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19/11/2003 | FRANCE | N°02-88410

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 novembre 2003, 02-88410


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf novembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-François,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 26 novembre 2002, qui, pour abus de confiance

, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf novembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-François,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 26 novembre 2002, qui, pour abus de confiance, l'a condamné à 6 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Richelieu Conseil, présidée par Jean-François X..., ayant pour objet la gestion de patrimoine, s'est trouvée en difficulté en cours de l'année 1994 ; qu'à l'instigation du groupe genevois UFIP, dont l'introduction dans le capital de Richelieu Conseil a été envisagée, Jean-François X... a fait participer sa clientèle à une augmentation de capital de la société américaine Excel ; qui'il a ainsi fait passer, au second semestre de l'année 1995, pour certains de ses clients, des ordres d'achat totalisant 2 millions de francs, au prix de 5 dollars l'action, alors que le cours n'a jamais excédé 2 dollars ; qu'il a été constaté, fin mars 1996, que les titres avaient perdu la plus grande partie de leur valeur ; que certaines personnes, non dédommagées, qui avaient conclu avec Jean-François X..., un "mandat de gestion de valeurs mobilières dit prudent", ont porté plainte et se sont constituées parties civiles ; qu'à la suite du retrait d'agrément de la COB, la société Richelieu Conseil et Jean-François X... ont été mis en liquidation judiciaire ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 et 314-10 du Code pénal, de l'article 1134 du Code civil et de l'article 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a déclaré Jean-François X... coupable du délit d'abus de confiance au préjudice de Catherine Y..., de Dominique Z..., de Maurice A... et des époux B... et l'a condamné à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis ;

"aux motifs que, "les premiers juges ont à juste titre relevé que Jean-François X... a fait participer sa clientèle à une opération d'augmentation de capital de la société Excel ; qu'il a fait passer des ordres d'achat pour un mont de 2 MF au prix de 5 dollars US l'action alors que le cours n'a jamais excédé 2 dollars ; que quelques mois plus tard, il était constaté que les titres n'avaient pratiquement plus aucune valeur ; que les mandats de gestion entre Jean-François X... et les plaignants portaient le titre de : "le mandant souhaite bénéficier d'une gestion privilégiant la prudence et l'accroissement régulier non spéculatif de son patrimoine" ainsi que "souscription ... faisant l'objet d'opérations sur tous les marchés organisés français" ; que les opérations incriminées portant sur le marché hors côte américain n'entrent pas dans le cadre de ces mandats ; qu'il apparaît que Jean-François X... a délibérément dépassé les pouvoirs du mandat afin de donner satisfaction aux demandes de la société UFIP, apporteurs de l'opération Excel, qui lui proposait d'entrer dans le capital de sa société, d'étendre l'activité à une époque où il était en difficulté et alors que, dans le cadre de ce projet d'association, la société UFIP lui avait consenti un prêt d'un million de francs ; que le tribunal a, à juste titre, relevé que l'activité de conseil en gestion qu'exerçait Jean-François X... au sein de la société Richelieu Conseil ne répond pas aux exigences de l'article 314, 2, 2ème, du Code pénal ;

que la Cour, adoptant pour partie les motifs circonstanciés et pertinents des premiers juges confirmera le jugement déféré sur les déclarations de culpabilité de Jean-François X... du délit d'abus de confiance au préjudice de Catherine Y... et Dominique Z... et le réformant pour partie, le déclarera également coupable des délits commis au préjudice de Maurice A... et des époux B..." ;

"1 ) alors que l'une des conditions essentielle du délit d'abus de confiance est la remise effectuée dans les mains du prévenu des fonds, valeurs ou biens ultérieurement détournés ; que par motifs adoptés, la cour d'appel a constaté que ni la société Richelieu Conseil ni son représentant légal, Jean-François X..., ne recouvraient les fonds dont les sociétés de bourses restent dépositaires pour le compte de leurs clients ; que Jean-François X... rappelait que la loi a conféré aux sociétés de bourse un monopole de la détention et des maniements de fonds et des opérations financières ; qu'en entrant en voie de condamnation contre Jean-François X... bien que les fonds prétendument détournés, dont Jean-François X... assurait seulement la gestion, aient été remis à des sociétés de bourse et que, faute de remise des fonds entre les mains du prévenu, la prétendue violation du mandat de gestion n'entrait pas dans les prévisions de l'article 341-1 du Code pénal, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2 ) alors qu'aux termes des mandats en cause, le mandant autorisait son mandataire à exécuter de sa propre initiative les "négociations sur valeurs mobilières françaises ou étrangères sur le marché hors cote" ; que Jean-François X... rappelait que le marché hors cote en France ne pouvait concerner que des valeurs françaises, il s'ensuivait que pour les valeurs mobilières étrangères, il ne pouvait s'agir que du marché hors cote étranger ; que cette interprétation du contrat était d'ailleurs corroborée par l'approbation des mandants hors de précédentes opérations intervenues sur des valeurs cotés en Thaïlande, au Japon ou en Zambie ; qu'en affirmant néanmoins que les opérations incriminées portant sur le marché hors cote américain n'entraient pas dans le cadre de leur mandat, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs en violation des textes susvisés ;

"3 ) alors que Jean-François X... faisait valoir, dans ses écritures d'appel, que Maurice A... avait formellement souscrit un contrat "dynamique" ; qu'aux termes de ce mandat Maurice A... souhaitait "bénéficier d'une gestion dynamique, non exempte de risques et tendant à utiliser au mieux les possibilités techniques des marchés financiers" (cote D 24) ; qu'en déclarant Jean-François X... coupable du délit d'abus de confiance au préjudice de Maurice A..., sans rechercher, comme cela lui était demandé, si les opérations incriminées ne respectaient pas les stipulations de ce mandat "dynamique" conclu avec Maurice A... et nécessairement distinct des contrats dit "prudents" conclu avec les autres parties civiles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale aux regards des textes susvisés" ;

Attendu que, pour déclarer Jean-François X... coupable d'abus de confiance, l'arrêt attaqué et le jugement qu'il confirme énoncent que les mandants souhaitaient bénéficier d'une gestion de valeurs mobilières privilégiant la prudence et l'accroissement régulier non spéculatif de leur patrimoine, que la souscription à l'augmentation de capital de la société américaine a été réalisée "sur la foi d'informations à l'évidence très vagues", qu'il résulte de déclarations concordantes recueillies tant auprès d'anciens salariés de Richelieu Conseil que de collaborateurs des sociétés de bourse, que l'achat de valeurs d'une société étrangère inconnue, sur le marché américain hors cote OTC ne relève en aucune façon d'une gestion prudente de portefeuille, que ces investissements ont porté sur le tiers de leur valeur et s'expliquent par la volonté de Jean-François X... de satisfaire un futur partenaire, dont le soutien apparaissait comme l'ultime moyen de sauver la société Richelieu Conseil de la liquidation ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, et dès lors que le mandat de gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières faisant l'objet d'une inscription en compte implique la possibilité de disposer des fonds dans les conditions contractuellement prévues, la cour d'appel, qui a, sans insuffisance ni contradiction répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 314-1 et 314-10 du Code pénal, de l'article 1382 du Code civil et de l'article 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt a dit que Jean-François X... est personnellement responsable des conséquences civiles des délits et a confirmé le jugement ayant fixé la créance de dommages-intérêts due par Jean-François X... actuellement dans les liens d'une procédure collective à la somme de 500 000 francs au profit de Dominique C..., épouse D..., et à la somme de 500 000 francs au profit de Catherine C..., épouse E... ;

"aux motifs que, "Jean-François X... fait déposer par son avocat des conclusions tendant à voir déclarer irrecevable l'action civile de Catherine E... et Dominique D... au motif que celles-ci ont produit leur créance entre les mains du mandataire liquidateur de la société Richelieu Conseil qui ont été acceptées ;

que cette action devant la juridiction commerciale est distincte de l'action civile devant la juridiction répressive en ce qu'elle ne présente ni identité de causes, ni identité de parties ; que Jean-François X... est personnellement responsable des conséquences civiles des délits dont il est déclaré coupable" ;

"alors que la constitution de partie civile appartient à ceux qui ont personnellement souffert d'un préjudice direct et certain ; que le préjudice ne peut être considéré comme certain tant que la perte définitive de la créance n'est pas établie ; que Jean-François X... faisait valoir que Dominique D... et Catherine E... avaient produit leur créance entre les mains du liquidateur de la société Richelieu Conseil pour un montant de 500 000 francs chacune, que celles-ci avaient été acceptées pour ce montant et étaient devenues définitives en l'absence de contestation ; que Jean-François X... rappelait, en outre, que le montant des actifs réalisables de la société Richelieu Conseil et de Jean-François X... n'étant pas encore définitif puisque soumis au résultat d'actions civiles à l'encontre de compagnies d'assurances pour des montants supérieurs au passif produit ;

qu'en rejetant l'exception tirée de l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de Dominique D... et Catherine E..., sans rechercher, comme cela lui était demandé, si, en l'état d'un préjudice simplement éventuel dès lors que la perte définitive de leur créance n'était pas établie, celles-ci n'étaient pas recevables à se constituer partie civile, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés" ;

Attendu que, pour déclarer recevables les constitutions de partie civile de Dominique C..., épouse D..., ainsi que de Catherine C..., épouse E..., et pour fixer à 500 000 francs pour chacune d'elles la créance des dommages-intérêts dus par Jean-François X..., en liquidation judiciaire, la cour d'appel énonce que la production des créances devant la juridiction commerciale est distincte de l'action civile devant la juridiction répressive, en ce qu'elle ne présente identité ni de causes, ni de parties ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article 3 du Code de procédure pénale ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Chanut conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Dulin, Mmes Thin, Desgrange, M. Rognon, Mmes Nocquet, Palisse conseillers de la chambre, Mme de la Lance, MM. Soulard, Samuel, Chaumont conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-88410
Date de la décision : 19/11/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

(Sur le second moyen) ACTION CIVILE - Fondement - Infraction - Infraction commise par le dirigeant d'une société en liquidation judiciaire - Action en dommages-intérêts - Production des créances devant la juridiction commerciale - Distinction.


Références :

Code de procédure pénale 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 9ème chambre, 26 novembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 nov. 2003, pourvoi n°02-88410


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.88410
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