AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. Jean-Claude X..., directeur de succursale à la société Commerciale Citroën, a été licencié pour faute grave le 28 avril 1997 ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 14 décembre 2000) d'avoir débouté M. X... de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors selon le moyen, qu'il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur du fait qu'il invoque contre son salarié, que dans les deux mois qui ont précédé la date à laquelle a engagé les poursuites disciplinaires ; que, par ailleurs les juges du fond ne peuvent accueillir, ou rejeter, les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions; qu'en écartant la fin de non-recevoir soulevée par M. Jean-Claude X..., sans s'expliquer sur deux notes en date des 29 novembre et 13 décembre 1996, d'où il résultait que la société Commerciale Citroën avait, alors, connaissance des faits qu'elle allait ensuite reprocher à M. Jean-Claude X..., la cour d'appel a violé l'article L.. 122-44 du Code du travail ;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve que la cour d'appel a retenu que la procédure de licenciement disciplinaire avait été engagée avant que ne soit expiré un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur avait eu une connaissance exacte et complète des faits reprochés au salarié ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir considéré que le licenciement de M. X... ne reposait pas sur une faute grave et d'avoir en conséquence condamné la société Commerciale Citroën à lui payer des sommes à titre d'indemnités de préavis et de congés payés afférents et d'indemnité de licenciement alors, selon le moyen :
1 / que la faute grave peut résulter d'un cumul de faits imputables au salarié ; que, dans la lettre de licenciement, l'employeur reprochait au salarié, outre d'avoir octroyé des concessions commerciales pour partie non motivées, d'autres faits qui ont été considérés comme établis par la cour d'appel ; qu'en se bornant à affirmer que l'usage abusif par M. X... des concessions commerciales ne constituait pas une faute grave, quand cet usage abusif ne constituait que l'un des griefs reprochés au salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ;
2 / que le fait pour un directeur de succursale, chargé de gérer les biens de celle-ci, de profiter ou de faire profiter certains salariés d'avantages en nature (cadeaux, voyages, repas) pour un montant particulièrement élevé aux frais d'une société qui connaissait pourtant un déficit important, en détournant les règles administratives et comptables en vigueur et au moyen de fausses factures, constitue une faute grave, indépendamment de son ancienneté ou de la qualité de son travail ; qu'en déniant toute gravité aux faits reprochés à M. X... en raison de son ancienneté et de la qualité de son travail, la cour d'appel a dès lors violé les articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ;
3 / qu'en affirmant, pour ôter toute gravité à la faute commise par le salarié, que " les concessions avaient clairement une finalité incitatrice à l'égard des salariés et qu'elles auraient pu être accordées dans un cadre mieux défini comme les challenges" sans préciser en quoi les concessions litigieuses octroyées par M. X... hors du cadre des challenges à certains salariés aurait une finalité incitatrice à l'égard des salariés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-8 et L. 122-9 du Code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé que M. X... s'était attribué et avait abusivement accordé à certains salariés de la société des avantages en nature injustifiés, a pu décider que compte tenu de leur objet, dont elle a souverainement apprécié le caractère incitatif à l'égard du personnel concerné, ainsi que de l'ancienneté de l'intéressé et de la qualité de son travail, un tel comportement n'était pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et ne constituait pas une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes présentées par la Société commerciale Citroën et par M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et signé par M. Gillet, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions de l'article 456 du nouveau Code de procédure civile, en son audience publique du seize septembre deux mille trois.