AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept octobre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA et de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Davy, prévenu et partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de CHAMBERY, chambre correctionnelle , en date du 26 juin 2002, qui, dans la procédure suivie contre lui pour délit de blessures involontaires et contraventions au Code de la route, a statué sur l'action publique et prononcé sur les intérêts civils et qui, dans la procédure connexe suivie contre Steve Y... du chef de délit de blessures involontaires et contravention au Code de la route, l'a débouté de sa demande après relaxe de ce dernier ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 222-19 du Code pénal, R. 4, R. 14 et R. 19 du Code de la route dans sa rédaction applicable aux faits, 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a prononcé la relaxe de Steve Y... du chef de blessures involontaires ayant entraîné une interruption de travail supérieure à trois mois et de conduite éloignée du bord droit de la chaussée ;
"aux motifs que Steve Y... n'a commis aucune faute dans la survenance de l'accident ;
"alors que, en se bornant à constater que Steve Y... n'avait commis aucune faute, sans s'expliquer sur le manquement à l'obligation réglementaire prévue par l'article R. 4 du Code de la route pour lequel le prévenu était poursuivi, et sans rechercher, ainsi que l'y invitaient les conclusions des parties civiles et les déclarations des témoins, si l'absence de distance suffisante pour achever le dépassement, au point de provoquer un ralentissement et un déport de la voiture de Josiane Patenotre, ne traduisait pas un manquement aux prescriptions des articles R. 14 et R. 19 du Code de la route ou, en tout état de cause, un comportement imprudent de la part du prévenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Attendu que, le 10 mars 1998, une collision frontale s'est produite, hors agglomération et sur une route nationale, entre les véhicules conduits respectivement par Davy X... et Steve Y... ; que les deux conducteurs et Brigitte Z..., passagère du véhicule piloté par Davy X... ont été blessés ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve des infractions reprochées n'était pas rapportée à la charge de Steve Y..., en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant Davy X... de ses prétentions ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 3, 470, 470-1 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement condamnant Davy X..., sur l'action civile, à verser à Daniel Y... et à Brigitte Z... des dommages et intérêts, à Steve Y... une indemnité provisionnelle et a renvoyé la fixation du préjudice subi par ce dernier au premier juge ;
"alors que le juge pénal qui constate que le fait poursuivi ne constitue aucune infraction à la loi pénale épuise sa compétence et ne peut, sauf demande expresse des parties civiles, statuer sur les intérêts civils ; qu'en l'espèce l'arrêt attaqué, qui, sur l'action publique, constate la prescription des chefs des contraventions reprochées à Davy X..., ne pouvait confirmer les condamnations civiles sans excéder ses pouvoirs et violer l'article 470 du Code de procédure pénale" ;
Vu l'article 593 du Code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte du jugement et de l'arrêt que Davy X..., poursuivi pour délit de blessures involontaires commis sur la personne de Steve Y... et contraventions connexes au Code de la route a, après disqualification du délit, été condamné pour l'ensemble des contraventions par le tribunal correctionnel qui a alloué des dommages-intérêts à diverses victimes ;
Attendu que l'arrêt confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, tout en constatant la prescription des contraventions dont le prévenu est déclaré coupable ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le deuxième moyen de cassation proposé,
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Chambéry, en date du 26 juin 2002, en ses seules dispositions pénales et civiles relatives à la poursuite engagée contre Davy X..., toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Chambéry et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Steve et Daniel Y..., de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;