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10/12/2003 | FRANCE | N°02-86863

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 décembre 2003, 02-86863


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Micheline, épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'assises du VAR, en date du 20 septembre 2002, qui, pour assassinat, abus de confiance et abus de faiblesse, l'a condamnée à vingt-quatre ans de réclusion criminelle, ainsi que contre l'arrêt du 26 septembre 2002 par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats

en l'audience publique du 26 novembre 2003 où étaient présents : M. Cotte président, M. Co...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Micheline, épouse Y...,

contre l'arrêt de la cour d'assises du VAR, en date du 20 septembre 2002, qui, pour assassinat, abus de confiance et abus de faiblesse, l'a condamnée à vingt-quatre ans de réclusion criminelle, ainsi que contre l'arrêt du 26 septembre 2002 par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 26 novembre 2003 où étaient présents : M. Cotte président, M. Corneloup conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Pelletier, Mme Ponroy, M. Arnould, Mmes Koering-Joulin, Palisse conseillers de la chambre, M. Sassoust, Mme Caron, MM. Lemoine, Chaumont conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Mouton ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

Sur le rapport de M. le conseiller CORNELOUP, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;

L'avocat de la demanderesse ayant eu la parole en dernier ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 380-1, 380-2, 380-3, 380-14, 500 du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur l'appel principal de l'accusée, l'a condamnée à vingt-quatre ans de réclusion criminelle du chef notamment de meurtre avec préméditation, après avoir, par arrêt incident, refusé de faire droit à la demande de la défense faisant valoir que la réponse négative en première instance à la question sur l'homicide volontaire avait constitué un acquittement définitif, purgeant l'accusation de ce chef et ne pouvant plus être soumise à la cour d'assises statuant en appel ;

"aux motifs que Micheline X... n'a nullement été acquittée pour les faits qui lui étaient reprochés, la cour d'assises des Alpes-Maritimes ayant en réalité disqualifié les faits qui lui étaient imputés sous la qualification d'assassinat en violences volontaires commises avec préméditation, ayant entraîné la mort sans intention de la donner ; que, dès lors, Micheline X... est mal fondée à demander le bénéfice d'un acquittement dont le ministère public ne pouvait à l'époque interjeter appel ; que, du fait de l'appel de Micheline X... et du ministère public, la cour d'assises d'appel a l'obligation de réexaminer l'affaire en son entier ; que, si, en application de l'article 380-3 du Code de procédure pénale, la cour d'assises statuant en appel sur l'action publique ne peut, sur le seul appel de l'accusé, aggraver le sort de l'accusé, il en va différemment lorsque la juridiction d'appel se trouve saisie d'un recours émanant à la fois de l'accusé et du ministère public, ce qui est le cas en l'espèce ;

"alors que, si l'article 380-14 du Code de procédure pénale prévoit qu'il est procédé devant la cour d'assises d'appel comme en cas de renvoi après cassation, l'article 380-3 précise que la cour d'assises statuant en appel ne peut, sur le seul appel de l'accusé, aggraver le sort de ce dernier ; que, comme le relève l'arrêt incident, l'appel du ministère public formé le 28 mars 2001 n'était pas recevable à l'encontre de la réponse négative apportée en première instance à la question principale relative à l'homicide volontaire ;

que, dès lors, si l'appel incident du parquet donnait à la cour d'assises sa liberté d'appréciation sur le quantum de la peine, il ne pouvait lui permettre de remettre en cause les réponses négatives et favorables à l'accusée sur la question principale ; que la condamnation prononcée du chef d'assassinat est, dès lors, illégale" ;

Attendu qu'il résulte des pièces de procédure que Micheline X..., mise en accusation du chef d'assassinat, a été déclarée coupable par la cour d'assises des Alpes-Maritimes, statuant en première instance, de violences avec préméditation ayant entraîné la mort sans intention de la donner et a été condamnée à vingt ans de réclusion criminelle ; qu'au début de l'instruction à l'audience devant la cour d'assises d'appel, l'accusée a déposé des conclusions soutenant que la question relative à la culpabilité du chef d'homicide volontaire ne pouvait plus être posée, compte tenu de la réponse négative fournie par la cour d'assises des Alpes-Maritimes ; qu'après que la Cour eut écarté cette argumentation par l'arrêt incident dont les motifs sont reproduits au moyen, Micheline X... a été déclarée coupable d'assassinat ;

Attendu qu'en cet état, les griefs allégués ne sont pas encourus ;

Que, d'une part, la question relative à l'intention de donner la mort, à laquelle la Cour et le jury statuant en première instance avaient répondu par la négative, portait sur un élément constitutif du crime d'homicide volontaire pour lequel Micheline X... a été renvoyée ; que, dès lors, en raison du lien de dépendance entre les questions relatives à l'élément matériel et celle relative à l'élément intentionnel de ce crime, l'accusation sur le fait reproché à l'accusée n'avait pas été légalement ni définitivement jugée ;

Que, d'autre part, la cour d'assises, qui statuait sur l'appel de Micheline X... et sur celui, incident, du ministère public, pouvait aggraver le sort de l'accusée ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 169, 316 du Code de procédure pénale ;

"en ce que, par arrêt incident, la Cour a dit qu'il serait passé outre aux débats et dit n'y avoir lieu au renvoi de l'affaire ;

"aux motifs que la contradiction alléguée par la défense entre les affirmations du témoin Z... et les conclusions de l'expert A..., si contradiction il y a, est de nature à être résolue par d'autres éléments développés à l'audience de la cour d'assises (témoignages, constatations matérielles et déclarations de l'accusée) et qui seront débattus par la Cour et le jury au cours de son délibéré ;

"alors qu'aux termes de l'article 169 du Code de procédure pénale, si une personne entendue comme témoin contredit les conclusions d'une expertise ou apporte au point de vue technique des indications nouvelles, le président demande aux experts et aux parties de présenter leurs observations avant de décider s'il sera passé outre aux débats ou si l'affaire sera renvoyée à une date ultérieure ; qu'en l'espèce, l'arrêt incident a été rendu sans que l'expert A..., dont les conclusions étaient contredites par le professeur Z..., ait été entendu en ses observations ; que la violation de l'article 169 a fait grief aux droits de la défense, dès lors qu'il résulte du procès-verbal des débats que le professeur Z... a été entendu après que l'expert A... avait été autorisé à se retirer définitivement et qu'il n'a donc à aucun stade des débats pu faire d'observation sur la déposition du témoin, et qu'il ressort de l'arrêt de renvoi que l'accusation d'assassinat repose éventuellement sur les conclusions de cet expert qui n'avait pas exclu que les substances découvertes dans les prélèvements pouvaient favoriser la mort même de manière indirecte" ;

Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que les experts Pascal B... et Yves A... ont exposé le résultat de leurs opérations techniques et que, ayant demandé à se retirer définitivement, "le président les y a autorisés sans opposition de la part de l'une quelconque des parties qui ont été préalablement consultées" ;

qu'ensuite, après la déposition du témoin André Z..., la défense de l'accusée s'est fait donner acte de certaines déclarations de ce témoin qui auraient été de nature à contredire les conclusions de l'expert A... ;

qu'à l'issue de l'instruction à l'audience, la Cour, saisie de conclusions tendant, par application de l'article 169 du Code de procédure pénale, au renvoi de l'affaire et à la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise, a rejeté la demande par l'arrêt incident dont les motifs sont reproduits au moyen ;

Attendu qu'en cet état, l'absence d'observations formulées par l'expert A... préalablement à la décision de la Cour ne saurait donner lieu à ouverture à cassation, dès lors que l'accusée ou ses avocats ne s'étaient pas opposés à ce que cet expert se retire de la salle d'audience et que, par la suite, ils n'ont pas demandé qu'il se présente à nouveau ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 231, 349, 351 du Code de procédure pénale ;

"en ce que la Cour et le jury ont répondu par l'affirmative à la question subsidiaire n° 7 et à la question n° 8 ainsi libellées :

"7 ) L'accusée Micheline X..., veuve Y..., est-elle coupable d'avoir, à Sanary-sur-Mer, courant août 1996, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, détourné, au préjudice de François C..., une somme de 2 200 000 francs soit 335 387,83 euros, qui lui avait été remise et qu'elle avait acceptée, à charge de la rendre, de la représenter ou d'en faire un usage déterminé ?" ;

"8 ) L'accusée Micheline X..., veuve Y..., est-elle coupable d'avoir, à Genève (Suisse), Annecy et Sanary-sur-Mer, courant août 1996, en tout cas sur le territoire national, et depuis temps non couvert par la prescription de l'action publique, abusé frauduleusement de l'état d'ignorance ou de la situation de faiblesse de François C..., dont la particulière vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une déficience physique ou psychique (déficience provoquée par l'administration non thérapeutique, pendant plusieurs jours, de substances médicamenteuses psychotropes), était apparente ou connue de l'auteur, ayant eu pour effet d'obliger François C... à des actes gravement préjudiciables pour lui, en l'espèce le retrait d'une somme de 2 800 000 francs, soit 426 857,24 euros à la SBS de Genève et la conservation, par devers elle, de cette somme ?" ;

"alors que la cour d'assises ne peut connaître d'aucune autre accusation que celle contenue dans l'arrêt de mise en accusation ; qu'en l'espèce, l'accusée avait été renvoyée devant la cour d'assises pour avoir abusé de la faiblesse de la victime en l'obligeant à "des actes gravement préjudiciables pour elle (retrait et remise de 2 200 000 francs en espèces, confirmation écrite et téléphonée d'un retrait par procuration d'une somme de 2 800 000 francs à la SBS de Genève)" ; que l'accusation ne comportait aucun fait de détournement ni de "conservation par-devers elle" des sommes que la victime aurait été contrainte de retirer ; que les questions 7 et 8, qui interrogent la Cour et le jury sur une accusation autre que celle retenue par l'arrêt de renvoi, sont donc nulles" ;

Attendu que, la peine prononcée trouvant son seul support légal dans les réponses affirmatives de la Cour et du jury aux questions régulièrement posées, qui ont déclaré l'accusée coupable d'assassinat, il n'y a pas lieu d'examiner le moyen relatif à des délits connexes ;

Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix décembre deux mille trois ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-86863
Date de la décision : 10/12/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° COUR D'ASSISES - Questions - Intention de donner la mort - Réponse négative par la cour d'assises de première instance - Réponse acquise à l'accusé (non).

1° Lorsque l'accusé, poursuivi pour assassinat, a été condamné par la cour d'assises de première instance pour violences avec préméditation ayant entraîné la mort sans intention de la donner, la réponse négative à la question relative à l'intention de donner la mort ne lui est pas acquise et l'appel du ministère public saisit la juridiction du second degré de l'accusation initiale du chef d'assassinat qui n'a pas été légalement ni définitivement jugée (1).

2° COUR D'ASSISES - Débats - Expertise - Expert - Audition - Témoin contredisant les conclusions de l'expert - Observations (article 169 du Code de procédure pénale) - Absence - Effet.

2° Les observations qu'en vertu de l'article 169 du Code de procédure pénale l'expert est appelé à formuler lorsqu'un témoin a contredit ses conclusions ne sont pas prescrites à peine de nullité. Leur absence ne saurait donner ouverture à cassation dès lors que l'accusé ou ses avocats ne se sont pas opposés à ce que l'expert se retire de la salle d'audience après sa déposition et qu'ils n'ont pas demandé qu'il se présente à nouveau après l'audition du témoin.


Références :

Code de procédure pénale 169
Code de procédure pénale 380-1, 380-2, 380-3, 380-14

Décision attaquée : Cour d'assises du Var, 2002-09-20, 2002-09-26

CONFER : (1°). (1) A comparer: Chambre criminelle, 1986-11-05, Bulletin criminel 1986, n° 326 (1), p. 833 (cassation)

arrêt cité (3) ; Chambre criminelle, 2002-09-11, Bulletin criminel 2002, n° 162, p. 601 (rejet et cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 déc. 2003, pourvoi n°02-86863, Bull. crim. criminel 2003 N° 241 p. 964
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2003 N° 241 p. 964

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Mouton.
Rapporteur ?: M. Corneloup.
Avocat(s) : la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.86863
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