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08/10/2003 | FRANCE | N°02-87017

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 08 octobre 2003, 02-87017


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle GASCHIGNARD, et de la société civile professionnelle GATINEAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Alain,
- Y... Andrée, épouse X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correc

tionnelle, en date du 10 septembre 2002, qui, pour complicité et recels d'esc...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le huit octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller CHANUT, les observations de la société civile professionnelle GASCHIGNARD, et de la société civile professionnelle GATINEAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur les pourvois formés par :
- X... Alain,
- Y... Andrée, épouse X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 10 septembre 2002, qui, pour complicité et recels d'escroquerie, les a condamnés chacun à 18 mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-1, 121-6, 121-7, 313-1 et 321-1 du Code pénal, 2, 3, 388, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Alain X... et Andrée Y..., épouse X..., coupables de complicité et recel d'escroquerie ;
" aux motifs propres que s'agissant des époux X..., ils n'ont pas davantage à ce jour su donner une explication cohérente au fait que la majeure partie du montant du prêt frauduleusement accordé à Bernard Z... par Cofinoga sous la signature informatique d'Andrée X... qui a personnellement assuré la procédure de saisie de cette demande, se soit retrouvée entre les mains d'Alain X... avant d'être ensuite virée par lui au bénéfice d'une SCI dont lui-même et son épouse détenaient une participation importante dans le capital et à la tête de laquelle Alain X... avait placé Bernard Z... comme gérant ; que pour se disculper des autres faits qui ont abouti, de la même façon, à faire bénéficier une autre SCI, la SCI Mailliance, des crédits encore frauduleusement obtenus, puisqu'accordés à partir de demandes nécessairement falsifiées, les époux X... se sont certes défendus d'avoir la qualité d'associé de celle-ci en relevant que les statuts de cette SCI qui les mentionnent comme tels, ne sont pas revêtus de leur signature ; qu'il demeure cependant qu'ils apparaissent l'un et l'autre au nombre des associés dans les déclarations fiscales souscrites par cette société et qu'eux-mêmes, dans leur propre déclaration, ont indiqué pour 1994 un déficit foncier relativement à celle-ci, tel que le signale la Direction Générale des Impôts, indication qui ne saurait être combattue par la production en cause d'appel d'une déclaration certifiée conforme relative aux revenus 1994 du seul Alain X..., laquelle n'a trait qu'aux revenus de celui-ci pour la période avant mariage ; qu'enfin, sur ce point, le fait que les époux X... se soient portés caution solidaire à hauteur de 533 000 francs d'un prêt de 820 000 francs accordé à la SCI Mailliance achève de compléter les indications sur la nature de l'intérêt pris par eux dans cette société qui a recueilli le produit des escroqueries et davantage encore si l'on considère cet acte d'engagement à la lumière des procès-verbaux d'assemblée des 2 octobre et 8 novembre 1994 (pièces D 322. 11) par lesquels les actionnaires cautions autorisent le gérant à signer l'acceptation du prêt, procès-verbaux sur lesquels figurent leur nom comme leur paraphe ; que s'agissant de l'attribution frauduleuse des trois prêts au nom de A..., B... et C..., il n'est pas établi avec la certitude suffisante que Sophie D... a eu conscience du caractère frauduleux de l'opération à laquelle elle a été amenée à prêter la main, en effectuant la saisie et le traitement des demandes correspondantes et en y donnant son accord par sa signature informatique ; qu'en effet, en l'absence d'autre élément vérifiable, le seul fait qu'elle ait été saisie de ces trois demandes directement par sa supérieure hiérarchique, Andrée X..., ne permet pas pour autant de suspecter une quelconque complaisance de sa part et encore moins un acte de complicité punissable (arrêt, pages 12 et 13) ;
" et aux motifs, adoptés des premiers juges, que les infractions reprochées aux prévenus et qui ont pour dénominateur commun l'escroquerie, sont en relation avec quatre prêts d'un montant en capital de 120 000 francs respectivement accordés par la SA Cofinoga à Bernard Z... (chèque du 25 août 1993), Roland B... (chèque du 30 décembre 1993), Michel A... (chèque du 11 janvier 1994) et Alain C... (chèque du 11 janvier 1994) ; que, lors de la mise en place de ces quatre prêts, la procédure instituée par la société de crédit n'a pas été respectée puisqu'aucune trace écrite concernant l'acceptation des offres préalables ou encore la situation de fortune des emprunteurs n'a été retrouvée ; qu'il a certes été soutenu que cette société de crédit avait une propension exceptionnelle à égarer des documents, mais que les lois de la statistique sont têtues et ne permettent pas de valider un tel moyen, tant il est invraisemblable que les quatre prêts en cause ont pu être simultanément affectés par des disparitions du même ordre ; que, s'agissant du prêt de 120 000 francs accordé à Bernard Z..., celui-ci n'a pas fait mystère de ce qu'il connaissait préalablement Alain X... rencontré en 1992 et de ce qu'il n'ignorait pas sa position dans la SA Cofinoga ; qu'il a toujours prétendu, hormis lors de la confrontation, avoir été sollicité par celui-ci pour l'obtention d'un prêt ; qu'il a par ailleurs indiqué que la finalité était de constituer, au profit de la SCI Mediance, un financement relais ; qu'il a effectivement perçu la somme de 120 000 francs et remis dès le 1er septembre un chèque de 118 000 francs à Alain X..., lequel a, en qualité de détenteur de parts de cette SCI, versé 100 000 francs à celle-ci pour servir d'apport initial dans l'opération d'acquisition d'une maison à Peyrehorade ; que ce n'est qu'après la réalisation de l'opération que Bernard Z... a récupéré la somme initiale selon deux retraits de 60 000 francs opérés sur le compte de la SCI Mediance ; qu'en tout état de cause, le prêt a bénéficié aux deux prévenus et il y avait un intérêt évident, dans l'hypothèse d'une escroquerie, à ce que l'identité d'Alain X... n'apparaisse pas ; que l'obtention de ce prêt s'est faite selon une procédure non orthodoxe ; qu'ainsi, il doit être tenu pour certain que le document contractuel obligatoire n'a pas été établi (voir les déclarations de Bernard Z... confortées par l'absence d'archivage à la société de crédit) et qu'aucune justification n'a été produite ; qu'en outre, il est pour le moins surprenant que la saisine informatique ait été réalisée par Andrée X..., compagne d'Alain X... à l'époque, car, quand bien même avait-elle le pouvoir de le faire, il ne s'agissait pas là de son occupation habituelle ; qu'il est par ailleurs significatif que le montant du prêt a été limité à 150 000 francs, plafond à partir duquel la procédure impliquait des contrôles plus rigoureux ; que tout cela témoigne d'une nécessaire connaissance du fonctionnement de la SA Cofinoga et impose que seuls des gens parfaitement au courant des mécanismes internes soient intervenus ; qu'il doit être déduit de ce qui précède que le prêt en cause a été obtenu grâce aux instructions d'Alain X..., seul interlocuteur de Bernard Z... auprès de la SA Cofinoga, en usant de manoeuvres tendant à écarter l'application de la procédure interne à la SA Cofinoga, ceci avec la complicité d'Andrée X..., qui est effectivement intervenue pour saisir et valider les données ;
qu'Alain X... et Andrée X... ont par ailleurs et en connaissance de cause, étant directement intéressés comme détenteurs de parts de la SCI Mediance, disposé d'une partie au moins de la somme de 120 000 francs pour un temps ; que la faculté de la SA Cofinoga à perdre les documents ne constitue pas une explication suffisante à l'absence des pièces en cause dans les archives (jugement, pages 13 à 15) ;
" 1) alors que l'intervention d'un tiers ne caractérise une manoeuvre frauduleuse au sens de l'article 313-1 du Code pénal qu'autant qu'elle vient corroborer et donner force et crédit à un mensonge ; qu'en l'espèce, pour déclarer Bernard Z... coupable d'escroquerie et, sur ces bases, déclarer les exposants coupables de complicité et recel d'escroquerie, les juges du fond se sont bornés à relever le caractère frauduleux des démarches auxquelles l'intéressé s'est livré pour déterminer la SA Cofinoga à consentir des prêts, et à énoncer que lors de la mise en place de ces quatre prêts, la procédure instituée par la société de crédit n'a pas été respectée puisqu'aucune trace écrite concernant l'acceptation des offres préalables ou encore la situation de fortune des emprunteurs n'a été retrouvée, que s'agissant du prêt accordé à Bernard Z..., son obtention s'est faite selon une procédure non orthodoxe, le document contractuel obligatoire n'ayant pas été établi et aucune justification n'ayant été produite, enfin que le prêt en cause a été obtenu grâce aux instructions d'Alain X..., en usant de manoeuvres tendant à écarter l'application de la procédure interne à la SA Cofinoga ; qu'en statuant ainsi, sans indiquer en quoi l'octroi des prêts litigieux aurait été accordé à la faveur d'un mensonge de Bernard Z..., que l'intervention des demandeurs aurait été de nature à corroborer, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 313-1 du Code pénal ;
" 2) alors que dans ses conclusions d'appel (pages 5 à 8), la demanderesse a expressément fait valoir, d'une part que le chèque (coté D 8) établi au profit de Bernard Z... n'était ni pré-imprimé ni pré-signé, mais a, au contraire, été rempli de façon manuscrite, avant d'être signé, manuellement, par deux directeurs, lesquels ne pouvaient manquer, avant d'adresser ledit chèque à son destinataire, de vérifier les données du dossier sur la base desquelles le prêt avait été accordé, d'autre part que confronté à des difficultés de remboursement de son prêt, dès le 27 juin 1994, Bernard Z... avait sollicité et obtenu un rééchelonnement de sa dette, aux termes d'un accord conclu le 6 juillet 1995, ce qui avait entraîné l'examen, par plus de vingt personnes, de cinq services différents, de la situation de l'emprunteur et, partant, des pièces du dossier de prêt litigieux, de sorte qu'en cet état, la circonstance qu'aucune trace écrite concernant l'acceptation de l'offre préalable de crédit n'ait été retrouvée s'expliquait par une perte du dossier plutôt que par son inexistence ; qu'ainsi, en estimant au contraire qu'aucune trace écrite concernant l'acceptation des offres préalables ou encore la situation de fortune des emprunteurs n'a été retrouvée, et que la faculté de la SA Cofinoga à perdre les documents ne constitue pas une explication suffisante à l'absence des pièces en cause dans les archives, pour en déduire que la procédure instituée par la société de crédit n'a pas été respectée, mais a été contournée par les prévenus, et qu'ainsi Andrée X..., en opérant la saisie informatique des données, s'est rendue complice, par aide et assistance, de l'escroquerie commise par Bernard Z..., sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions d'appel de la prévenue, la cour d'appel a méconnu les prescriptions de l'article 593 du Code de procédure pénale ;
" 3) alors qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que Sophie D... ait, au cours de l'information pénale ou devant les juges du fond, prétendu avoir effectué la saisie informatique des dossiers de prêts aux noms de A..., B... et C... sur instruction expresse de Andrée X... ; qu'en estimant dès lors que Sophie D... aurait, sans connaître le caractère frauduleux du procédé, effectué la saisie informatique de ces trois prêts à la demande d'Andrée X..., pour en déduire que la première devait être relaxée et la seconde déclarée coupable de complicité d'escroquerie, sans préciser l'origine de ces constatations de fait, et alors que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale ;
" 4) alors que nul n'est pénalement responsable que de son propre fait ; qu'en l'espèce, pour déclarer Alain X... coupable de complicité d'escroquerie, s'agissant du prêt accordé à Bernard Z..., et des prêts respectivement accordés aux époux A..., aux époux C... et à Roland B..., la cour d'appel, par motifs propres et adoptés des premiers juges, s'est bornée à énoncer, d'une part, que les époux X... n'ont pas su donner une explication cohérente au fait que la majeure partie du montant du prêt frauduleusement accordé à Bernard Z... par Cofinoga sous la signature informatique d'Andrée X... se soit retrouvée entre les mains d'Alain X..., d'autre part, que l'obtention du prêt sollicité par Bernard Z... s'est faite selon une procédure non orthodoxe, puisque le document contractuel obligatoire n'a pas été établi, que le prêt en cause a été obtenu grâce aux instructions du demandeur et en usant de manoeuvres tendant à écarter l'application de la procédure interne à la SA Cofinoga, enfin que Alain X... s'est rendu complice de l'octroi frauduleux des prêts en donnant à Bernard Z... des instructions précises que celui-ci ne pouvait à l'évidence connaître et en intervenant sur la procédure interne de la SA Cofinoga, de sorte que les règles de procédure ne soient pas un obstacle ; qu'en l'état de ces seules énonciations, qui ne caractérisent nullement la participation personnelle d'Alain X... aux faits poursuivis, ni ne précisent en quoi aurait consisté la prétendue " intervention " du prévenu dans le processus d'octroi des prêts litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Condamne Alain X... et Andrée Y..., épouse X..., à payer chacun à la société Cofinoga la somme de 1 500 euros au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Chanut conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-87017
Date de la décision : 08/10/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, chambre correctionnelle, 10 septembre 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 08 oct. 2003, pourvoi n°02-87017


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.87017
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