AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Mohammed,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 25 novembre 2002, qui, pour exportation de capitaux sans déclaration, l'a condamné à des pénalités douanières ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 343, 464 et 465 du Code des douanes, 509, 515, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité du procès-verbal de constat de l'administration des Douanes en date du 25 octobre 1999, base des poursuites invoquée par Mohammed X... ;
"au motif que la décision des premiers juges rejetant cette exception est devenue définitive en l'absence d'appel du prévenu ; qu'il s'ensuit que Mohammed X... est irrecevable à soutenir ce moyen devant la Cour ;
"alors que le délit de transfert de capitaux sans déclaration n'étant passible que de sanctions fiscales, l'administration des Douanes exerce seule, quant à ce délit, l'action publique ; que par conséquent, par l'appel de l'administration des Douanes, la cour d'appel se trouve saisie de la cause entière quant à cette action et que dès lors, le prévenu non appelant est recevable à invoquer en cause d'appel l'exception de nullité du procès-verbal d'infraction base des poursuites qu'il avait régulièrement formée devant les premiers juges avant toute défense au fond" ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable l'exception de nullité de procès-verbaux des agents des Douanes, prise de l'absence d'assistance d'un interprète au cours de l'enquête douanière, les juges du second degré, saisis sur le seul appel de l'administration des Douanes de poursuites fondées sur les articles 464 et 465 du Code des douanes, prononcent par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, si c'est à tort que la cour d'appel n'a pas statué sur l'exception, dont elle était saisie par l'appel de l'Administration poursuivante exerçant l'action douanière, l'arrêt n'encourt pas la censure dès lors qu'aucun texte légal ou conventionnel n'impose le concours d'un interprète au cours d'une enquête douanière et que les pièces de procédure permettent à la Cour de Cassation de s'assurer que les constatations et déclarations ont été rapportées et notifiées par les fonctionnaires des Douanes dans une langue comprise par le prévenu ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6-2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 464 et 465 du Code des Douanes, 1-1-2 du document administratif du 27 novembre 1991 du ministère de l'Economie, des Finances et du Budget (texte n° 91-147), 427, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Mohammed X... coupable de transfert de capitaux sans déclaration ;
"aux motifs qu'il est constant que, le 29 octobre 1999, Mohammed X... n'a pas déclaré à l'administration des Douanes les sommes de 10 000 dollars américains et 1 049 800 francs français dont il était détenteur, sur le territoire français, lors de son embarquement sur le vol à destination de Dubaï ; que, lors de son audition, par les agents des Douanes le 29 octobre 1999, le prévenu a expliqué qu'il demeurait à Birmingham en Grande-Bretagne, qu'il était ingénieur électricien retraité et que moyennant "environ cinq cents francs" il effectuait des transferts de fonds à destination "de diverses personnes travaillant à Dubaï", pour la firme anglaise Overseas Express, de laquelle il recevait les sommes à transférer ;
qu'il n'a aucunement prétendu qu'il aurait effectué ce transfert dans le cadre d'une activité salariée pour le compte d'une société ayant une activité de change manuel ; que ce n'est que postérieurement à son interpellation qu'il a adressé à l'administration des Douanes quelques documents en langue anglaise dont l'un fait état de son embauche le 11 octobre 1999 par la société Overseas Express ;
qu'en raison de la volonté de dissimulation manifestée par le prévenu lors de son contrôle à la douane de Roissy, et des explications fournies par lui lors de son interpellation, ces documents sont inopérants à démontrer que Mohammed X... n'aurait pas été soumis à l'obligation déclarative prévue par l'article 464 du Code des douanes, ni qu'il aurait été de bonne foi en ne déclarant pas les sommes dont il était détenteur ;
"alors que les cours d'appel doivent répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont elles sont saisies et doivent, à peine de méconnaître le sens et la portée des dispositions de l'article 427 du Code de procédure pénale, s'expliquer sur le sens et la portée des pièces qui sont régulièrement versées aux débats au soutien de ces conclusions, sans pouvoir les rejeter a priori sans les avoir examinées ; que, dans ses conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, Mohammed X... faisait valoir qu'il résulte d'un document administratif référencé 91-147 du Ministère de l'Economie et des Finances, en date du 27 novembre 1997, que ne sont pas soumises à obligations déclaratives les personnes qui transportent des sommes, titres ou valeurs pour le compte de banques, de sociétés de transport de fonds, de sociétés de courrier ou de sociétés de change manuel ; que les sommes dont il avait été trouvé détenteur à la date des faits par l'administration des Douanes lui avaient été confiées par la société Overseas Express, société de change pour laquelle il travaillait à titre de salarié et que par conséquent le délit poursuivi à son encontre ne pouvait être constitué et que la cour d'appel, qui constatait expressément dans sa décision que, lors de son interpellation, Mohamed X... avait déclaré avoir agi pour le compte de la société Overseas Express, ne pouvait, sans méconnaître les textes susvisés, refuser de rechercher, comme elle y était invitée, si, par les documents qu'il versait régulièrement aux débats, Mohammed X... n'établissait pas, d'une part, qu'il travaillait pour le compte de la société Overseas Express, d'autre part, que cette société était bien une société de change, enfin, que les fonds qu'il transportait lui avaient été confiés par cette société" ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 128, 464 et 465 du Code des Douanes, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Mohamed X... coupable d'avoir transféré une somme de 1 049 800 francs français sans déclaration ;
"au motif que cette somme a transité le 29 octobre 1999 sur le territoire français ;
"alors que les juges ne peuvent entrer en voie de condamnation à l'encontre d'un prévenu poursuivi pour un délit douanier en se fondant sur les règles du transit sans avoir préalablement procédé aux constatations de fait qui justifient le recours à cette notion ; que, pour relaxer Mohamed X... des fins de la poursuite, les premiers juges avaient constaté qu'il n'était pas établi par la Douane, compte tenu du trajet Londres/Paris/Dubaï effectué par l'intéressé que le bagage à soute, qui ne semble pas avoir quitté l'avion et par conséquent la zone internationale, ait été introduit dans l'appareil à l'escale en France, ou qu'il ait quitté l'appareil pour être introduit en France avant le contrôle douanier et que les juges d'appel, qui n'ont pas infirmé ces constatations de fait, n'ont pas, par la seule affirmation que la somme précitée avait "transité" sur le territoire français, légalement justifié leur décision de condamnation" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit d'exportation de capitaux sans déclaration dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, MM. Pibouleau, Challe, Roger, Dulin, Mmes Thin, Desgrange, M. Rognon, Chanut, Mme Nocquet conseillers de la chambre, Mme de la Lance, MM. Soulard, Samuel conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Di Guardia ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;