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12/11/2003 | FRANCE | N°02-88466

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 novembre 2003, 02-88466


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze novembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me BLANC, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Bernadette, épouse Y...,

- Z... Chrystelle,

- A... Alain,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGE

N, chambre correctionnelle, en date du 25 novembre 2002, qui, dans la procédure suivie contre eux,...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze novembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de Me BLANC, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Bernadette, épouse Y...,

- Z... Chrystelle,

- A... Alain,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 25 novembre 2002, qui, dans la procédure suivie contre eux, pour diffamation publique envers un particulier, a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 43 et 53 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la citation introductive d'instance présentée par Bernadette Y... et Chrystelle Z... ;

"aux motifs que Chrystelle Z... et Bernadette Y... poursuivent la nullité de leur citation au motif que, bien que celle-ci ne comporte pas le visa de l'article 43 de la loi du 29 juillet 1881, elles ont été déclarées coupables de complicité du délit de diffamation ; que, cependant, n'étant pas directrices de la publication du journal "L'Hebdo de l'Actualité Sociale", Chrystelle Z... et Bernadette Y... savaient ne pouvoir être poursuivies comme auteur principal du délit de diffamation, et n'ont ainsi pu se méprendre sur l'objet et la portée de la citation, de sorte qu'il est indifférent que la citation ne vise pas l'article 43 de la loi du 29 juillet 1881 ;

"alors que, conformément à l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881, la citation doit préciser et qualifier le fait incriminé et indiquer le texte de loi applicable à la poursuite ; que, ces formalités étant substantielles aux droits de la défense, leur inobservation doit entraîner la nullité de la citation et de la poursuite elle-même ; qu'en l'espèce la citation délivrée à Chrystelle Z... et Bernadette Y..., qui s'étaient bornées à fournir des informations ayant servi à la rédaction de l'article incriminé, vise le délit de diffamation publique envers un particulier et les articles 23, 29, 32 et 42 de la loi du 29 juillet 1881, à l'exclusion de l'article 43 de la même loi et des articles 121-6 et 121-7 du Code pénal, de sorte que la citation ne répondait pas aux exigences de l'article 53 et devait être annulée indépendamment de la question de savoir si les destinataires de la citation étaient, ou non, à même de savoir ou de supposer à quel titre elles étaient poursuivies ; qu'en refusant de prononcer l'annulation de la citation et de la poursuite elle-même, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu que, pour rejeter l'exception tirée de la nullité de l'exploit introductif d'instance invoquée par les prévenus, les juges du second degré prononcent par les motifs reproduits au moyen ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'en effet, si l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse exige, à peine de nullité de la poursuite, que le fait incriminé soit qualifié et que le texte de loi énonçant la peine encourue soit indiqué, cet article n'oblige pas la partie poursuivante à caractériser dans l'exploit introductif d'instance le mode de participation du prévenu au fait reproché ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, 10.2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur les seuls intérêts civils, a déclaré Alain A..., en sa qualité de directeur de la publication du journal "L'Hebdo de l'Actualité Sociale", solidairement responsable du préjudice subi par la SARL "Maison d'Enfants de Moussaron", et l'a condamné, solidairement avec Chrystelle Z... et Bernadette Y..., à payer à la partie civile la somme de 3 048,98 euros à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que la réalité des faits décrits n'a été démontrée ni par les enquêtes ordonnées par la DDASS, ni par l'enquête de gendarmerie, ni par les investigations effectuées par les médecins commis par le procureur de la République du tribunal de grande instance d'Auch ; qu'Alain A... a sciemment permis la reproduction dans son journal des propos tenus par les deux éducatrices ; qu'en agissant de la sorte, sans vérifier au préalable la réalité des accusations péremptoires par des investigations adaptées, Alain A..., qui ne peut raisonnablement mettre en avant un souci d'information objective, a manqué à la prudence qui s'imposait à lui en sa qualité de professionnel, et ne peut revendiquer le bénéfice de la bonne foi ;

"alors, d'une part, que le bénéfice de la bonne foi n'est pas subordonné à la réalité des faits dénoncés ; que la cour d'appel a posé une condition non prévue par la loi ;

"alors, d'autre part, qu'il résulte de l'article incriminé que l'auteur de l'article n'affirme nullement la réalité des violences et mauvais traitements dénoncés par Chrystelle Z... et Bernadette Y..., mais qu'il présente au contraire une version objective des faits (dont l'arrêt attaqué constate lui-même qu'ils ont fait l'objet d'enquêtes ordonnées par la DDASS, d'une enquête de gendarmerie, ainsi que d'une expertise confiée à deux médecins par le procureur de la République d'Auch), en citant le rapport circonstancié que les deux éducatrices ont adressé à la DDASS, et en donnant la parole à des éducatrices ayant travaillé dans l'établissement, aux responsables CGT Santé et à un directeur adjoint d'un établissement pour adultes polyhandicapés, et en précisant également que la DDASS a conclu à l'absence de maltraitance et que le procureur de la République d'Auch a classé l'affaire sans suite ; qu'en refusant, néanmoins, à Alain A... le bénéfice de la bonne foi, au motif inopérant, et en tout état de cause inexact, qu'il n'avait pas vérifié au préalable la réalité des faits dénoncés par les deux éducatrices, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors, enfin, que, lorsque des faits de maltraitance d'enfants handicapés ont été dénoncés par deux éducatrices ayant travaillé dans l'établissement en question, et que ces faits ont fait l'objet d'enquêtes de la DDASS, d'une enquête de gendarmerie et d'une enquête confiée à deux médecins par le procureur de la République, il ne peut être demandé à la presse sociale de passer ces faits sous silence, sous prétexte que les accusations portées étaient graves et que leur réalité n'a pas été démontrée par l'auteur de l'article ; qu'en imposant, néanmoins, à Alain A... une telle restriction à l'exercice de sa liberté d'expression, sans rechercher si cette restriction était nécessaire dans une société démocratique, et proportionnée au but poursuivi (la protection de la réputation d'autrui) au point de primer l'intérêt public s'attachant à la liberté d'expression, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 23, 29, 32 et 43 de la loi du 29 juillet 1881, 121-6 et 121-7 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, statuant sur les seuls intérêts civils, a déclaré Chrystelle Z... et Bernadette Y... solidairement responsables du préjudice subi par la SARL "Maison d'Enfants de Moussaron", et les a condamnées, solidairement avec Alain A..., à payer à la partie civile la somme de 3 048,98 euros à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que, par leurs propos aux caractéristiques décrites, Chrystelle Z... et Bernadette Y... ont fourni en pleine connaissance de cause au journal "L'Hebdo de l'Actualité Sociale" matière à rédaction d'un article diffamatoire, participant ainsi matériellement et intentionnellement à la réalisation de l'infraction de diffamation publique ;

"alors que les faits dénoncés par Chrystelle Z... et Bernadette Y..., deux éducatrices ayant travaillé dans l'établissement dont les pratiques étaient mises en cause, ont été jugés suffisamment sérieux pour décider la DDASS et le procureur de la République à ordonner des enquêtes ; qu'il s'ensuit que les deux éducatrices, qui se sont bornées à relater les faits vécus, et dont le caractère inexact n'a jamais été affirmé par qui que ce soit (l'enquête de gendarmerie n'a pas conclu à l'inexactitude des faits, mais au manque de moyens de l'établissement et à certaines nécessités thérapeutiques), ont pu, de bonne foi, raconter leur expérience à l'auteur de l'article ; qu'en affirmant, néanmoins, que les deux éducatrices s'étaient, en toute connaissance de cause, associées à l'infraction de diffamation publique, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs propres ou adoptés répondant aux conclusions dont elle était saisie, a, sans insuffisance ni contradiction, exposé les circonstances particulières invoquées par les prévenus et énoncé les faits sur lesquels elle s'est fondée pour écarter l'admission à leur profit du bénéfice de la bonne foi ;

D'où il suit que les moyens, dont le deuxième, nouveau en sa dernière branche, est mélangé de fait, ne peuvent être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

CONDAMNE les prévenus à verser la somme de 1 000 euros à la partie civile ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Chanet conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-88466
Date de la décision : 12/11/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, 25 novembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 nov. 2003, pourvoi n°02-88466


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.88466
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