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19/11/2003 | FRANCE | N°02-87580

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 novembre 2003, 02-87580


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf novembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER et les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et URTIN-PETIT, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Marc,

- X... Guy,

contre l'arrêt n° 1561 de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en da

te du 17 octobre 2002, qui, pour faux et escroquerie, les a condamnés, chacun, à 10 000 euros d'am...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf novembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGER et les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et URTIN-PETIT, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Marc,

- X... Guy,

contre l'arrêt n° 1561 de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 17 octobre 2002, qui, pour faux et escroquerie, les a condamnés, chacun, à 10 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi de Guy X... :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II - Sur le pourvoi de Marc X... :

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 313-1, 313-7, 313-8, 441-1, 441-10 et 441-11 du Code pénal, 2, 3, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Marc X... coupable de faux et d'escroquerie ;

"aux motifs que, "sur la prévention de faux, nul ne pouvant se constituer un titre à soi-même, la fabrication d'un document, forgé pour servir de preuve, constitue un faux matériel susceptible de porter préjudice à autrui, alors même que la fausseté du fait attesté ne serait pas constatée ; qu'en l'espèce, les investigations techniques réalisées par les enquêteurs ont permis d'établir que le document litigieux était une photocopie de l'original au bas de laquelle les paraphes et la signature de Marc X... avaient été apposés postérieurement aux deux autres signatures ; qu'il a ensuite été effectué une photocopie de ce document qui a été produite devant le tribunal ; que Marc X... a reconnu devant le juge d'instruction être l'auteur de la signature apposée sur le document litigieux, ce qui a été confirmé par l'expertise graphologique ; que Guy X... a indiqué devant les enquêteurs qu'il avait convenu avec Marc X... qu'il fallait que ce dernier ajoute sa signature sur la photocopie du bail pour régulariser la situation ; qu'il a également déclaré, après consultation de son agenda, que c'était probablement le 5 avril 1996 qu'il avait rencontré Marc X... pour mettre au point le dossier ; qu'il a précisé devant le magistrat instructeur qu'ils avaient agi tous deux en "commun accord" ; que Ronald Y... a déclaré au magistrat instructeur qu'au cours d'une réunion qu'il avait organisée au Centre Avicene, Marc X... lui avait dit : "il a fallu encore redresser une connerie de Me Z... en re-signant le bail" ;

que Guy X..., qui était présent lors de cette réunion, a confirmé que Marc X... avait tenu les propos rapportés par Ronald Y... ; que le témoignage de Mme A..., qui a également participé à cette réunion, et a indiqué qu'elle "n'avait pas le souvenir d'avoir entendu dire par Marc X... à Ronald Y... qu'il avait ajouté une mention sur le bail" est insuffisant pour contredire les déclarations précises de Guy X... et Ronald Y... ; que Marc X..., qui déclare ne pas se souvenir précisément de la date à laquelle il a signé ce document, soutient que ce n'est certainement pas en 1996 mais très probablement en 1991, au temps de l'administration de M. B... et à la suite de la demande de ce dernier ; qu'il sera relevé au préalable, sur ce point, que dès la nomination de l'administrateur judiciaire, Marc X... n'avait plus qualité pour signer la convention ; qu'il apparaît également que la SCP Sauvab Goulletquer, qui a succédé en qualité d'administrateur judiciaire de la SA Les Jardins de Sophia à M. B... ne disposait que d'un original revêtu seulement de deux signatures (Bernard C... et Guy X...) et n'a découvert le bail comportant trois signatures que lors de sa production devant le tribunal ; que Bernard C... a déclaré qu'en 1991, lorsque M. B... avait demandé la copie du bail, seuls Guy X..., en qualité de représentant de la SCl, et lui-même, représentant la SA, l'avaient signé puis l'avaient communiqué à l'administrateur judiciaire ; qu'il s'en évince que Marc et Guy X... ont, d'un commun accord, élaboré un faux en procédant à l'adjonction de la signature et du paraphe de Marc X... sur une photocopie de l'original, qui était revêtue uniquement des signatures de Bernard C..., puis ont fait des photocopies de ce document destinées à être produites dans le cadre de la procédure de référé ;

qu'il sera rappelé que commet le délit de faux au même titre que celui qui a établi l'écrit, celui qui coopère sciemment à sa fabrication, ce qui est le cas, en l'espèce, de Guy X... qui a effectué la photocopie du document ; que le faux a été délibérément fabriqué par les prévenus pour servir de preuve dans l'instance en référé opposant la SCI Cartel du Rochet, dont ils étaient tous deux associés, à la SA Les Jardins de Sophia et qu'il était susceptible de préjudicier à cette société à l'encontre de laquelle il était demandé la condamnation au paiement d'une somme d'argent ; qu'il convient en conséquence de réformer la décision entreprise et de déclarer Marc et Guy X... coupables de l'infraction de faux (arrêt, pages 10 à 12) ;

que, sur la prévention d'escroquerie, Guy et Marc X... ont produit en justice la photocopie du montage frauduleux aux fins d'obtenir la condamnation de la SA Les Jardins de Sophia dans une instance qui l'opposait à la SCI Cartel du Rochet ; que les deux prévenus étaient associés chacun à concurrence de 30 % dans le capital de la SCI Le Cartel du Rochet et, de surcroît, s'étaient portés caution solidaire de cette société auprès des établissements qui avaient financé l'opération de construction ; que Guy X... a indiqué qu'en raison du défaut de paiement des loyers par la SA à la SCI, cette dernière ne pouvait plus rembourser son crédit à Domibail qui avait menacé de résoudre le crédit bail ce qui aurait entraîné la mise en jeu des cautions ; qu'il précise : "nous étions d'autant plus inquiets que Domibail, par un courrier précédent, nous avait avertis que Bernard C... avait proposé à la banque un arrangement ; il était donc important pour nous de bloquer les procédures" ; qu'il déclare enfin que Marc X... "a eu peur que le contrat déposé en l'état au tribunal soit rejeté pour défaut de validité" ; que le juge des référés a pris en compte pour fonder sa décision, entre autres motifs, l'existence de la promesse de bail dont il relève que l'exemplaire produit comporte trois signatures ; que Marc et Guy X..., qui ont délibérément produit en justice un document qu'ils savaient sans valeur dans le but d'obtenir une décision de condamnation en leur faveur, doivent, dès lors, être déclarés coupables du délit d'escroquerie ; que, sur les intérêts civils, la SA Les Jardins de Sophia, partie civile, demande à la Cour de condamner solidairement les prévenus à lui payer la somme de 76 224,50 euros à titre de dommages-intérêts ;

qu'au vu du dossier et des débats, la Cour dispose de moyens suffisants pour fixer à la somme de 1 000 euros le montant des dommages-intérêts à allouer afin de réparer le préjudice subi par la partie civile et découlant directement des faits reprochés" (arrêt, pages 7, 12 et 13) ;

"1 ) alors que seule constitue un faux, au sens de l'article 441-1 du Code pénal, l'altération de la vérité qui, portant sur la substance de l'acte, est de nature à en modifier la portée ou la valeur ; que la promesse de bail vaut bail lorsqu'elle réunit tous les éléments essentiels à la validité du contrat, laquelle n'est pas subordonnée à l'existence d'un écrit et peut notamment résulter d'un commencement d'exécution établi par tous moyens ; que, dès lors, en se bornant à énoncer que, postérieurement à la conclusion de la promesse de sous-location passée en 1989 entre la SCI Cartel du Rochet, locataire et la SA Les Jardins de Sophia, sous-locataire, Marc X... avait ajouté sa signature et son paraphe au bas de chaque page de l'acte, pour en déduire que ce faux avait été fabriqué pour servir de preuve dans l'instance en référé opposant les deux sociétés et qu'ainsi cette falsification était susceptible de causer un préjudice à la société sous-locataire condamnée à payer une forte somme à la SCI Cartel du Rochet, sans rechercher, comme elle y était invitée par les conclusions d'appel du demandeur, si la promesse de sous-location n'avait pas fait l'objet d'une exécution spontanée par les parties depuis l'origine des relations entre les deux sociétés, soit en 1989, jusqu'à l'incident survenu en 1996 et concernant le non paiement des loyers, de sorte qu'en l'état de cette exécution durable de la convention, démontrant à elle seule l'existence et la validité de la sous-location, l'ajout de la signature de Marc X... au bas du contrat litigieux n'était pas nécessaire à la preuve de l'engagement du sous-locataire, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé ;

"2 ) alors qu'il n'y a de faux punissable qu'autant que la pièce contrefaite ou altérée est susceptible d'occasionner à autrui un préjudice actuel ou, à tout le moins, éventuel ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces de la procédure, soit notamment de l'assignation en référé du 14 mai 1996 et de l'ordonnance de référé du président du tribunal de grande instance de Montpellier du 13 juin 1996, que, pour s'opposer au paiement des loyers réclamés par la SCI Cartel du Rochet, la SA Les Jardins de Sophia, loin de remettre en cause l'existence ou la validité intrinsèque de la promesse de sous- location litigieuse, s'était borné d'en contester la portée, en prétendant que, faute d'avoir donné lieu à l'établissement d'un contrat de sous-location, cet acte, à lui seul, ne valait pas bail ;

qu'ainsi, en se bornant à énoncer, par une formule lapidaire, que ladite promesse, sur laquelle figurait faussement la signature de Marc X..., constituait un faux fabriqué pour servir de preuve et, partant, susceptible de préjudicier à la société sous-locataire à laquelle il était opposé, sans rechercher si, en l'état des éléments susvisés, la solution du litige porté devant le juge des référés n'était pas indifférente à l'adjonction de cette signature, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;

"3 ) alors que, pour caractériser l'escroquerie, les manoeuvres frauduleuses doivent avoir déterminé la remise ; que, dès lors, en se bornant à énoncer que le juge des référés avait pris en compte pour fonder sa décision, entre autres motifs, l'existence de la promesse de bail dont il avait relevé que l'exemplaire produit comportait trois signatures, pour en déduire que le demandeur avait commis une escroquerie en produisant en justice ladite promesse comportant la signature litigieuse, dans le but d'obtenir une décision de condamnation en sa faveur, sans rechercher si, compte tenu, d'une part, du fait que la Convention avait été normalement exécutée par les parties pendant six ans, d'autre part, de la circonstance que la sous-locataire n'en contestait que la portée mais non la validité, le juge des référés avait véritablement déduit l'existence et la validité de cette Convention de l'adjonction de la signature litigieuse, et s'il avait ainsi été déterminé, en considération de l'existence de cette signature, à faire droit aux demandes tendant au paiement de loyers échus, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 593 du Code de procédure pénale ;

"4 ) alors qu'en se bornant à énoncer que le juge des référés avait pris en compte pour fonder sa décision, entre autres motifs, l'existence de la promesse de bail dont il avait relevé que l'exemplaire produit comportait trois signatures, pour en déduire que le demandeur avait commis une escroquerie en produisant en justice ladite promesse comportant la signature litigieuse dans le but d'obtenir une décision de condamnation en sa faveur, tout en énonçant, s'agissant des intérêts civils, qu'il convenait de limiter à la somme de 1 000 euros le montant des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la partie civile et découlant directement des faits reprochés, tandis que celle-ci réclamait à ce titre le paiement des sommes auxquelles elle avait été condamnée en référé, soit 76 224,50 euros, ce dont il résultait que les faits reprochés audit demandeur n'avaient nullement déterminé le juge des référés à prononcer la condamnation mise à la charge de la sous-locataire, la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que l'administrateur judiciaire de la société Les Jardins de Sophia a porté plainte pour faux et usage, exposant que, lors de l'instance en référé l'ayant opposé, pour non-paiement de loyers, à Guy X... et Marc X..., gérant et associé de la SCI Le Cartel du Rochet, ceux-ci ont produit la photocopie d'une promesse de sous-location portant trois signatures, dont celle de Marc X..., alors que l'original n'était signé que de Guy X... et Bernard C... ;

Attendu que, pour déclarer Guy et Marc X... coupables des faits visés à la prévention, l'arrêt énonce, notamment, que les prévenus ont délibérément fabriqué le document incriminé pour servir de preuve dans l'instance en référé et qu'ils l'ont produit en justice afin d'obtenir une décision de condamnation en leur faveur ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, procédant de leur appréciation souveraine, les juges ont justifié leur décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Roger conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-87580
Date de la décision : 19/11/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle, 17 octobre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 nov. 2003, pourvoi n°02-87580


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.87580
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