail par les gendarmes maritimes pour y accéder ; que les mensonges réitérés du prévenu, le refus manifesté à plusieurs reprises par ce dernier d'ouvrir cette cache constitue le délit de soustraction au contrôle de police ; qu'en effet, compte tenu du fait que les dispositifs de cette cache étaient particulièrement sophistiqués (cache réfrigérée dissimulée par un panneau métallique et équipée d'un dispositif hydraulique situé sous un faux moteur et un système de verrouillage alors que les plans du navire authentifiés par les autorités espagnoles précisaient qu'il s'agissait d'une cuve à gazole), le prévenu avait une parfaite connaissance de l'existence de cette cache et de son ouverture ; que dans sa déclaration, il va jusqu'à dire "ce n'est pas que je refusais d'ouvrir mais simplement, je ne savais pas comment actionner la trappe d'ouverture de la cache... j'ai pris contact avec mon avocat pour savoir ce que je devais faire ; ce dernier m'a conseillé de dire aux agents de faire leur travail" ; qu'on se demande pourquoi le prévenu a pris contact avec son armateur puis son avocat pour qu'on lui dise la conduite à tenir puisque de toutes les façons, il ignorait comment on pouvait ouvrir cette cache et qui sur le bateau pouvait le faire ;

que le comportement de Jésus X...
Y... n'était pas un comportement passif de bonne foi mais une obstruction systématique et active, telle que prévu et réprimé par l'article 7 du dit décret stipulant "qui se sera soustrait ou aura tenté de se soustraire aux contrôles des officiers et agents chargés de la Police des pêches" ;

"alors, d'une part, que selon l'article 7 du décret-loi du 9 janvier 1852, seul le capitaine de navire qui, en mer, s'est soustrait ou a tenté de se soustraire au contrôle des officiers et agents chargés de la Police des pêches peut être puni d'une amende de 75 000 euros ; que la cour d'appel ne pouvait donc condamner Jésus X...
Y..., marin pêcheur de nationalité espagnole, sur le fondement de ce texte, sans, au préalable, avoir constaté qu'il était bien le capitaine du navire Mikel ;

"alors, d'autre part, qu'en toute hypothèse, la soustraction aux contrôles, prévue et réprimée par l'article 7 du décret-loi du 9 janvier 1852, suppose que soit établie une attitude active du capitaine du navire pour rendre le contrôle impossible ;

que la Cour d'appel ne pouvait donc déclarer Jésus X...
Y... coupable de s'être soustrait au contrôle de police au seul motif qu'il avait refusé d'ouvrir la cache située sur le navire Mikel ;

Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 20 1 du règlement CEE 2847/93 du 2 octobre 1993, instituant un régime de contrôle applicable à la politique commune de la pêche, de l'article 4.d du règlement CEE 850/98 du 30 mars 1998, de l'article 6 du décret-loi du 9 janvier 1852, de l'article 3 du décret 90-95 du 25 janvier 1990, ensemble les articles 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jésus X...
Y... coupable du délit d'utilisation et de détention d'engins prohibés ;

"aux motifs que l'article 20 du règlement CEE du 12 octobre 1993 dispose en son article 20 : "les filets se trouvant à bord et qui ne sont pas utilisés doivent être rangés de façon à ne pas être facilement utilisables" ; que la réglementation sur les moyens de pêche est précisée dans le règlement (CE) n° 150/98 du Conseil du 30 mars 1998 ; que les deux culs de chaluts (chaussettes) de petites mailles se trouvaient dans la cache ; que l'une de ces "chaussettes" était mouillée et contenait des poissons frais de petite taille ; qu'ils se trouvaient avec du poisson entreposé dans cette cache (en grande quantité), ce poisson ayant une taille inférieure à celle autorisée ; que ces culs de chaluts de petit maillage sont utilisés pour doubler le cul de chalut de maillage 107 mm et pour donc pêcher des "poissons juvéniles" ; que l'un des culs de chaluts avait servi récemment pour la pêche compte tenu des observations faites ci-dessus et non pas pour rincer le poisson ; que ce délit est constitué ;

"alors, d'une part, que le juge doit caractériser le délit en tous ses éléments constitutifs et ne peut statuer par voie de simple affirmation ; que la cour d'appel ne pouvait donc se borner à affirmer, pour déclarer Jésus X...
Y... coupable du délit d'utilisation d'engins prohibés, que l'un des culs de chalut avait servi récemment pour la pêche puisqu'il était humide ;

"alors, d'autre part, qu'il résulte de la combinaison des articles 20 1 du règlement CEE 2847/93 instituant un régime de contrôle de la politique commune de la pêche et de l'article 4.d du règlement CEE 850/98 du 30 mars 1998, que les bateaux de la communauté peuvent détenir à bord, dans les zones de pêche communautaires et au cours de toute campagne de pêche, des filets d'un maillage inférieur à 120 mm, qui ne sont pas conformes aux annexes VIII et IX du règlement, pour autant qu'ils soient arrimés et rangés de façon à ne pas être facilement utilisables conformément aux dispositions suivantes : a) les filets, poids et engins similaires sont détachés de leurs panneaux et de leurs câbles et cordages de traction ou de chalut ; b) les filets qui sont sur le pont ou au-dessus sont arrimés d'une façon sûre à une partie de la superstructure ; que la cour d'appel ne pouvait donc déclarer Jésus X...
Y... coupable de détention d'engins prohibés après avoir constaté que les filets litigieux se trouvaient à l'intérieur du navire, dans une cache, ce dont il résultait qu'ils étaient bien détachés de leurs panneaux et de leurs câbles et cordages de traction ou de chalutage" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits d'obstacle en récidive à contrôle de police en mer et d'utilisation et de détention d'un dispositif permettant d'obstruer les mailles d'un filet ou d'en réduire les dimensions, dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, des indemnités propres à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que la peine prononcée étant justifiée par la déclaration de culpabilité du chef de récidive d'obstacle au contrôle de police en mer, il n'y a pas lieu d'examiner le premier moyen de cassation qui discute d'une autre infraction à la police de la pêche ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-80522
Date de la décision : 16/12/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, chambre correctionnelle, 18 décembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 déc. 2003, pourvoi n°03-80522


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:03.80522
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