La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/11/2003 | FRANCE | N°02-86540

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 novembre 2003, 02-86540


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf novembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Eric,

- Y... Mary-Christine, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème cham

bre, en date du 13 septembre 2002, qui, après relaxe d'Eric X... du chef d'escroquerie et de C...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf novembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Eric,

- Y... Mary-Christine, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 13 septembre 2002, qui, après relaxe d'Eric X... du chef d'escroquerie et de Christian Z... du chef de complicité de fourniture illégale de services d'investissement, a condamné le premier, pour fourniture illégale de services d'investissement, à 8 mois d'emprisonnement avec sursis et 7 622,45 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi d'Eric X... :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II - Sur le pourvoi de Mary-Christine Y... :

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Eric X... du chef d'escroquerie ;

"aux motifs qu'Eric X... a été présenté à Mary-Christine Y..., qui cherchait une personne capable de la conseiller pour gérer son portefeuille boursier, par Christian A..., gérant de la société Euro Conseil Patrimoine, à qui elle avait confié la gestion d'une partie de son patrimoine ; que Christian A... a déclaré qu'Eric X... s'était présenté comme un spécialiste de la bourse et avait produit les articles de presse dont il était l'auteur pour justifier de son savoir-faire ; qu'avant de faire un placement pour le compte de Mary-Christine Y... par le biais d'une société de bourse, Eric X... avait demandé et obtenu de cette dernière qu'elle lui prête un chèque de 50 000 francs qu'il avait placé sur son compte personnel et dont il lui avait ultérieurement remboursé le montant majoré d'un substantiel revenu ; qu'en outre le versement des fonds à la société Jean-Pierre Pinatton Société de Bourse n'a pas été déterminé par le cadre sécurisant qu'offrait cette société de bourse ;

"alors, d'une part, que l'intervention d'un tiers, la production d'un écrit ou une mise en scène venant corroborer le mensonge, en l'espèce la présentation d'Eric X... par Christian A... comme un spécialiste en matière boursière, la production d'articles du journal Le Monde signés par Eric X... en qualité de gérant de portefeuille indépendant et la mise en oeuvre d'une première opération spéculative, caractérisent l'emploi de manoeuvres frauduleuses ; qu'en conséquence, la cour d'appel a violé l'article 313-1 du Code pénal ;

"alors, d'autre part, qu'en se bornant à relever, par des motifs adoptés, que le cadre sécurisant de la société Jean-Pierre Pinatton Gestion n'avait pas déterminé la remise des fonds, sans rechercher, ainsi que l'y invitait la partie civile, si l'envoi d'une procuration préétablie au nom d'Eric X... par ladite société n'était pas venu corroborer le mensonge d'Eric X... sur ses compétences en matière boursière et transformer ce mensonge en manoeuvres frauduleuses, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-6 et 121-7 du Code pénal, L. 573-1, L. 531-2, L. 531- 10 du Code monétaire et financier, de l'article 26 de la loi du 2 août 1989, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a prononcé la relaxe de Christian Z... du chef de complicité de fourniture illégale de services d'investissement à des tiers à titre de profession habituelle ;

"aux motifs que Christian Z... ne pouvait savoir qu'Eric X..., avec lequel il avait conclu une convention d'apport de clientèle, gérait le portefeuille de Mary-Christine Y... ; qu'en outre, aucune disposition légale n'interdisait à la société Jean-Pierre Pinatton Gestion de conclure avec Eric X..., personne physique, une convention d'apport de clientèle ;

"alors, d'une part, qu'est complice du délit de fourniture illégale de services d'investissement le dirigeant d'une société de bourse qui, à l'instar de Christian Z..., directeur général de la société Jean-Pierre Pinatton Gestion, transmet ou fait transmettre à un client une procuration établie au nom de l'un de ses apporteurs d'affaire permettant ainsi à ce dernier d'exercer l'activité illicite de gérant de portefeuille ; qu'en conséquence, la cour d'appel a violé l'article 121-7 du Code pénal ;

"alors, d'autre part, que la profession d'apporteur d'affaire ou de remisier ne pouvant être exercée que par des entreprises d'investissement, constitue le délit de fourniture illégale de services d'investissement le fait pour une personne physique d'exercer une telle profession ; qu'en conséquence, en jugeant que rien n'interdisait à la société Jean-Pierre Pinatton Gestion de conclure une convention d'apport de clientèle avec Eric X..., et en écartant de la sorte la complicité du délit de fourniture de services d'investissement, la cour d'appel a violé les textes précités ;

"alors, enfin, qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi que l'y invitaient les conclusions de la partie civile et les termes de l'ordonnance de renvoi, si M. Z..., en exécutant ou en faisant exécuter les ordres d'Eric X... n'avait pas sciemment fourni à ce dernier les moyens de commettre le délit de fourniture illicite de services d'investissement, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme, partiellement reprises aux moyens, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve des délits d'escroquerie et de complicité de fourniture illégale de service d'investissement n'était pas rapportée à la charge des prévenus, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions relatives au préjudice subi du fait de ces infractions ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1382 du Code civil, 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a évalué le préjudice résultant de l'infraction de fourniture illégale de services d'investissement à des tiers à titre de profession habituelle à la somme de 4 573,47 euros (30 000 francs) et a condamné Eric X... à verser cette somme à Mary-Christine Y... ;

"aux motifs que Mary-Christine Y... a dûment mandaté Eric X... pour intervenir sur les marchés dérivés Monep et Matif, marchés très volatiles et pour lesquels l'aléa boursier était maximum ; que seul le préjudice directement généré par le délit de fourniture illicite de prestations de services d'investissement dont ce dernier s'est rendu coupable doit être retenu ; que ledit préjudice sera réparé par l'octroi de la somme de 30 000 francs à titre de dommages et intérêts ;

"alors que la fourniture illicite d'une prestation d'investissement, lorsque cette prestation consiste à faire transférer des fonds de placements sans risque vers des placements boursiers volatiles, cause, en cas de dissipation totale desdits fonds, directement à leur propriétaire un préjudice égal à la perte de ces fonds ; qu'en conséquence, en refusant d'indemniser la perte résultant du transfert, par Eric X..., des fonds initialement confiés à la société Euro Conseil Patrimoine sur des marchés Monep-Matif, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil" ;

Attendu que, pour fixer le montant du préjudice subi par la partie civile, qui soutenait que son préjudice, s'élevant à 274 517,12 euros, était constitué non seulement par la perte du capital confié au prévenu mais aussi par la perte de la chance d'obtenir la rémunération normale de ces fonds, la cour d'appel énonce que Mary-Christine Y... a dûment mandaté Eric X... pour intervenir sur les marchés dérivés Monep et Matif présentant un "aléa boursier maximum" et que le seul préjudice directement généré par le délit de fourniture illicite de services d'investissement, dont celui-ci a été déclaré coupable, devait être évalué à 4573,47 euros ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a souverainement apprécié le préjudice subi par la partie civile, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 388 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, omission de statuer ;

"en ce que l'arrêt attaqué a omis de statuer sur le chef de recel de délit de fourniture illégale de services d'investissement à des tiers à titre de profession habituelle visé par la prévention dirigée contre Christian Z... ;

"alors que Christian Z... a été mis en examen des chefs de complicité et de recel du délit de fourniture illicite de prestations de service d'investissement ; qu'aucune décision de non lieu n'a été prononcée du chef de recel ; qu'au contraire Christian Z... a été renvoyé sous la prévention de s'être "rendu complice par fourniture de moyens de ce délit et d'en avoir été dans le cadre de la SA Pinatton Gestion bénéficiaire" (ordonnance de renvoi, p. 5 ;

jugement, p. 3 ; arrêt attaqué, p.3) ; qu'en conséquence, en omettant de statuer sur ce chef de prévention, la cour d'appel a violé les textes précités" ;

Vu l'article 388 du Code de procédure pénale ;

Attendu que les juridictions correctionnelles doivent statuer sur l'ensemble des faits dont elles sont saisies par l'ordonnance de renvoi ;

Attendu qu'il résulte des pièces de procédure que Christian Z... a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour s'être rendu complice, par fourniture de moyens, du délit de fourniture illicite de prestations de services d'investissement et en avoir été bénéficiaire dans le cadre de la société qu'il dirige ; que, si ces éléments de la prévention sont repris dans l'arrêt attaqué et le jugement qu'il confirme, aucune disposition de ces décisions, tant dans les motifs que les dispositifs, n'est relative à la seconde infraction ainsi visée dans l'ordonnance de renvoi ;

Mais attendu qu'en cet état, la cour d'appel, qui n'a pas statué sur les faits de recel reprochés à Christian Z..., a méconnu l'étendue de sa saisine ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

I - Sur le pourvoi d'Eric X... :

Le REJETTE ;

II - Sur le pourvoi de Mary-Christine Y... :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 13 septembre 2002, mais en ses seules dispositions civiles concernant Mary-Christine Y... et relatives à l'infraction de recel du délit de fourniture illicite de prestations de services d'investissement reprochée à Christian Z..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Dulin, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut conseillers de la chambre, MM. Soulard, Samuel, Chaumont conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-86540
Date de la décision : 19/11/2003
Sens de l'arrêt : Cassation rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 9ème chambre, 13 septembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 nov. 2003, pourvoi n°02-86540


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.86540
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award