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14/10/2003 | FRANCE | N°03-81366

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 octobre 2003, 03-81366


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle BACHELLIER et POTIER de la VARDE, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 11 octobr

e 2002, qui, pour atteinte au fonctionnement régulier du comité d'hygiène et de sécurit...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire VALAT, les observations de la société civile professionnelle BACHELLIER et POTIER de la VARDE, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 11 octobre 2002, qui, pour atteinte au fonctionnement régulier du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-1 du Code pénal, L. 236-2 et L. 263-2-2 du Code du travail, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Jean-Pierre X... coupable d'entrave au fonctionnement du CHSCT ;

"aux motifs que cette infraction est seulement imputable à Jean-Pierre X... ; qu'en effet, il est établi et non contesté que Paul Y..., président du directoire de la société Kuhn, avait donné à Jean-Pierre X..., cadre administratif qui présidait le CHSCT, une délégation de pouvoir en matière de sécurité ; qu'il est également établi qu'à cinq reprises, l'entreprise a procédé à des travaux d'aménagement des locaux et à des modifications de l'outil de travail soit sans consultation préalable du CHSCT soit en modifiant le projet initial alors qu'il résulte des dispositions de l'article L. 236-2 du Code du travail que le comité est consulté avant toute décision d'aménagement modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail ; que le prévenu soutient qu'il n'a pas procédé à des modifications importantes, ce que les premiers juges ont admis, car il apparaît que toutes les interventions de l'entreprise soit sur le bâtiment soit sur l'outil de travail avaient une influence sur les conditions de travail, l'employeur n'est pas fondé à minimiser les modifications pour échapper à la concertation avec le personnel que la loi a expressément prévue ;

"1 ) alors que, le délit d'entrave pour défaut de consultation du CHSCT ne peut être imputé à un salarié même si le chef d'entreprise l'a chargé de le représenter au CHSCT et lui a consenti une délégation de pouvoir en matière d'hygiène et de sécurité ; que dès lors, à supposer matériellement établis les faits d'entrave au fonctionnement du CHSCT de la société Kuhn, la cour d'appel ne pouvait, pour en imputer la responsabilité pénale à Jean-Pierre X..., se fonder sur la circonstance que ce cadre administratif présidait le CHSCT et avait reçu du chef d'entreprise une délégation de pouvoir en matière de sécurité ;

"2 ) alors en tout état de cause, qu'en déclarant Jean-Pierre X... coupable d'entrave pour défaut de consultation du CHSCT de la société Kuhn sans constater qu'il aurait pris part à la décision de procéder aux aménagements modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail visés à la prévention, la cour d'appel n'a pas donné une base légale à sa décision ;

"3 ) alors enfin et en toute hypothèse, que la consultation du CHSCT n'est obligatoire avant toute décision d'aménagement modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail que si cet aménagement est important ;

que, dès lors, la cour d'appel ne pouvait juger que caractérisait le délit d'entrave au fonctionnement du CHSCT le fait que l'entreprise ait procédé à cinq reprises à des travaux d'aménagement des locaux et à des modifications de l'outil de travail soit sans consultation préalable du CHSCT soit en modifiant le projet initial tout en constatant que les premiers juges avaient admis que ces aménagements et modifications n'étaient pas importants, ce qu'elle n'a pas dénié, retenant au contraire que le prévenu n'était pas fondé à les minimiser pour échapper à la concertation avec le personnel" ;

Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour déclarer Jean-Pierre X..., cadre administratif de la société Kuhn, coupable d'entrave pour avoir omis de consulter le comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) avant de procéder à des travaux d'aménagement de locaux et de modification de l'outil de travail, l'arrêt attaqué retient qu'il avait reçu du président du directoire une délégation de pouvoirs en matière de sécurité et qu'il présidait le comité ;

Mais attendu qu'en se fondant sur une délégation de pouvoirs inopérante et sans rechercher si dans l'exercice de ses fonctions de président du CHSCT, il avait personnellement porté atteinte au fonctionnement régulier de cet organe, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil , 464, 475-1, 591, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a condamné Jean-Pierre X... à payer à la CGT du Bas-Rhin la somme de 230 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 750 euros au titre des frais irrépétibles ;

"aux motifs que cette partie civile reprend devant la Cour ses conclusions de première instance en l'état ; qu'il est constant que le délit d'entrave commis par Jean-Pierre X... a porté atteinte aux droits de l'organisme syndical ; que le dommage peut être fixé à 230 euros et, au titre des frais irrépétibles, la Cour allouera à la partie civile la somme de 750 euros ;

"alors que dans ses conclusions de première instance reprises en l'état devant la cour d'appel, la CGT du Bas-Rhin ne dirigeait sa demande de dommages-intérêts et celle fondée sur l'article 475-1 du Code de procédure pénale qu'à l'encontre de Paul Y... ; que, dès lors, en condamnant Jean-Pierre X... à payer à la CGT du Bas-Rhin la somme de 230 euros à titre de dommages-intérêts et celle de 750 euros au titre des frais irrépétibles, la cour d'appel a excédé les limites des demandes de cette partie civile" ;

Vu les articles 459, 460 et 464 du Code de procédure pénale ;

Attendu que les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans la limite des conclusions dont ils sont saisis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que le syndicat CGT du Bas-Rhin, partie civile, a repris, en appel, les conclusions qu'il avait déposées devant les premiers juges tendant à la condamnation du seul chef d'entreprise à lui verser des dommages-intérêts ; que la cour d'appel, après avoir renvoyé Paul Y... des fins de la poursuite et déclaré Jean-Pierre X... coupable d'atteinte au fonctionnement du CHSCT, a condamné ce dernier à payer à la partie civile des dommages-intérêts ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi alors que la partie civile n'avait formé aucune demande à l'encontre de Jean-Pierre X..., la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 11 octobre 2002, mais en ses seules dispositions relatives à la déclaration de culpabilité de Jean-Pierre X... du chef d'entrave au fonctionnement du CHSCT, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Valat conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Chanet, Anzani, MM. Beyer, Pometan conseillers de la chambre, M. Ponsot, Mme Ménotti conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 03-81366
Date de la décision : 14/10/2003
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Comité d'hygiène - de sécurité et des conditions de travail - Délit d'entrave - Eléments constitutifs - Elément matériel - Défaut de consultation préalable - Responsabilité pénale du chef d'entreprise - Délégation de pouvoirs - Portée.

TRAVAIL - Comité d'hygiène et de sécurité - Entrave à son fonctionnement - Eléments constitutifs - Elément matériel - Défaut de consultation préalable - Applications diverses.

1° Il appartient au chef d'entreprise, avant de prendre une décision d'aménagement important modifiant les conditions d'hygiène et de sécurité ou les conditions de travail, de s'assurer de la consultation du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail. Est dès lors inopérante la délégation de pouvoirs donnée par le chef d'entreprise à un cadre le représentant pour présider le comité. Celui-ci ne peut engager sa responsabilité pénale que s'il a personnellement porté atteinte au fonctionnement régulier du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail (1).

2° JUGEMENTS ET ARRETS - Conclusions - Obligation de statuer dans leurs limites - Réparations civiles - Conclusions de la partie civile.

2° Les juges du fond, statuant sur les intérêts civils, doivent se prononcer dans la limite des conclusions dont ils sont saisis. Méconnaît ce principe la cour d'appel qui condamne un prévenu à verser des dommages-intérêts à la partie civile alors que celle-ci avait dirigé sa demande contre un autre prévenu, relaxé par la Cour (2).


Références :

1° :
Code du travail L236-2 et L263-2-2

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (chambre correctionnelle), 11 octobre 2002

CONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 1989-11-28, Bulletin criminel 1989, n° 452, p. 1102 (rejet) ; Chambre criminelle, 1994-03-15, Bulletin criminel 1994, n° 100, p. 221 (rejet). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 2003-09-30, Bulletin criminel 2003, n° 173, p. 685 (cassation partielle sans renvoi).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 14 oct. 2003, pourvoi n°03-81366, Bull. crim. criminel 2003 N° 190 p. 786
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2003 N° 190 p. 786

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : Mme Commaret.
Rapporteur ?: M. Valat.
Avocat(s) : la SCP Bachellier et Potier de la Varde.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:03.81366
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