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04/11/2003 | FRANCE | N°03-80560

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 novembre 2003, 03-80560


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre novembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BEAUDONNET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, Me COSSA, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Michel,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 11

décembre 2002, qui, pour exécution d'un travail dissimulé, contrefaçon de marques, publicité ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre novembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BEAUDONNET, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, Me COSSA, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Michel,

contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 11 décembre 2002, qui, pour exécution d'un travail dissimulé, contrefaçon de marques, publicité de nature à induire en erreur, tromperie et tentative de tromperie, a confirmé le jugement le condamnant à 300 jours-amende de 300 francs, a ordonné des mesures de publication et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 143-3, L. 320, L. 324-9, L. 324-10, L. 362-3 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable de dissimulation d'emploi salarié, en répression, l'a condamné à 300 jours-amende à 45,73 euros, outre la publication par extraits de l'arrêt, et a prononcé sur les réparations civiles ;

"aux motifs que Michel X... reconnaît les faits tout en expliquant qu'il pensait que les commerciaux avaient le statut de mandataire et tout en estimant qu'il avait été trompé par Gérard Y... qui avait procédé au recrutement des vendeurs à domicile ;

qu'il est cependant établi que Michel X..., pour constituer le réseau commercial de distribution des produits fabriqués par la société MOD, a recruté par voie d'annonces dans les journaux gratuits dont le libellé impersonnel et équivoque n'a jamais varié ;

que les enquêteurs ont pu vérifier que sur les 110 "mandataires" mentionnés par Michel X..., seuls cinq étaient réellement inscrits au RCS pour l'activité de vente de parfums ; qu'au mois d'octobre 1999, la société MOD déclarait employer cinq salariés de sorte que l'activité des distributeurs travaillant sous la dépendance était totalement dissimulée ; que le lien de dépendance entre la société MOD et les distributeurs est caractérisé sur les plans juridique et économique par le différé de facturation qui les constitue dépositaires et non acquéreurs des produits livrés jusqu'à leur paiement effectif, par l'encadrement de l'organisation pyramidale du réseau de vente, par l'opacité entretenue au moyen d'une facturation irrégulière et par l'absence de tout contrat écrit fixant le cadre juridique de leur activité ; qu'il est incontestable que Michel X... a personnellement tiré un profit non négligeable de cette activité dissimulée ;

"alors, d'une part, que l'article L. 143-3 du Code du travail ne répute travail clandestin que l'omission, par l'employeur, de remettre aux personnes désignées, lors du paiement de leur rémunération, une pièce justificative, dite bulletin de paie ; que la cour d'appel qui ne constate pas l'omission du prévenu quant à la remise de tels documents et retient uniquement l'absence de tenue régulière du registre unique du personnel, n'a pas caractérisé sa défaillance au regard de l'obligation définie par l'article susvisé, de sorte que l'infraction de travail dissimulé n'a pas été caractérisée en tous ses éléments constitutifs ;

"alors, d'autre part, que l'infraction poursuivie suppose la soustraction intentionnelle du prévenu à l'une des obligations énumérées par le texte susvisé ; que ni le libellé de l'annonce de recrutement, ni la déclaration par la société MOD de cinq salariés seulement, ni l'augmentation du chiffre d'affaires de cette société, ne sont de nature à établir que le prévenu aurait eu connaissance de ce que les commerciaux travaillant pour le compte de sa société ne bénéficiaient pas du statut de mandataire et, cette connaissance acquise, qu'il se serait volontairement soustrait aux obligations visées aux articles L. 143-3 et L. 320 du Code du travail" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-4, 121-5 du Code pénal, L. 121-1, L. 121-6, L. 213-1 du Code de la consommation, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable de publicité mensongère, de tromperie et de tentative de tromperie sur l'identité des produits vendus ou offerts à la vente, en répression, l'a condamné à 300 jours-amende à 45,73 euros, outre la publication par extraits de l'arrêt, et a prononcé sur les réparations civiles ;

"aux motifs que la diffusion par Michel X..., en pleine connaissance de leur caractère illicite, de ces listes de concordances dans son réseau de vente en permettant leur utilisation comme argument de vente à l'égard du consommateur de nature à induire en erreur sur l'identité des produits proposés à la vente constitue, contrairement aux affirmations du prévenu, le délit de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur ; que, de même, cette diffusion publicitaire combinée avec les méthodes fallacieuses de vente en vigueur au siège même de la société MOD et dont les distributeurs n'ont pu que s'inspirer caractérise le délit de tromperie et tentative de tromperie sur l'identité des produits vendus ou offerts à la vente ;

"alors, d'une part, qu'une publicité n'est mensongère que si elle comporte des indications fausses ou de nature à induire en erreur portant sur certaines qualités essentielles du produit ; que l'arrêt constate que les parfums proposés à la vente l'étaient sous la marque "Michel Oelge", de sorte que l'utilisation des tableaux de concordances ne pouvait induire les consommateurs en erreur sur l'identité des produits vendus ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'imposaient de ses propres constatations ;

"alors, d'autre part, que l'infraction de tromperie n'est constituée qu'autant que les méthodes commerciales utilisées ont pu tromper les acheteurs sur les qualités substantielles des produits proposés, et notamment sur leur identité ; qu'en se bornant, sans autre précision, à faire état du caractère prétendument fallacieux des méthodes de vente de la société MOD, tout en constatant par ailleurs que les parfums proposés à la vente l'étaient sous la marque "Michel Oelge", de sorte que l'utilisation des tableaux de concordances ne pouvait induire les consommateurs en erreur sur l'identité des produits vendus, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'imposaient de ses propres constatations ;

"alors, encore, que la tromperie doit résulter d'une intention frauduleuse qu'il appartient au juge de caractériser ; qu'à défaut de toute constatation en ce sens, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"alors, enfin, que la tentative de tromperie doit être manifestée par un commencement d'exécution impliquant, s'agissant de la vente de parfums, l'engagement de pourparlers avec l'acheteur potentiel ; qu'en s'abstenant de caractériser le commencement d'exécution constitutif de la tentative punissable, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnels, les délits de travail dissimulé, de publicité de nature à induire en erreur, de tromperie et de tentative de tromperie dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 5 de la directive 89/10/CEE du Conseil du 21 décembre 1988, L. 711-1, L. 712-1, L. 713-1, L. 713-2, L. 713-3, L. 716-1, L. 716-9, L. 716-10 du Code de la propriété intellectuelle, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Michel X... coupable d'usage illicite de marque et de vente de produits sous marque contrefaite, en répression, l'a condamné à 300 jours-amende à 45,73 euros, outre la publication par extraits de l'arrêt, et a prononcé sur les réparations civiles ;

"aux motifs que les parfums commercialisés par la société MOD étaient composés suivant des formules permettant de les apparenter pour la plupart à des parfums de marques renommées présents sur le marché ; que des listes de tableaux de concordance entre les parfums "Michel Oelge", identifiés par un numéro d'ordre, et des marques de parfum déposées étaient corrélativement diffusés dans le réseau de distribution de la société MOD ; que Michel X... a reconnu avoir remis à ses distributeurs des échantillons de parfums identifiés par numéros et les tableaux de concordance correspondants ; que ces listes de concordance ont été utilisées de manière constante ; que, contrairement aux prétentions de Michel X..., la réalisation puis l'utilisation de ces tableaux, mettant en correspondance des parfums de marques déposées, et les parfums proposés à la vente sous la marque "Michel Oelge" sont suffisants pour établir l'infraction d'utilisation illicite de marque qui lui est reprochée dès lors que les vendeurs étaient mis en mesure, par l'emploi de ces tableaux, de commercialiser les parfums "Michel Oelge" directement par référence aux marques déposées figurant dans le tableau et de tirer ainsi profit du prestige des produits des sociétés titulaires de ces marques ;

"alors, d'une part, que le délit d'usage illicite s'entend de tout emploi illicite de la marque d'un tiers afin de présenter ou d'accompagner la commercialisation d'un produit identique ou similaire à celui couvert par la marque utilisée ; que, s'il s'agit d'un produit similaire au sens de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, le risque de confusion dans l'esprit du public doit être démontré par la partie poursuivante et caractérisé par les juges du fond ; qu'en affirmant que la réalisation et l'utilisation par les vendeurs des tableaux de concordance entre les parfums "Michel Oelge" et ceux des marques litigieuses suffiraient à réaliser l'infraction reprochée, sans caractériser, comme elle y était pourtant invitée, le risque de confusion induit dans l'esprit du public par ces pratiques commerciales, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision ;

"alors, d'autre part, que, selon l'article 5 de la directive 89/10/CEE du Conseil du 21 décembre 1988, ne saurait constituer un usage illicite de marque le fait pour un tiers, dans le cadre de tractations commerciales, d'indiquer que le produit proposé provient de sa propre fabrication et de n'utiliser la marque litigieuse qu'à la seule fin de décrire les propriétés spécifiques du produit qu'il propose, si bien qu'il est exclu que la marque utilisée soit interprétée comme se référant à l'entreprise de provenance dudit produit ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que, à l'occasion de la pratique reprochée dite des tableaux de concordance, les distributeurs de la société MOD indiquaient aux acheteurs tout à la fois que les parfums "Michel Oelge" avaient les mêmes caractéristiques olfactives que ceux diffusés par les marques litigieuses, et que les parfums vendus ne provenaient pas des titulaires des marques mais bien de la société MOD ; que les marques litigieuses n'ayant pas ainsi été utilisées aux fins d'indication de l'origine des parfums commercialisés par la société MOD, la cour d'appel ne pouvait entrer en voie de condamnation sans violer les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Michel X..., gérant de fait d'une société ayant pour objet la création et la vente de parfums, commercialisait des parfums sous la marque "Michel Oelge", par l'intermédiaire de vendeurs à domicile auxquels il fournissait les tableaux des concordances à établir à l'intention de la clientèle, entre ces parfums et ceux de marques renommées ;

Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de contrefaçon de marques et allouer des dommages-intérêts aux parties civiles, la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dont il résulte que le prévenu reproduisait sur des tableaux de concordance et faisait usage, sans l'autorisation de leurs titulaires, de marques connues, enregistrées pour désigner des parfums, à seule fin de tirer profit du prestige de ces marques pour promouvoir les parfums commercialisés par sa société, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Beaudonnet conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-80560
Date de la décision : 04/11/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, 11 décembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 nov. 2003, pourvoi n°03-80560


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:03.80560
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