AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de Me FOUSSARD, de Me CHOUCROY, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE,
- L'ADMINISTRATION DES IMPOTS, partie civile,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, 5ème chambre, en date du 27 novembre 2002, qui, dans la procédure suivie contre Abdelkrim X..., du chef de fraude fiscale, a prononcé la nullité de la procédure ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé par le procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, pris de la violation des articles L. 47 du Livre des procédures fiscales et 593 du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé pour l'administration des Impôts, pris de la violation des articles L. 47 et L. 228 du Livre des procédures fiscales, 31, 39, 40, 385, 388, 591 du Code de procédure pénale, ensemble violation du principe de l'autonomie d'action publique et des procédures fiscales ;
"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu et rejeter les demandes de l'Administration ;
"aux motifs qu' "il convient de constater que ces exceptions régulièrement soulevées in limine litis par Abdelkrim X... devant les premiers juges, ont été rejetées, ceux-ci retenant en premier lieu que l'avis de vérification critiquée avait fait l'objet d'un envoi à l'ancienne adresse de la société mais avait néanmoins été réceptionné le 3 avril 1998 ; que d'ailleurs, la société avait bien reçu cet avis ainsi qu'en attestait le courrier adressé au vérificateur le 7 avril 1998 confirmant la date de celle-ci et précisant sa nouvelle adresse ; qu'au jour fixé, les responsables de la société et leurs avocats étaient présents et que c'est donc en vain qu'il était invoqué une violation des droits de la défense ; qu'en statuant ainsi, les premiers juges n'ont évoqué que les modalités d'envoi du premier avis de vérification alors même que le prévenu contestait la régularité du second avis de vérification qui lui a été remis en main propre, le 26 mai 1998, au siège de la société, pour la période du 1er janvier 1997 au 30 avril 1998 ; que si cet avis indique que les opérations se dérouleront le 12 juin 1998 à 9 heures, il convient de relever que la notification de redressements adressée ensuite à Abdelkrim X..., le 6 juillet 1998, ne distingue pas du tout l'existence de ces deux vérifications successives et mentionne uniquement "vous avez fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 23 avril au 3 juillet 1998. Ce contrôle a concerné la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1997 et la TVA du 1er janvier 1998 au 30 avril 1998" ; que la Direction des services fiscaux expose, dans ses conclusions, qu'il s'agit d'une erreur de plume, explication peu rationnelle pour un document aussi important sur le plan de la procédure et qui par ailleurs ne peut être vérifiée dans la mesure où le rapport sur la vérification de la comptabilité ne contient aucune indication quant au déroulement de celle-ci dans le temps ; qu'il convient de garder à l'esprit que la vérificatrice se trouvait déjà sur les lieux lorsqu'elle a notifié à Abdelkrim X... le second avis de vérification et qu'en l'état des mentions contenues dans l'avis de redressements relatives à une période globale de vérification, force est de constater qu'il est impossible de s'assurer qu'un délai suffisant a été respecté entre la notification de ce second avis et le début de la vérification qui ne peut être fixé dans le temps ; que tout au contraire, on peut être amené à considérer que les opérations de vérification correspondant au second avis ont eu lieu dans la continuité des premières dont ne sait à quelle date elles ont été closes, le jour même, voire antérieurement, et que dès lors le contribuable n'a pas eu matériellement la possibilité de faire appel au conseil de son choix ; qu'en l'état, il convient de constater que la procédure de vérification n'est pas régulière au regard de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales et que cette irrégularité touchant aux droits essentiels de la défense, a pour effet d'entraîner la nullité de la présente procédure qui concerne la période visée dans le second avis de vérification ; qu'en conséquence, infirmant la décision des premiers juges, il y a lieu de faire droit à l'exception de nullité relative aux conditions de notification de la vérification de comptabilité pour la période visée dans les poursuites" (arrêt attaqué, p. 4 et 5, 1er par.) ;
"alors que, premièrement, une exception de nullité ne peut être régulièrement invoquée devant la cour d'appel que si elle coïncide précisément avec l'exception de nullité soulevée in limine litis avant toute défense au fond devant le tribunal correctionnel ; qu'en l'espèce, en statuant comme ils l'ont fait, les juges du second degré ont violé les textes visés notamment à l'article 385 du Code de procédure pénale ;
"alors que, deuxièmement, et en tout état de cause, si l'irrégularité de la procédure de vérification, liée à l'envoi de l'avis de vérification peut affecter les poursuites en tant qu'elles visent des insuffisances de déclaration, en revanche cette irrégularité ne peut affecter les poursuites, en tant qu'elle vise des défauts de déclaration, dès lors que l'Administration est à même de constater les faits constitutifs de la fraude, à la seule vue de son dossier, du seul fait notamment, qu'il n'a pas été donné suite aux mises en demeures adressées au contribuable ; qu'en statuant comme ils l'ont fait, bien qu'ils avaient à statuer sur des défauts de déclaration, Abdelkrim X... n'ayant déposé aucune déclaration au titre des périodes visées à la prévention, les juges du fond ont violé les textes susvisés, ensemble les principes de l'autonomie de l'action publique et des procédures fiscales" ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale, ensemble l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'Abdelkrim X..., poursuivi pour fraude fiscale, a soustrait la société qu'il gérait à l'établissement et au paiement partiels de la TVA en omettant de déposer les déclarations mensuelles de son chiffre d'affaires du 1er janvier au 31 juillet et du 1er septembre au 31 décembre 1997 et en déposant hors délai celles des mois de janvier, février et mars 1998 ;
Attendu que, pour faire droit à l'exception régulièrement soulevée par le prévenu et annuler la procédure, les juges du second degré énoncent, notamment, que la procédure de vérification de la comptabilité de la société n'est pas régulière au regard de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales et que cette irrégularité affecte les droits de la défense ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans rechercher si les omissions déclaratives reprochées à Abdelkrim X... ne pouvaient être constatées indépendamment de la vérification de comptabilité, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 27 novembre 2002, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;