AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six novembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de la société civile professionnelle GHESTIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Abdelkrim,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 28 janvier 2003, qui, pour conduite d'un véhicule malgré l'annulation du permis de conduire, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 224-16 et L. 224-12 du Code de la route, 63-1, 171, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les exceptions de procédure soulevées par le prévenu et, après avoir annulé le jugement entrepris et évoqué, a déclaré Abdelkrim X... coupable de conduite d'un véhicule après annulation de son permis de conduire et l'a condamné à six mois d'emprisonnement ;
"aux motifs que 1 ) sur l'absence de notification de la mesure d'annulation du permis de conduire : que, par jugement contradictoire du 8 mars 2000, le tribunal correctionnel de Belfort a annulé le permis de conduire dont Abdelkrim X... était titulaire ; qu'il ressort d'un document D16 qu'Abdelkrim X... a reçu le 22 mai 2000 notification de cette mesure qui a été mise à exécution le jour même ; que, lors de son audition D10, l'intéressé a déclaré qu'il était impossible qu'il ait conduit un véhicule puisqu'il n'était plus titulaire du permis de conduire ; qu'il ressort de ces circonstances que le 21 octobre 2000, le prévenu avait connaissance du fait que son permis de conduire était annulé ; qu'en conséquence, la première exception soulevée n'est pas fondée ;
2 ) sur le non-respect des dispositions des articles 63-1 et suivants du Code de procédure pénale : qu'il n'est pas contesté qu'Abdelkrim X... n'a pas déféré à trois convocations du service de police ; qu'en conséquence, il a été régulièrement contraint de comparaître, conformément aux instructions du procureur de la République en date du 27 novembre 2000, en application des dispositions de l'article 78 du Code de procédure pénale ; que le recours à cette mesure de coercition n'implique pas nécessairement le placement en garde à vue de celui qui y est soumis, puisque, notamment, les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction, peuvent être contraintes de comparaître devant un officier de police judiciaire alors qu'elles sont insusceptibles d'être placées en garde à vue ;
qu'il ressort du procès-verbal n° 1498/1 du 22 juin 2001 (D9) qu'Abdelkrim X... était en état d'ivresse publique et manifeste au moment de son interpellation ; qu'en conséquence, il a été régulièrement placé en cellule de dégrisement dans les locaux du commissariat en application des dispositions de l'article L. 76 du Code des débits de boisson ; que le recours à cette mesure n'entraîne pas la nécessité de placer l'intéressé qui en fait l'objet sous le régime de la garde à vue ;
qu'il ressort de l'examen des procès-verbaux n° 1498/1 et 1498/2 qu'après avoir fait l'objet d'une mesure de dégrisement rendue nécessaire par son état d'ivresse, Abdelkrim X... a été entendu le 22 juin 2001, de 9 heures à 9 heures 25, sans être retenu au-delà du temps nécessaire à son audition ; qu'en conséquence, il n'y avait pas lieu de le placer en garde à vue ; que la deuxième exception n'est pas fondée ; que, dès lors, il convient d'annuler le jugement entrepris et de statuer sur le fond par voie d'évocation ;
qu'il ressort du procès-verbal d'interpellation précité et de l'audition du gardien de la paix Y... qu'Abdelkrim X... était le conducteur du véhicule rencontré par les policiers le 21 octobre 2000 ; que l'intéressé doit être déclaré coupable des faits objet de la poursuite ;
que le bulletin n° 1 du casier judiciaire d'Abdelkrim X... délivré le 9 décembre 2002 porte la mention de 5 condamnations dont 3 prononcées pour des délits relatifs à la conduite des véhicules et 2 pour des faits de conduite malgré la suspension judiciaire du permis de conduire ; que deux précédentes peines alternatives à l'incarcération ont été inopérantes pour prévenir la réitération de l'infraction ; qu'en conséquence, une peine d'emprisonnement sans le bénéfice du sursis doit être infligée à l'intéressé ;
"alors que, l'officier de police judiciaire a le devoir de notifier les droits attachés au placement en garde à vue dès que la personne concernée se trouve en état d'être informée ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'après avoir fait l'objet d'une mesure de dégrisement rendue nécessaire par son état d'ivresse, Abdelkrim X... a été retenu pour être entendu le 22 juin 2001 de 9 heures à 9 heures 25 sur l'infraction qui lui était reprochée ;
qu'en estimant qu'il n'y avait pas à respecter les formalités des articles 63-1 et 171 du Code de procédure pénale, la cour d'appel a violé ces textes, ensemble les textes visés au moyen" ;
Attendu que, le 22 juin 2001 à 1 heure 30, Abdelkrim X..., qui faisait l'objet de recherches aux fins d'être entendu, au besoin après avoir été contraint à comparaître comme l'avait requis le procureur de la République en application de l'article 78 du Code de procédure pénale, sur des faits de conduite d'un véhicule malgré l'annulation du permis de conduire, a été découvert sur la voie publique, en état d'ivresse publique et manifeste, par une patrouille de police ; que les policiers l'ont interpellé et conduit au commissariat où il a été placé en chambre de sûreté jusqu'à complet dégrisement ; qu'ayant recouvré la raison, il a été entendu sur les faits précités, avec son consentement, par un agent de police judiciaire, le même jour de 9 heures à 9 heures 25 ;
qu'il a été laissé libre à l'issue de son audition ;
Attendu que, pour écarter les prétentions du prévenu, qui soutenait que les droits accordés par les articles 63 et suivants du Code de procédure pénale aux personnes placées en garde à vue auraient dû lui être notifiés, l'arrêt attaqué prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que l'intéressé, retenu en chambre de sûreté en application de l'article L. 76 du Code des débits de boissons, ne disposait pas des droits accordés aux personnes gardées à vue et qu'à l'issue de cette période de dégrisement, il a consenti à être entendu, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;