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29/10/2003 | FRANCE | N°01-43119

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 29 octobre 2003, 01-43119


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X... exerçait, en dernier lieu, les fonctions de directeur des ventes au service de la société Tomecanic ; que par lettre du 28 juin 1998, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail en n'en imputant la responsabilité à son employeur, exposant notamment qu'il n'exerçait plus aucune responsabilité, qu'il n'avait plus aucun rapport avec les "commerciaux" et qu'il s'était vu retirer les principaux chantiers ;

que par lettre du 27 août 1998, l'employeu

r a considéré que la rupture du contrat de travail était imputable au salar...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X... exerçait, en dernier lieu, les fonctions de directeur des ventes au service de la société Tomecanic ; que par lettre du 28 juin 1998, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail en n'en imputant la responsabilité à son employeur, exposant notamment qu'il n'exerçait plus aucune responsabilité, qu'il n'avait plus aucun rapport avec les "commerciaux" et qu'il s'était vu retirer les principaux chantiers ;

que par lettre du 27 août 1998, l'employeur a considéré que la rupture du contrat de travail était imputable au salarié et constituait une démission ;

que ce dernier a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande en paiement des indemnités de rupture et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Sur les deux moyens réunis du pourvoi principal de l'employeur :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la prise d'acte par l'employeur de la rupture du contrat de travail du fait du salarié, en l'absence de démission, s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamné au paiement d'une indemnité conventionnelle de licenciement et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le premier moyen, qu'il résulte de l'article L. 122-5 du Code du travail qu'il appartient au salarié qui, après avoir donné sa démission par écrit à son employeur et avoir immédiatement après cessé le travail, entend imputer à son employeur la responsabilité de la rupture, d'en rapporter la preuve en démontrant soit que sa volonté de démissionner a été affectée d'un vice du consentement, soit que sa démission a été provoquée par la violation par l'employeur de ses obligations contractuelles ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué, d'une part, que "par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 mai 1998", M. X... a écrit à son employeur que "le contrat de travail ne peut plus se maintenir" et a "exposé clairement à l'employeur tout au long de ses courriers qu'il se voyait contraint de cesser sa collaboration" et, d'autre part, qu'il a effectivement cessé de travailler et même "refusé d'exécuter son préavis" ; qu'en considérant que la rupture du contrat de travail s'analysait en un licenciement sans relever aucune circonstance de fait de nature à caractériser un vice du consentement ayant entaché la lettre de démission du salarié ou une violation par l'employeur de ses obligations, la cour d'appel a méconnu les conséquences nécessaires de ses propres constatations sur la démission explicite du salarié et la cessation du travail sans préavis, laquelle confortait la volonté de M. X... de démissionner, et violé, par refus d'application, l'article L. 122-5 du Code du travail ;

et alors que, selon le second moyen :

1 / qu'il résulte de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile que lorsqu'une partie demande la confirmation du jugement, elle est réputée s'en approprier les motifs et que la cour d'appel, qui décide d'infirmer le jugement entrepris, a l'obligation d'en réfuter les motifs déterminants ; qu'en décidant, par suite, d'infirmer la décision entreprise sans réfuter les motifs déterminants de la décision des premiers juges pris de ce que "le demandeur n'apporte pas les preuves de la modification du noyau dur de son contrat de travail puisqu'il s'agit en l'espèce d'une modification de structure n'entraînant ni perte de fonction, ni de rétrogradation, ni de perte de salaire", de ce que "les modifications constatées sont des éléments des conditions de travail n'affectant pas le socle naturel du contrat de travail" et de ce que "les éléments essentiels du contrat de travail sont intacts", la cour d'appel a violé l'article 954 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que méconnaissant les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel s'est abstenue de répondre au moyen péremptoire soulevé par la société Tomecanic dans ses conclusions d'appel pris de ce qu'une fois arrêtée l'idée de quitter Tomecanic pour développer une activité concurrente, il fallait à M. X... créer une situation lui permettant de tenter d'être indemnisé par l'employeur tout en contribuant à l'affecter financièrement" et de ce que le salarié "a ainsi imaginé de soutenir que son contrat avait été profondément modifié, ce qu'il a petit à petit imaginé de faire en commençant à adresser à partir du mois d'avril 1998 des courriers à la société" ;

3 / qu'il résulte, en tout état de cause, de l'article L. 122-4 du Code du travail que le refus par un salarié de continuer le travail ou de le reprendre après un changement de ses conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction constitue, en principe, une faute grave qu'il appartient à l'employeur de sanctionner par un licenciement ; qu'à défaut d'un tel licenciement, le contrat n'a pas été rompu, en sorte que le salarié ne peut réclamer aucune indemnité ; que l'arrêt attaqué ne fait pas ressortir que le refus par M. X... de continuer le travail s'expliquait par une modification du contrat de travail et non pas par une modification des seules conditions de travail de l'intéressé ; qu'il ressort, par ailleurs, de l'arrêt que l'employeur n'a pas licencié le salarié ;

qu'il résultait donc des constatations de l'arrêt lui-même que le contrat de travail n'avait pas été rompu et que le salarié ne pouvait pas réclamer d'indemnité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a méconnu les conséquences nécessaires de ses propres constatations et violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail par fausse application ;

Mais attendu que l'employeur, qui prend l'initiative de rompre le contrat de travail ou qui le considère comme rompu du fait du salarié, doit mettre en oeuvre la procédure de licenciement ; qu'à défaut la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

que la cour d'appel qui a constaté que l'employeur avait pris acte de la rupture du contrat de travail en considérant le salarié comme démissionnaire, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique, pris en sa première branche du pourvoi incident formé par le salarié :

Vu les articles L. 122-4 et L. 122-6 du Code du travail et 1134 du Code civil ;

Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, l'arrêt énonce que le salarié ne démontre pas l'impossibilité d'exécuter son préavis dès lors que le déclassement qu'il invoque comme conséquence de la modification de ses fonctions, s'il pouvait avoir des conséquences à plus long terme sur sa carrière, n'emporte pas nécessairement une modification de ses fonctions sensible pendant le temps limité du préavis ; que le salarié lui-même l'admettait lorsqu'aux termes de sa lettre du 28 juillet 1998, il déclarait se tenir à la disposition de son employeur pour exécuter un "prétendu préavis", après lui avoir exposé qu'il ne pouvait continuer sa collaboration, dès lors que ses fonctions de directeur commercial et la responsabilité en découlant avaient été vidées de tout contenu ;

Attendu, cependant, que l'employeur ne peut imposer au salarié d'effectuer son préavis dans des conditions emportant modification de son contrat de travail ; que si le préavis n'est pas exécuté du fait de l'employeur, celui-ci doit payer l'indemnité compensatrice de préavis ;

Et attendu que la cour d'appel a constaté que la réorganisation des services commerciaux de l'entreprise avait entraîné une réduction des attributions et des responsabilités du salarié, qui notamment avait perdu le rang de directeur commercial pour devenir, avec deux autres salariés, "responsable des comptes clients et du service des contrats d'achat et groupements France et Export", que la responsabilité des quatre principales centrales et groupes d'achat avait été retirée de ce service et qu'il ne disposait plus d'une autonomie pour organiser ses déplacements, ce qui caractérisait une modification du contrat de travail justifiant son refus d'exécuter le préavis ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen unique du pourvoi incident :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, l'arrêt rendu le 22 mars 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 01-43119
Date de la décision : 29/10/2003
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (17e chambre sociale), 22 mars 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 29 oct. 2003, pourvoi n°01-43119


Composition du Tribunal
Président : Président : M. LE ROUX-COCHERIL conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:01.43119
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