AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre septembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SAMUEL, les observations de Me BOUTHORS, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MOUTON ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Gilles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES, 9ème chambre, en date du 2 octobre 2002, qui, pour banqueroute et fraude fiscale, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, 7 500 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, L. 621-1, L. 621-7 et L. 626-1 à L. 626-7 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Gilles X... coupable de banqueroute et l'a condamné à une peine d'emprisonnement d'un an avec sursis, au paiement d'une amende de 7 500 euros, au règlement d'une indemnité de 144 519,18 euros (947 983,73 francs) à Me Y... et l'a déclaré solidairement tenu avec la société CFI au paiement des impôts fraudés et des pénalités y afférentes ;
"aux motifs que le 25 novembre 1993, la société Uniphenix a prononcé la déchéance du terme, repoussée après discussions et mise en place d'un plan d'apurement en janvier 1994 "suivi d'impayés, 15 juillet 1995" ; que "quoiqu'il en soit de l'accord avec l'établissement prêteur Uniphenix, au regard des fournisseurs, extérieurs à l'accord supposé, la situation d'exigibilité de leurs créances est inchangée" ; que la banque a publié un commandement de saisie immobilière le 31 juillet 1996 ; qu'il n'a pas existé d'accord de règlement portant sur la répartition du produit de la vente de la 1ère tranche de construction de la SCI Saint Cyr ; que sur le produit de cette vente, sur laquelle le créancier prêteur de deniers avait des droits, il n'y a pas eu d'accord de règlement au profit de fournisseurs à hauteur de 450 000 francs ; qu'après 1995, aucun acte n'est venu "transformer en un crédit prorogé" ; que si la procédure de saisie a été abandonnée, c'est en raison du règlement consécutif à la vente de l'immeuble ; qu'à l'égard des prestataires de travaux, il n'a existé aucune convention de report de paiement de leur créance ; qu'il importe peu que ce soit par courrier du 26 décembre 1996 qu'Uniphenix ait retiré tout concours financier à CFI lequel ne concernant que la deuxième tranche de travaux ; que pour l'année 1996, le dossier pénal contient deux listes de fournisseurs qui recensent les rappels de TVA déduite à tort ; que les créances des fournisseurs s'élèvent à 661 753,30 francs ; qu'en 1996, la société n'a pas été capable de payer pour plus de 661 000 francs ;
que la société avait des dettes sociales et fiscales ;
qu'ainsi se trouve caractérisé l'état de cessation des paiements de la société CFI pour 1996 ; que pour l'année 1995, l'actif circulant était inférieur au passif exigible ; que pour 1994, le bilan de la société fait apparaître une perte de 176 641 francs ; qu'il y a lieu de faire remonter la cessation des paiements au 31 décembre 1994 ; que c'est à tort que le tribunal a relaxé partiellement Gilles X... pour les faits de banqueroute antérieurs au 3 octobre 1995 et postérieurs au 23 avril 1996 ; qu'il y a lieu de retenir les détournements tels que visés à la prévention à compter du 1er octobre 1995, pour un montant d'au moins 1,8 million de francs (arrêt pages 10 à 24 et page 30) ;
"alors que l'état de cessation des paiements d'un débiteur est caractérisé par l'insuffisance d'actif disponible pour faire face au passif exigible ; que pour décider que la CFI s'est trouvée en situation de cessation des paiements tout au long de l'année 1996, la cour d'appel ne pouvait se borner à énumérer les dettes exigibles de la société sans rechercher quel était l'actif dont elle disposait ;
"alors que le point de départ de la période suspecte ne peut être fixé à une date antérieure de plus de dix-huit mois à l'ouverture de la procédure collective ; qu'après avoir relevé que la société CFI avait été mise en redressement judiciaire le 9 septembre 1997, la cour d'appel ne pouvait pas fixer la date de cessation des paiements au 31 décembre 1994, soit près de trois années avant l'ouverture de la procédure collective" ;
Attendu que, pour reporter au 31 décembre 1994 la date de cessation des paiements de la société CFI fixée par le tribunal de commerce au 9 mars 1996, la cour d'appel retient que, dès les années 1994 et 1995, la société avait été dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine des faits, les juges, qui pouvaient retenir une date de cessation des paiements antérieure à celle fixée par le tribunal de commerce, ont justifié leur décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-24 du Code pénal, 1745 du Code général des impôts et 591 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Gilles X... solidairement avec la société CFI au paiement des impôts fraudés et des pénalités y afférentes ;
"alors qu'il appartient au juge pénal de déterminer la peine et d'en arrêter le quantum en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ; qu'après avoir déclaré Gilles X... coupable de fraude fiscale, le juge ne pouvait le déclarer solidairement tenu avec la société CFI au paiement des impôts fraudés et des pénalités y afférentes sans déterminer le montant de l'impôt éludé et des pénalités" ;
Attendu qu'il ne saurait être fait grief à l'arrêt de n'avoir pas déterminé le montant de l'impôt éludé et des pénalités fiscales encourues, dès lors que l'Administration est seule compétente pour y procéder, sous le contrôle des juridictions administratives, et que le juge pénal, qui n'a pas à motiver spécialement sa décision, apprécie souverainement, notamment en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de l'auteur, s'il y a lieu de prononcer la solidarité prévue par l'article 1745 du Code général des impôts ;
Qu'ainsi, le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Samuel conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;