AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller DESGRANGE, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Antonio,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BESANCON, chambre correctionnelle, en date du 14 janvier 2003, qui, pour escroquerie, l'a condamné à 15 000 euros d'amende ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du Code pénal, 459, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antonio X... coupable d'escroquerie et l'a condamné à une peine d'amende de 15 000 euros ;
"aux motifs qu'il ressort de l'examen comparé des situations établies par les conducteurs de travaux de l'entreprise et des états d'avancement des travaux dressés contradictoirement entre le maître d'ouvrage et le cabinet Y... assistant l'administrateur provisoire, une anticipation relative aux travaux facturés et pour lesquels la créance était cédée à la BECM ; il résulte de cette constatation que les créances mobilisées avaient un caractère partiellement fictif ; cette anticipation est confirmée par l'auteur des situations de travaux, M. Z... ; à l'audience, le prévenu n'a pas contesté cette surfacturation, mais en a imputé la responsabilité à son frère ; il ressort de l'examen des ordres de service que le maître de l'ouvrage a passé commande, à la SA X..., des travaux de fondation et que l'entreprise précitée les a sous-traités à la société Franki ; le montant des sommes dues, arrêté contradictoirement entre le maître de l'ouvrage et l'administrateur provisoire, comptabilise le coût de ces fondations au titre des sommes directement payées au sous-traitant ; ces constatations démontrent que la SA X... a inclus indûment dans la créance mobilisée le coût des travaux déjà payés ;
"alors, d'une part, qu'Antonio X... a fait valoir, dans ses conclusions régulièrement déposées et visées, l'inconsistance du décompte résultant de la situation au 15 mars 1999, censé refléter l'état d'avancement du chantier au jour de l'ouverture de la procédure collective, établi par le maître d'oeuvre, M. Dos A..., et accepté, pour le compte de l'administrateur judiciaire, par M. Y... ; qu'il a ajouté que le tribunal qui s'est fondé sur ce décompte pour établir le caractère partiellement fictif des créances mobilisées et condamner Antonio X... du chef d'escroquerie ne s'était pas expliqué quant au fait que cette situation a été établie bien après la date du 15 mars 1999, alors qu'elle serait censée refléter la situation à cette date ni sur le caractère mensonger des propos du maître d'ouvrage qui, dans son intérêt bien compris a déclaré devant les services de police que l'activité avait cessé au mois de février 1999, celle-ci s'étant en réalité prolongée après le 15 mars 1999 ; qu'ainsi, en confirmant la condamnation d'Antonio X..., sans répondre aux moyens péremptoires contenus dans ses conclusions, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision et a violé les articles susvisés ;
"alors, d'autre part, qu'Antonio X... a fait valoir, dans ses conclusions régulièrement déposées et visées, que la déduction opérée au titre du paiement de l'entreprise Franki est due à une erreur du tribunal qui a faussement associé les fondations superficielles, réalisées par la SA X..., aux fondations profondes, réalisées par la société Franki ; qu'ainsi, en se bornant à énoncer que la SA X... a sous-traité les travaux de fondations à la société Franki et qu'elle a inclus indûment dans la créance mobilisée le coût des travaux déjà payés à ce sous-traitant, sans répondre aux moyens péremptoires contenus dans les conclusions d'Antonio X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision et a violé les articles susvisés" ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antonio X... coupable d'escroquerie et l'a condamné à une peine d'amende de 15 000 euros ;
"aux motifs qu' "Antonio X..., président-directeur général de la société, exerçait toutes les attributions et responsabilités de sa fonction ; il était le dirigeant effectif de la société dont il connaissait la situation ; il a d'ailleurs pris la décision de faire désigner un administrateur ad hoc puis celle de déposer le bilan ; il ressort de ses écritures qu'il suivait les indicateurs de la comptabilité analytique ; il est avéré que son frère, directeur général de la SA X..., a donné pour instruction de majorer le montant des situations de travaux, il se déduit du rôle du prévenu dans la société qu'il a, en connaissance de cause, donnée pour instruction au personnel comptable, de transmettre, en vue de la mobilisation, les factures majorées ;
"alors, d'une part, qu'un simple mensonge, même produit par écrit, ne peut constituer une manoeuvre caractéristique du délit d'escroquerie, s'il ne s'y joint aucun fait extérieur ou acte matériel, aucune mise en scène ou intervention de tiers, destiné à lui donner force et crédit ; qu'ainsi, en se bornant à constater l'existence de factures qui auraient été majorées, sans relever aucun élément matériel extérieur ayant pour but de donner force et crédit aux allégations mensongères qui y seraient contenues, la cour d'appel a violé les articles susvisés ;
"alors, d'autre part, que le délit d'escroquerie n'est caractérisé qu'autant que les juges constatent suffisamment l'existence de manoeuvres frauduleuses ayant déterminé la remise des fonds par la victime ; qu'en se bornant à condamner Antonio X... pour avoir donné pour instruction au personnel comptable de transmettre à la banque des factures majorées, sans préciser en quoi cela aurait constitué des manoeuvres frauduleuses ayant déterminé la remise des fonds par la banque, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle et n'a pas donné de base légale à sa décision" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du Code pénal, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Antonio X... coupable d'escroquerie et l'a condamné à une peine d'amende de 15 000 euros ;
"alors qu'il appartient aux juges répressifs de restituer aux faits dont ils sont saisis leur véritable qualification et de mettre le prévenu en mesure de présenter sa défense sur cette nouvelle qualification ; qu'en l'espèce, Antonio X... a été poursuivi en tant qu'auteur principal du délit d'escroquerie ; qu'ainsi, dès lors que la cour d'appel a relevé que c'était son frère qui avait donné pour instruction de majorer le montant des situations de travaux et qu'en définitive le prévenu avait seulement donné pour instruction de transmettre les factures à la banque, sans requalifier les faits qui lui étaient reprochés en complicité d'escroquerie et sans lui donner la possibilité de s'expliquer sur cette nouvelle qualification, la cour d'appel a violé les textes et principes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que, pour déclarer Antonio X... coupable d'escroquerie, au préjudice de la BECM, la cour d'appel constate que le demandeur, qui avait la direction effective de la société X..., a cédé à la banque des créances professionnelles, au moyen de bordereaux institués par la loi du 2 janvier 1981 dite "loi Dailly", qui, établies à partir de factures majorées et de situations de travaux surévaluées, n'ont pu être que partiellement réglées ;
Attendu qu'Antonio X..., en inscrivant sur les bordereaux de cession remis à la BECM des créances qui n'avaient aucune existence, a procédé à la production de titres inexacts, ce qui constitue, non de simples mensonges écrits, mais de véritables manoeuvres frauduleuses, entrant dans les prévisions de l'article 313-1 du Code pénal ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui établissent tant les manoeuvres frauduleuses déterminant la remise des fonds que la qualité d'auteur principal du prévenu, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Desgrange conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;