La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/2003 | FRANCE | N°02-11362

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 septembre 2003, 02-11362


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 11 décembre 2001), qu'entre 1978 et 1986, M. X... a obtenu de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère une vingtaine de prêts destinés à lui permettre de financer ses besoins personnels ou son activité d'agriculteur ; que l'intéréssé ayant cessé de faire face à ses obligations et restant débiteur de sommes au titre des prêts 801, 809, 812, 813, 816 et 821, la Caisse régionale de crédi

t agricole mutuel du Finistère l'a fait assigner en paiement ; que M. X... a in...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 11 décembre 2001), qu'entre 1978 et 1986, M. X... a obtenu de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère une vingtaine de prêts destinés à lui permettre de financer ses besoins personnels ou son activité d'agriculteur ; que l'intéréssé ayant cessé de faire face à ses obligations et restant débiteur de sommes au titre des prêts 801, 809, 812, 813, 816 et 821, la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère l'a fait assigner en paiement ; que M. X... a invoqué reconventionnellement la responsabilité de l'établissement de crédit pour lui avoir accordé sans discernement des crédits dont le montant cumulé excédait ses facultés de remboursement et soutenu qu'une partie des demandes était prescrite par application de l'article 2277 du Code civil ; qu'accueillant partiellement ces prétentions, la cour d'appel, tout en estimant que le prêt 801 ayant été accordé dans des conditions régulières, aucune réparation n'était due de ce chef, a dit que les autres crédits avaient été consentis de manière fautive sans vérification des réelles capacités de remboursement de l'emprunteur mais que M. X... avait contribué à la réalisation de son propre dommage à concurrence de moitié et a ajouté que la prescription quinquennale ne s'appliquait qu'aux intérêts normaux et de retard et aux accessoires échus depuis plus de cinq ans à l'exclusion des paiements périodiques constituant le remboursement de fractions de capital ;

Sur les deux premiers moyens, pris en leurs diverses branches, réunis :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1 / que tout jugement doit être motivé, à peine de nullité ;

que le défaut de réponse à conclusion constitue un défaut de motif ; que la cour d'appel s'est bornée à énoncer que le prêt 801 avait été accordé dans des conditions normales donc sans faute ; qu'en statuant comme elle fait en prétendant que les conditions d'octroi du prêt étaient régulières pour réfuter toute faute de la banque, sans répondre au moyen, comme elle y était pourtant invitée par les conclusions où il faisait valoir que le jugement ne précisait rien quant au montant de sommes dues au titre du prêt 801, le paiement ayant été rendu impossible par l'avalanche de prêts inconsidérés, consentis par le Crédit agricole, aboutissant à un endettement insurmontable de l'emprunteur, la cour d'appel a méconnu les exigences légales des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que l'établissement de crédit qui dispense un crédit excessif eu égard à la situation de son client manque à son devoir d'information et de conseil et engage sa responsabilité pour faute ; qu'il en va de même de l'établissement qui dispense un crédit excessif et empêche ainsi l'emprunteur, par un endettement cumulé, de faire face aux remboursements à venir, même pour certains prêts consentis dans des conditions normales ; que l'octroi de crédits abusifs peut être à l'origine de l'empêchement de l'emprunteur de faire face à ses obligations ; qu'il faisait valoir que l'octroi abusif de crédit reconnu par les juges du fond, avait un lien de causalité avec l'impossibilité de régler les différents prêts, notamment le prêt 801 ; que l'arrêt attaqué a néanmoins rejeté sa demande en indiquant simplement que le prêt 801 avait été accordé dans des conditions normales ; qu'en conséquence, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147, 1382 et 1383 du Code civil ;

3 / que l'établissement de crédit qui dispense un crédit excessif eu égard à la situation de son client manque à son devoir d'information et de conseil et engage sa responsabilité pour faute ; que pour retenir un partage de responsabililité civile, comme en l'espèce, il faut caractériser une faute de chacun des protagonistes ; qu'il résulte des constatations et énonciations de l'arrêt attaqué, que la faute de la Caisse du Finistère, dispensateur laxiste et très imprudent de crédit, tant professionnel que personnel, est indiscutable, comme son lien de causalité avec le préjudice subi par la victime ; que, cependant, en ce qui concernait l'emprunteur qui niait toute faute dans sa situation d'endettement, la cour d'appel s'est bornée à indiquer qu'il avait reconnu avoir participé à son préjudice et qu'il disposait d'un patrimoine immobilier ; qu'en statuant ainsi, sans aucunement caractériser une quelconque faute, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134, 1147, 1382 et 1383 du Code civil ;

4 / qu'en décidant que le partage de responsabilité devait s'opérer par moitié parce qu'il reconnaissait avoir participé à son préjudice, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions dès lors qu'il niait toute faute de sa part, en violation des articles 1134 du Code civil et 4 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant relevé que M. X... avait lui-même sollicité les prêts litigieux, ce dont il se déduisait, dès lors que l'intéressé ne prétendait pas que la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Finistère aurait eu, par suite de circonstances exceptionnelles non alléguées, des informations que lui-même aurait ignorées sur la fragilité de sa situation financière, d'abord que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère, qui n'avait pas de devoir de conseil envers son client, n'avait pas engagé sa responsabilité en lui octroyant le prêt 801, ensuite que M. X... était à l'origine de son propre dommage, la décision, qui n'a pas violé les textes visés au moyen, se trouve justifiée par ce seul motif ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu que M. X... fait encore le même reproche à l'arrêt alors, selon le moyen, que la prescription quinquennale de l'article 2277 du Code civil s'applique au paiement des intérêts des sommes prêtées et généralement à tout ce qui est payable par année ou à des termes périodiques plus courts ; que ce texte doit recevoir application, notamment lorsque la dette est payable par fractions annuelles ou mensuelles, dès lors qu'elle est périodique ; qu'il résulte des énonciations et constatations de l'arrêt attaqué que, pour refuser de retenir la prescription comme il le demandait pour le paiement des différents prêts octroyés abusivement, bien que le délai de cinq ans soit écoulé et que le caractère périodique des créances soit admis, l'arrêt attaqué a indiqué que ce texte ne s'appliquait pas aux prestations périodiques se présentant comme des fractions de capital ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 2277 du Code civil, par refus d'application ;

Mais attendu qu'en excluant l'application de la prescription quinquennale de l'article 2277 du Code civil aux demandes afférentes aux droits de créance ayant pour objet les fractions des capitaux empruntés par M. X... pour en limiter l'application aux intérêts normaux et de retard ainsi qu'aux accessoires échus depuis plus de cinq ans lorsque l'action avait été introduite, la cour d'appel, loin de violer le texte susvisé, en a fait, au contraire, l'exacte application ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens :

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 02-11362
Date de la décision : 24/09/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° BANQUE - Responsabilité - Prêt - Nouveaux prêts - Cumul excédant les capacités de remboursement - Prêt initial - Responsabilité envers l'emprunteur (non).

PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Article 2277 du Code civil - Application - Prêt - Intérêts et accessoires.

1° Une cour d'appel qui écarte l'action en responsabilité formée par un emprunteur à l'encontre d'une banque pour l'octroi d'un prêt, après avoir constaté que l'emprunteur a lui-même sollicité le prêt litigieux, ce dont il se déduisait, dès lors qu'il n'était pas soutenu que la banque aurait eu des informations sur la fragilité de la situation de l'emprunteur que ce dernier aurait lui-même ignorées, que la banque n'avait pas de devoir de conseil à l'égard de son client, et que l'emprunteur était à l'origine de son propre dommage, a légalement justifié sa décision.

2° PRESCRIPTION CIVILE - Prescription quinquennale - Article 2277 du Code civil - Exclusion - Prêt - Fraction du capital emprunté.

2° Une cour d'appel, qui accueille l'action en paiement d'une banque contre un emprunteur défaillant, a fait une exacte application de l'article 2277 du Code civil en excluant l'application de la prescription prévue par ce texte aux demandes afférentes aux droits de créance ayant pour objet les fractions de capitaux empruntés pour en limiter l'application aux intérêts normaux et de retard ainsi qu'aux accessoires échus depuis plus de cinq ans lorsque l'action a été introduite.


Références :

Code civil 2277

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 09 novembre 2001

A RAPPROCHER : Chambre commerciale, 2002-03-26, Bulletin 2002, IV, n° 57, p. 52 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 sep. 2003, pourvoi n°02-11362, Bull. civ. 2003 IV N° 137 p. 157
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 IV N° 137 p. 157

Composition du Tribunal
Président : M. Tricot.
Avocat général : M. Jobard.
Rapporteur ?: Mme Collomp.
Avocat(s) : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, Me Blondel.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.11362
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award