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22/10/2003 | FRANCE | N°02-87875

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 octobre 2003, 02-87875


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle LAUGIER et CASTON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Erik, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 24 octobre 2

002, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de Gnagna Y..., épouse Z..., du chef ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle LAUGIER et CASTON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FINIELZ ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Erik, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AGEN, chambre correctionnelle, en date du 24 octobre 2002, qui l'a débouté de ses demandes après relaxe de Gnagna Y..., épouse Z..., du chef d'usage de faux dans un document administratif ;

Attendu qu'aucun mémoire n'a été produit ni par la défenderesse ni par l'avocat à elle désignée au titre de l'aide juridictionnelle ;

Vu les mémoires ampliatif et personnel produits ;

Sur le moyen unique de cassation du mémoire personnel, pris de la violation des articles 459 et 512 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut et insuffisance de motifs ;

Sur le moyen unique de cassation du mémoire ampliatif, pris de la violation des articles 441-1 et 441-2 du Code pénal, 2, 3, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué, relaxant Gnagna Y... du chef d'usage de faux commis dans un document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, a débouté Erik X... de ses demandes civiles ;

"aux motifs que le mariage célébré à Dakar, le 27 octobre 1996, entre Erik X... et Gnagna Y..., selon le droit coutumier, est valable mais les parties ne peuvent s'en prévaloir à l'égard des collectivités ou des établissements publics qu'après avoir obtenu sa transcription sur les registres de l'état civil du Sénégal ; que ce mariage n'a été transcrit que le 5 mai 2001 ; que le 9 février 1999, Gnagna Y... a déposé une requête en divorce devant le tribunal de grande instance de Cahors, et qu'à l'occasion de cette procédure elle a produit un certificat de mariage du 27 octobre 1996 ; que, pour triompher de sa poursuite, Erik X... doit démontrer, d'une part, que ce certificat en cause comporte une altération frauduleuse de la vérité de nature à causer un préjudice, d'autre part, la connaissance par Gnagna Y... de cette altération dans un document constatant un droit et enfin le préjudice actuel ou éventuel par lui subi ; que la fausseté du document produit, en ce que le signataire n'est pas l'officier de l'état civil compétent non plus que son prédécesseur, est établie ; que, par contre, Erik X... ne démontre pas la connaissance que Gnagna Y... avait de la fausseté de ce document ni le préjudice qui en est résulté pour lui ;

qu'en effet, il reconnaît lui-même que le mariage avait été célébré et qu'il ignorait la nécessité de le faire transcrire sur les registres de l'état civil ; qu'il l'a lui-même fait ensuite transcrire pour intenter une requête en divorce contre son épouse ; qu'ainsi, même si le document incriminé porte une fausse signature de l'officier d'état civil, la fausseté des autres énonciations n'est pas établie et il ne contient aucune altération frauduleuse de la vérité ; qu'Erik X..., en poursuivant la transcription de ce mariage et en obtenant le jugement étranger, manifestait son désir d'officialiser ce mariage vis-à-vis des tiers et ne démontre donc aucun préjudice par lui subi du fait de la production de cet acte de mariage ; que Gnagna Y... pouvait légitimement se croire légalement mariée et que son intention frauduleuse n'est pas rapportée ;

"1 ) alors que, l'individu qui présente en justice un document qu'il sait être faux pour tenter de faire triompher sa demande est coupable d'usage de faux ; que, par ailleurs, la fabrication d'un document administratif, même comportant des énonciations exactes, forgé pour servir de preuve, constitue un faux matériel de nature à porter un préjudice à autrui ; que, pour relaxer Gnagna Y... du chef d'usage de faux document administratif, la cour d'appel a retenu qu'hormis la fausse signature de l'officier d'état civil, le certificat de mariage du 27 octobre 1996 ne comportait aucune énonciation de faits inexacts ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen ;

"2 ) alors que, le faux en écriture publique et son usage emportent toujours un préjudice ou la possibilité d'un préjudice, en raison de la confiance particulière qui doit être faite aux actes de l'autorité publique ; qu'à cet égard, les actes de l'état civil émanant des autorités étrangères sont considérés comme des écritures publiques, tout comme ceux émanant des autorités françaises ; que la cour d'appel qui, pour relaxer Gnagna Y... du chef de la prévention, a retenu qu'Erik X... ne démontrait aucun préjudice par lui subi, a violé les textes visés au moyen ;

"3 ) alors que, sur la connaissance qu'avait Gnagna Y... de la fausseté du document présenté, le demandeur faisait valoir, dans ses conclusions d'appel, que le certificat de mariage du 27 octobre 1996 était rédigé d'une écriture manifestement identique à celle de la demande de convocation devant le Conseil des prud'hommes de Figeac écrite par Gnagna Y... ; que, pour relaxer Gnagna Y... du chef de la prévention, la cour d'appel s'est bornée à affirmer qu'Erik X... ne démontrait pas la connaissance qu'avait Gnagna Y... de la fausseté de ce document, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les écritures des deux documents étaient ou non identiques ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé les textes visés au moyen" ;

Les moyens étant réunis ;

Vu les articles 441-1 et 441-2 du Code pénal, ensemble l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que, d'une part, la fabrication d'un document administratif relatif à l'état civil des personnes, même comportant des mentions pour partie exactes, constitue un faux matériel qui cause un préjudice résultant de l'atteinte portée aux intérêts de la société et dont la production au cours d'une instance civile constitue l'usage de faux ;

Que, d'autre part, tout jugement ou arrêt doit répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'Erik X... a fait citer son ex épouse Gnagna Y... devant le tribunal correctionnel du chef d'usage de faux commis dans un document délivré par une administration publique aux fins de constater un droit, une identité ou une qualité ; qu'il lui reproche d'avoir produit à l'occasion d'une instance en divorce un certificat de mariage constituant un faux document administratif, en faisant valoir qu'il n'était marié avec elle qu'en vertu d'un mariage coutumier non transcrit sur les registres d'état civil du Sénégal et, comme tel, dépourvu d'effets à l'égard des collectivités ou établissements publics ;

Attendu que, pour relaxer Gnagna Y..., les juges énoncent que, si la fausseté du document produit devant le juge des affaires familiales résulte du rapport dressé par le commissariat de police de Dakar, qui établit que le signataire de cet acte de mariage n'est pas l'officier d'état civil compétent pour signer un tel document, les autres énonciations ne comportent aucune altération frauduleuse de la vérité, et qu'Erik X... ne démontre ni le préjudice qui en est résulté pour lui ni la connaissance de la fausseté de la pièce litigieuse par la prévenue qui avait pu se croire légalement mariée ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, et sans répondre aux conclusions de la partie civile, qui faisait valoir que l'écriture sur le certificat litigieux était identique à celle d'une demande de convocation devant le conseil des prud'hommes rédigée par la prévenue et pouvant démontrer sa connaissance de la fausseté du document, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes susénoncés ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Agen, en date du 24 octobre 2002, mais en ses seules dispositions civiles, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Agen, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Dulin, Mmes Thin, Desgrange, MM. Rognon, Chanut, Mme Nocquet, M. Castagnède conseillers de la chambre, MM. Soulard, Samuel conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Finielz ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-87875
Date de la décision : 22/10/2003
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

FAUX - Faux spéciaux - Faux dans les documents administratifs - Définition - Fabrication d'un document administratif relatif à l'état civil des personnes.

FAUX - Préjudice - Constatation - Préjudice résultat de l'atteinte portée aux intérêts de la société

FAUX - Usage de faux - Définition - Production dans une instance civile d'un document administratif fabriqué relatif à l'état civil des personnes

La fabrication d'un document administratif relatif à l'état civil des personnes, même comportant des mentions pour partie exactes, constitue un faux matériel qui cause un préjudice résultant de l'atteinte portée aux intérêts de la société et dont la production au cours d'une instance civile constitue l'usage de faux. Constitue ainsi l'usage de faux la production dans une instance en divorce en France, suite à un mariage coutumier au Sénégal non transcrit sur les registres d'état civil de ce pays, d'un certificat de mariage, document fabriqué et sur lequel la seule mention inexacte est la signature de l'officier d'état civil (1).


Références :

Code pénal 441-1, 441-2

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen (chambre correctionnelle), 24 octobre 2002

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1973-02-07, Bulletin criminel 1973, n° 70, p. 169 (cassation) ; Chambre criminelle, 2000-05-24, Bulletin criminel 2000, n° 202, p. 592 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 oct. 2003, pourvoi n°02-87875, Bull. crim. criminel 2003 N° 200 p. 842
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2003 N° 200 p. 842

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Finielz.
Rapporteur ?: Mme de la Lance.
Avocat(s) : la SCP Laugier et Caston.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.87875
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