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18/11/2003 | FRANCE | N°02-88451

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 novembre 2003, 02-88451


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit novembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GAILLY, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Christian,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 28 novembre 2002, qui, pour infractions au Code de la consommation, l'a condamn

é à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende, a ordonné une mesure d...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-huit novembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GAILLY, les observations de Me SPINOSI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Christian,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RENNES, 3ème chambre, en date du 28 novembre 2002, qui, pour infractions au Code de la consommation, l'a condamné à 8 mois d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication, et qui a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu que Christian X..., exerçant une activité de négociant en produits de la mer dans des locaux situés en Bretagne, a vendu, à une société togolaise, un important lot de chinchards congelés, d'origine irlandaise, précédemment refusé à l'importation par l'Egypte et stocké en Hollande ; que les autorités sanitaires togolaises ont interdit le débarquement de la cargaison qu'elles ont qualifiée "d'impropre à la consommation humaine" ;

Attendu que, par l'arrêt attaqué, le prévenu a été déclaré coupable de tromperie rendant la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme, de vente de denrées corrompues nuisibles à la santé de l'homme et de détention de ces denrées ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 1 et 6 3 a) et b) de la Convention européenne des droits de l'homme, 388, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi du prévenu devant le tribunal correctionnel ;

"aux motifs qu'il appartient au magistrat instructeur de donner aux faits dont il est saisi, leur exacte qualification juridique, dans le respect des droits de la défense ; qu'il ressort de l'examen même de l'ordonnance de renvoi querellée qu'elle est rédigée en deux parties ; la première moitié reprend intégralement le contenu de la plainte initiale ; la seconde développe les moyens de défense opposés par le prévenu aux doléances de la partie civile et les investigations diligentées pour établir la véracité des déclarations des uns et des autres ; qu'il est établi par les déclarations de Christian X... tout au long de l'information, que dès le stade de sa mise en examen il savait "de quoi il retourne", qu'il a pu s'expliquer sur l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés et avoir accès aux pièces qui lui étaient opposées, tout en ayant toute latitude de produire les éléments nécessaires à sa défense ; d'où il s'ensuit que le magistrat instructeur a agi dans le respect des prescriptions du Code de procédure pénale et de la Convention européenne des droits de l'homme ;

"alors que la cour d'appel, qui s'est bornée à constater que le prévenu avait eu connaissance des faits reprochés et avait eu l'occasion de s'en expliquer, ne pouvait rejeter l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi du prévenu devant le tribunal correctionnel pour ces faits requalifiés sans rechercher s'il avait été en mesure de se défendre sur les nouvelles qualifications retenues" ;

Attendu que Christian X..., qui avait été mis en examen pour faux, usage de faux et abus de confiance, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour tromperie aggravée, vente de denrées corrompues nuisibles à la santé de l'homme et détention de ces denrées ;

Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de l'ordonnance de renvoi invoquée par le prévenu, qui soutenait n'avoir pas été mis en mesure de se défendre sur les nouvelles incriminations retenues, l'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que Christian X... s'est expliqué devant le juge d'instruction sur l'ensemble des faits et notamment sur la qualité de la marchandise exportée ainsi que sur les conditions dans lesquelles les documents accompagnant la cargaison de poissons avaient été fournis à la société acheteuse ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que le changement de qualification critiqué, intervenu au stade de la décision de renvoi devant la juridiction de jugement, n'a pas privé la personne concernée du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des textes légaux et conventionnnels invoqués ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris en sa première branche, pris de la violation des articles 113-2 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel s'est jugée compétente pour examiner la responsabilité du prévenu au regard de la législation française ;

"aux motifs qu'en application de l'article 113-2 du Code pénal "l'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire ; que dans l'absence de contrat clair, il ressort des fax et courriers échangés avec "Aico Fleisch", "Kloosterboer", "Togo Food", "la Belgolaise" que Christian X... s'est conduit comme le propriétaire de la cargaison litigieuse, qu'il a été considéré comme tel par tous ces interlocuteurs et qu'il ne les a pas détrompés sur ce point ; que le fait que la marchandise ait été entreposée à l'étranger ne fait pas obstacle à sa détention par Christian X..., citoyen français, dirigeant d'une société française, puisqu'il pouvait, à tout instant en disposer, l'inspecter et l'offrir à la vente à partir de ses locaux bretons, étant remarqué de surcroît que l'entreposage en Hollande l'était sous "entrepôt libre" ; que, dès lors que Christian X... reconnaît, y compris devant la Cour que l'ensemble des actes contestés a été effectué à partir de Rennes et Saint-Brieuc, il convient d'examiner son éventuelle responsabilité pénale au regard de la seul législation française et considérer qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 113-6 du Code pénal ;

"alors, qu'au sens de l'article 113-2 du Code pénal, le juge français n'est compétent pour connaître des infractions de tromperie et de mise en vente d'un produit corrompu que si le produit litigieux a été offert à la vente en France, qu'ayant constaté que la marchandise avait été proposée et donc offerte à la vente à une société basée au Togo, la cour d'appel ne pouvait considérer le juge français compétent pour connaître de la responsabilité pénale du prévenu au regard des infractions de tromperie et de mise en vente d'un produit corrompu" ;

Attendu que, pour écarter l'exception invoquant l'incompétence des juridictions françaises, la cour d'appel retient que Christian X..., citoyen français et dirigeant d'une société française, a accompli l'ensemble des actes reprochés depuis le territoire français ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui établissent que l'offre de vente, fait constitutif des délits de tromperie et de mise en vente de produits corrompus, a été émise en France, la cour d'appel a justifié sa déçision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 213-1 et L. 213-2 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de tromperie aggravé ;

"aux motifs que la constitution de cette infraction ne présuppose pas que l'ensemble de la marchandise ait été frelatée ;

qu'il est constant que "Togo Food" souhaitait acquérir le chinchard pour le destiner à la consommation des habitants du Togo ; que cette société était de constitution récente et ses dirigeants étaient néophytes dans ce domaine d'activité ; que Christian X..., en revanche, qui avait précédemment dirigé deux autres entreprises de négoce d'aliments était au fait des usages et règles applicables dans le secteur ; que, si Yves Y... n'ignorait pas que la marchandise avait été refoulée d'Egypte, il n'avait pas connaissance en revanche des conditions du refus de la cargaison ; que ce soit pour des raisons économiques ou à raison d'une législation particulièrement draconienne, ainsi que soutenu primitivement et successivement par Christian X..., la seule chose certaine est que les lots avaient pâti de manipulations multiples, au détriment de l'apparence du conditionnement des lots ;

que c'est l'altération des emballages qui ressort du résumé de l'armateur, dont "Togo Food" a eu connaissance, sans que l'état sanitaire du poisson, objet de la deuxième lettre de protestation du commandant du cargo ait été portée à sa connaissance ; que le contrôle effectué le 7 octobre 1996, qui a porté sur quelques cartons extraits de quelques palettes sorties de la chambre froide par un cariste de l'entrepôt, n'a pas alerté l'acheteur ; qu'il est toutefois établi par le dossier qu'à son arrivée à Vlissigen la cargaison a été classée en "bas risque", ce qui dès lors la rendait impropre à la consommation humaine ; qu'alors que les conditions de stockage chez M. Z... ne sont pas contestées par le prévenu, c'est ce même lot qui a fait l'objet d'une lettre de protestation du commandant du cargo lors du chargement, et qui a été refoulée par les autorités togolaises au débarquement en raison dela dégradation des emballages "à l'aspect vieux et anormal", certains étant "déchirés", "mouillés et séchés par la suite", "sans étiquettes" alors qu'à l'ouverture des cartons "une substance jaunâtre et visqueuse adhère au sous-emballage" les poissons "présentent une odeur désagréable de rance" et une "texture molle pâteuse à la décongélation", autant d'éléments qui ont conduit le vétérinaire-inspecteur, chef de division des pêches de Lomé à déclarer la cargaison "impropre à la consommation humaine", le 17 novembre 1996 ; que ces constatations qui émanent, comme celles des services hollandais, de personnes habilitées à émettre un avis sanitaire sur l'innocuité des produits sur la personne humaine ne sont contrebattues par aucun élément probant contraire ; que l'analyse bactériologique fournie en défense ne démontrant que l'absence de germes dans une quantité indéterminée de poissons, dont la destination finale n'est pas éclairée par l'attestation de la société IDIPROM ; que, dès lors que "Togo Food" a entendu se porter acquéreur de 1266 tonnes de poissons destinés à l'alimentation humaine, que ceux-ci étaient impropres à cette consommation, que Christian X... ne pouvait l'ignorer, contrairement à ses déclarations contraires, un représentant des services vétérinaires hollandais étant présent à l'embarquement ;

qu'il ne peut nier cette dernière circonstance qui ressort de ses propres écritures en défense, puisqu'il a eu à gérer la partie de la cargaison qui a été refoulée par la RVV lors du chargement, compte tenu de son délabrement ; que Christian X... s'est donc bien rendu coupable de tromperie à l'égard de "Togo Food", avec cette circonstance que la marchandise, objet de la tromperie, était dangereuse pour la santé de l'homme ;

"alors, d'une part, que la connaissance par le cocontractant des qualités vraies de la marchandise exclue la qualification de tromperie ; qu'ayant constaté que l'acheteur avait contrôlé la marchandise et qu'en dépit de son apparence anormale et du fait, connu de lui, que la marchandise avait été refoulée de son pays de destination initial il n'avait pas remis en cause l'accord conclu, la cour d'appel ne pouvait déclarer le prévenu coupable de tromperie ;

"alors, d'autre part, qu'en retenant que la destination finale du poisson n'était pas éclairée par l'attestation de la société IDIPROM, la cour d'appel a contredit les mentions claires et précises de cette pièce dont il résultait expressément que le poisson était consommable et que sa destination finale avait été la vente au consommateur" ;

Attendu que, pour déclarer Christian X... coupable des délits de tromperie et mise en vente de produits corrompus, nuisibles à la santé de l'homme, la cour d'appel retient que le prévenu, professionnel averti dans le domaine du négoce d'aliments, savait que la marchandise incriminée, refoulée d'Egypte, était classée, par les autorités sanitaires du lieu de stockage hollandais, en "bas risque", catégorie concernant les alimentations destinées aux animaux et que son acquéreur la destinait à l'alimentation humaine ; qu'elle ajoute que la société Togo Food, de constitution récente et dont les dirigeants étaient inexpérimentés, n'a pas été alertée lors du contrôle commun de quelques palettes, qu'elle ignorait les raisons pour lesquelles la marchandise avait été refoulée d'Egypte et qu'elle n'avait eu connaissance que des réserves émises par le capitaine du cargo concernant l'altération de l'emballage ; qu'enfin, les juges relèvent que l'analyse bactériologique produite par le prévenu, effectuée sur une quantité indéterminée de poisson, ne permet pas de combattre les constatations des services des autorités hollandaises et togolaises les ayant conduites à déclarer la cargaison "impropre à la consommation humaine" ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, procédant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Attendu que, la peine prononcée étant justifiée par la déclaration de culpabilité des chefs de tromperie et de vente de denrées corrompues nuisibles à la santé de l'homme, il n'y a lieu d'examiner ni le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, ni le quatrième moyen, qui discutent le délit de détention de ces denrées ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Gailly conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Le Corroller, Castagnède conseillers de la chambre, Mmes Beaudonnet, Salmeron, M. Chaumont conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Launay ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-88451
Date de la décision : 18/11/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre, 28 novembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 nov. 2003, pourvoi n°02-88451


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.88451
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