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22/10/2003 | FRANCE | N°02-85639

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 octobre 2003, 02-85639


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LA SOCIETE TELCOM NETWORK MULTIMEDIA,

- LA SOCIETE INTECOM,

- LA SOCIET

E PUB COM,

- LA SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DMJIN,

- LA SOCIETE NTCE,

- X... Fatima,

- X... Moh...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- LA SOCIETE TELCOM NETWORK MULTIMEDIA,

- LA SOCIETE INTECOM,

- LA SOCIETE PUB COM,

- LA SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DMJIN,

- LA SOCIETE NTCE,

- X... Fatima,

- X... Mohamed,

- X... Jamal,

- X... Driss,

contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de TOULON, en date du 27 mars 2002, qui a autorisé l'administration des Impôts à effectuer des visites et saisies de documents en vue de rechercher la preuve d'une fraude fiscale ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi formé par Driss X... :

Attendu que ce pourvoi, formé le 9 avril 2002, plus de cinq jours francs après notification de l'ordonnance intervenue le 29 mars précédent, est irrecevable comme tardif en application de l'article 568 du Code de procédure pénale ;

II - Sur les autres pourvois :

Vu le mémoire ampliatif commun à tous les demandeurs, les mémoires personnels identiques pour ces mêmes demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour tous les demandeurs, pris de la violation des articles L. 16 B et L. 51 du Livre des procédures fiscales et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, manque de base légale ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé, le 5 avril 2002, divers agents de la Direction nationale d'enquêtes fiscales à effectuer des visites et saisies domiciliaires dans les locaux des sociétés Telcom Network Multimédia, Intecom, Pub Com, DMJIN et NTCE, ainsi qu'aux domiciles de Fatima X..., Mohamed X... et Jamal X... ;

"aux motifs que "seule l'existence de présomptions est requise pour la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ; que, dès lors, il existe des présomptions selon lesquelles, les sociétés Intecom, Telcom Network Multimédia, les sarl NTCE, Pub Com et la société civile immobilière SMJIN, ne satisfont pas à la passation régulière de leurs écritures comptables, et qu'ainsi, ces entités se seraient soustraites et se soustrairaient à l'établissement et au paiement de l'impôt sur les sociétés (IS) et de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) en se livrant à des achats ou des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le Code général des Impôts (articles 54 et 209-I pour l'IS et 286 pour la TVA) ; qu'ainsi, la requête est justifiée et que la preuve des agissements présumés peut, compte tenu des procédés mis en place, être apportée par la mise en oeuvre du droit de visite et de saisie prévu à l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales" ;

1 ) "alors que le juge qui autorise la perquisition est tenu de vérifier le caractère nécessaire des pouvoirs d'enquête demandés ; qu'en l'espèce, l'ordonnance attaquée se borne à énoncer qu'en l'état de l'existence de présomptions ressortant de documents par elle analysés, la recherche d'éléments de preuve concernant les pratiques illicites alléguées lui paraît justifiée ; qu'en statuant ainsi sans constater que les pièces déjà en possession de l'Administration étaient insuffisantes ou incomplètes pour engager des poursuites et, d'autre part, que l'Administration ne disposait d'aucun autre moyen que les visites domiciliaires coercitives pour obtenir les informations complémentaires qu'elle recherchait autrement, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Toulon a violé ensemble les articles L. 16 B du Livre des procédures fiscales et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

"et alors qu'en ne recherchant pas si les pièces n° 17, 19 et 20-8 (compte rendu des rapports de vérification établis à la suite des vérifications dont a fait l'objet la société Telcom et notification de redressement de la société Telcom) n'établissaient pas par elles-mêmes l'inutilité des perquisitions, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Toulon a privé sa décision de base légale au regard des textes visés au moyen" ;

Sur le second moyen de cassation, proposé pour tous les demandeurs, pris de la violation des articles L. 16 B du Livre des procédures fiscales, manque de base légale et dénaturation des pièces du dossier ;

"en ce que l'ordonnance attaquée a autorisé, le 5 avril 2002, divers agents de la Direction nationale d'enquêtes fiscales à effectuer des visites et saisies domiciliaires dans les locaux des sociétés Telcom Network Multimédia, Intecom, Pub Com, DMJIN et NTCE, ainsi qu'aux domiciles de Fatima X..., Mohamed X... et Jamal X... ;

"aux motifs que "la société Telcom Network Multimédia, 70, avenue de Rome, ZE Jean Monnet - 83500 La Seyne-sur-Mer, au capital de 2 777 804,03 euros, a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés du greffe du tribunal de commerce de Toulon, le 2 avril 1996 et a comme activité : l'achat, la vente, le négoce, la location de tout matériel technique et industriel lié à l'exploitation objet filiale, acquisition, propriété, gestion de portefeuille de valeurs mobilières, par prise de participation dans toutes sociétés, administration, gestion de sociétés, toutes prestations de services (pièce n° 1) ; que la société Telcom Network Multimédia est administrée par Jamal X..., né le 17 juillet 1961, Fatima X... née le 17 octobre 1965 et Mohamed X... né le 15 septembre 1959, président du conseil d'administration (pièce n° 1) ;

"alors que le juge qui autorise la perquisition est tenu de vérifier de manière concrète que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; que l'article L. 51 du Livre des procédures fiscales interdit à l'Administration de procéder à une vérification de la comptabilité d'une société portant sur une période et des impositions pour lesquelles elle a déjà procédé à une vérification achevée, sauf lorsque la première vérification a été limitée à des opérations délimitées et dans les cas prévus aux articles L. 176 et L. 187 du même livre ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une seconde vérification de comptabilité n'est autorisée que lorsque l'Administration a déposé une plainte contre un contribuable se livrant à des agissements frauduleux ou, en matière de taxes sur le chiffre d'affaires, pour la seule période écoulée entre le dernier exercice précédant la date de la vérification, lorsque l'exercice ne correspond pas à une année civile, et la vérification elle-même ;

qu'en l'espèce, la société Intecom a fait l'objet d'une première vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1997 ; qu'en autorisant les visites et saisies sans préciser sur quels exercices portaient les recherches ou ce qui permettait d'effectuer une seconde vérification, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Toulon n'a pas mis en mesure la Cour de Cassation de vérifier qu'il avait effectué les contrôles lui incombant ;

"alors, en outre, que la société Telcom Network Multimédia a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 1997, 1998, 1999 et 2000 ; que la notification de redressement adressée le 14 décembre 2001 à la société précisait qu'elle avait "fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 24 mai 2000 au 12 décembre 2001" ; qu'il en résulte nécessairement que cette vérification était achevée le 27 mars 2002, jour où l'Administration a formulé sa demande d'autorisation de visites ;

qu'en décidant que la société Telcom Network Multimédia faisait l'objet d'une vérification au moment où il statuait et en s'abstenant, en conséquence, de préciser ce qui autorisait l'Administration à procéder à une seconde vérification de comptabilité, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Toulon a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 16 B et L. 51 du Livre des procédures fiscales ; qu'en statuant ainsi, le magistrat a, en tout état de cause, dénaturé la notification de redressement du 14 décembre 2001 ;

Sur le premier moyen de cassation des mémoires personnels identiques pour tous les demandeurs, pris de la violation des articles L. 16 B, L. 45, L. 47, L. 51, L. 55 et L. 57 du Livre des procédures fiscales et 1741 du Code général des Impôts ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu, d'une part, que le juge peut autoriser des visites et saisies destinées à rechercher la preuve des agissements visés par la loi en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus, la possibilité de mise en oeuvre d'autres procédures par l'Administration n'interdisant pas de recourir aux visites et saisies domiciliaires prévues par l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales et qui n'ont pas de caractère subsidiaire ;

Attendu, d'autre part, que la procédure tendant à la répression de ces agissements étant distincte de celle tendant à l'établissement et au paiement des Impôts dus par le contribuable, l'Administration peut solliciter l'application de l'article L. 16 B précité après avoir effectué une vérification de comptabilité et notifié un redressement tendant au paiement d'impositions et que ce même texte n'impose pas de mentionner, dans l'ordonnance, à peine d'irrégularité, les années correspondant aux exercices sur lesquels portent les autorisations ;

Attendu, enfin, que le juge s'étant référé, en les analysant, aux éléments d'information fournis par l'Administration, a souverainement apprécié l'existence des présomptions d'agissements frauduleux justifiant la mesure autorisée ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;

Sur le second moyen de cassation des mémoires personnels identiques pour tous les demandeurs, pris de la violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, défaut d'appréciation des éléments d'information fournis par l'Administration ;

Attendu que les motifs et le dispositif de l'ordonnance rendue en vertu de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales sont réputés avoir été établis par le juge qui l'a rendue et signée ; que le nombre des pièces produites par l'administration fiscale à l'appui de sa requête, et leur caractère technique, ne sauraient en soi laisser présumer que le juge, qui a, sans insuffisance, décrit et analysé ces pièces dans sa décision, s'est trouvé dans l'impossibilité de les examiner, et d'en déduire l'existence de présomptions de fraude ;

Que le moyen ne saurait donc être accueilli ;

Et attendu que l'ordonnance attaquée est régulière en la forme ;

Par ces motifs,

I - Sur le pourvoi formé par Driss X... :

Le DECLARE IRRECEVABLE ;

II - Sur les autres pourvois :

Les REJETTE ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-85639
Date de la décision : 22/10/2003
Sens de l'arrêt : Rejet irrecevabilité
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de TOULON, 27 mars 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 oct. 2003, pourvoi n°02-85639


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.85639
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