AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SAMUEL, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Christian,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 16 octobre 2002, qui, pour infraction au Code de la construction, l'a condamné à 1 mois d'emprisonnement avec sursis, 300 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 222-5, L. 231-2 et L. 241-1 du Code de la construction, 1984 du Code civil, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christian X... coupable de demande et acceptation de versement de fonds pour la construction d'une maison individuelle avant exigibilité de la créance ;
"aux motifs que, "(...) début août 1990, Michel Y... avait chargé l'agent commercial de la société Baticonseil, Christian X..., d'expédier durant son absence les affaires courantes et notamment lui avait donné instruction de demander auprès des clients de la société le paiement de différents appels de fonds ; le 3 août 1990, Christian X... se rendait au domicile des consorts Z... et présentait à Joëlle A... l'appel de fonds signé par avance par Michel Y..., correspondant au paiement des cloisons ; bien que s'étonnant de cette demande, la construction de la maison n'étant pas si avancée, Joëlle A... s'exécutait et remettait à Christian X... un chèque de 92 025 francs (...) ;
Christian X... soutient pour sa défense qu'il s'est contenté de suivre les instructions de son employeur ; or, il convient de relever que Christian X..., professionnel de la construction immobilière, connaissait parfaitement les dispositions légales et notamment l'interdiction de recevoir des paiements avant la date à laquelle la créance est exigible (...) ; contrairement à l'analyse faite par Christian X..., il est établi qu'il avait reçu mandat du constructeur de demander les appels de fonds, étant précisé que ces démarches n'entraient nullement dans le cadre de son activité professionnelle ;
devant les interrogations de Joëlle A..., il devait donc vérifier, étant mandataire du constructeur, si cet appel de fonds correspondait effectivement à l'état des travaux, avant d'exiger le paiement des travaux correspondants (...) ; il est par ailleurs établi que Michel Y... a, ayant signé préalablement l'appel de fonds, confié à Christian X... le soin de réclamer aux clients le paiement d'appel de fonds tout en sachant que les travaux ne seraient pas exécutés (...)" ;
"alors, d'une part, que le délit prévu par l'article L. 241-1 du Code de la construction ne vise que les promoteurs ou les dirigeants des personnes morales ayant pour objet la construction d'immeubles à usage d'habitation, et non leur préposé agissant sur ordre de leur employeur ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a constaté que Christian X... s'était borné à présenter à Joëlle A... l'appel de fonds signé par avance par Michel Y..., gérant de la société Baticonseil, comme ce dernier le lui avait demandé, ne pouvait considérer que Christian X... était pénalement responsable de l'appel de fonds effectué illégalement par le constructeur, en l'occurrence la société Baticonseil, dans la mesure même où il résultait des propres constatations des juges du fond que la demande émanait en réalité de Michel Y..., signataire de l'appel de fonds, et non point de Christian X..., lequel avait seulement transmis le document préalablement établi et signé par Michel Y... en sa qualité de gérant de la société Baticonseil, et avait, de même, accepté le paiement pour le compte et au nom de la société Baticonseil, son employeur ; qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations ;
"alors, d'autre part, que le mandat suppose que celui qui le reçoit ait le pouvoir d'agir pour le mandant, de le représenter, et d'accomplir pour lui des actes juridiques ; que tel ne peut être le cas pour une personne qui, se trouvant placée sous un lien de subordination juridique, se borne à suivre les instructions de son employeur et à exécuter de simples actes matériels ; qu'en l'espèce il n'est pas établi que Christian X... ait eu, en la circonstance, le pouvoir de représenter le constructeur et d'accomplir en son nom des actes juridiques, l'arrêt se bornant à constater l'accomplissement d'actes matériels de remise d'appel de fonds préétabli par Michel Y..., et la perception des fonds par la société Baticonseil ; qu'en cet état l'arrêt a violé les textes susvisés ;
"alors, enfin, que l'arrêt, qui constatait encore que les démarches effectuées par Christian X... n'entraient pas dans le cadre de son activité professionnelle, ne pouvait considérer, par ailleurs, pour déclarer établie la mauvaise foi du prévenu, qu'en tant que professionnel il connaissait parfaitement les dispositions légales applicables et, notamment, l'interdiction de recevoir les paiements avant la date à laquelle la créance est exigible, lesdites dispositions concernant d'ailleurs le seul promoteur ou constructeur" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Samuel conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;