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09/09/2003 | FRANCE | N°02-82822

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 septembre 2003, 02-82822


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf septembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BEAUDONNET, les observations de la société civile professionnelle BACHELLIER - POTIER de la VARDE, de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Raynald,

- Y... José,

-

LA SOCIETE HWS, civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre c...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf septembre deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BEAUDONNET, les observations de la société civile professionnelle BACHELLIER - POTIER de la VARDE, de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD, TRICHET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CHEMITHE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Raynald,

- Y... José,

- LA SOCIETE HWS, civilement responsable,

contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 12 décembre 2001, qui, pour contrefaçon de modèles et atteinte aux droits d'auteur, a condamné chacun des deux premiers à 1 500 euros d'amende avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6.1 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 332-1, L. 521-1 et L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen tiré de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon ;

"aux motifs qu'il résulte des dispositions de l'article L. 716-7 du Code de la propriété intellectuelle que le demandeur en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu par tout huissier assisté d'experts de son choix, en vertu d'une ordonnance du président du tribunal de grande instance rendue sur requête, soit à la description détaillée, soit à la saisie réelle des produits qu'il prétend offerts à la vente en violation de ses droits ; que M. Z..., s'il est un salarié d'une filiale de la société Renault, n'est pas un représentant de cette société ; que l'opération n'a consisté qu'à procéder à l'inventaire et à la saisie de pièces et de factures en présence de José Y... et Raynald X... ; que ces derniers ne démontrent pas et d'ailleurs n'allèguent pas l'existence d'un grief quelconque trouvant son origine dans l'assistance apportée à l'huissier instrumentaire par M. Z... ; que dans ces conditions, la présence de ce dernier n'a pas conduit à une restriction des droits de la défense ni porté atteinte au droit des prévenus à un procès équitable ;

"alors qu'à supposer qu'un expert puisse régulièrement assister l'huissier qui procède à une saisie-contrefaçon ordonnée, comme en l'espèce, sur le fondement des articles L. 332-1 et L. 521-1 du Code de la propriété intellectuelle et non sur celui de l'article L. 716-7 du même Code, le droit à un procès équitable implique que cet expert soit indépendant des parties ; que, dès lors, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qu'elles emportaient et, partant, s'est contredite, en retenant que l'assistance de l'huissier instrumentaire par un salarié d'une filiale de la société requérante n'avait pas porté atteinte au droit à un procès équitable des prévenus" ;

Attendu qu'il ne résulte ni du jugement ni des conclusions déposées que les demandeurs, qui ont comparu devant le tribunal correctionnel, aient soulevé devant cette juridiction, avant toute défense au fond, l'exception de nullité de la saisie-contrefaçon en raison de l'assistance apportée à l'huissier instrumentaire par un salarié d'une filiale de la partie civile ;

Que, si la cour d'appel a cru, à tort, devoir y répondre, le moyen, qui reprend cette exception devant la Cour de Cassation, est irrecevable par application de l'article 385 du Code de procédure pénale ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, de la directive 98/71/CE du 13 octobre 1998 relative à la protection juridique des dessins et modèles, de l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 transposant cette directive en droit interne et des articles 112-1 du Code pénal, L. 511-1, L. 511-8 et L. 521-4 du Code de la propriété intellectuelle, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré José Y... et Raynald X... coupables de contrefaçon de modèles ;

"aux motifs que la société Renault justifie être titulaire des modèles de véhicules R. 19, R 21, Clio, Super 5 et Express qui ont fait l'objet d'un dépôt auprès de l'INPI ; que, contrairement aux prétentions des prévenus et à ce qu'a retenu le tribunal, le droit interne et la jurisprudence française sont compatibles avec l'état actuel du droit européen ; que les droits de la société Renault sur les pièces esthétiques composant ses véhicules, tels qu'ils résultent actuellement de la législation et de la jurisprudence française, ont en effet été confortés par la directive communautaire n° 98/71/CE du 13 octobre 1998 sur la protection juridique des dessins et modèles ;

que celle-ci avait pour objectif d'harmoniser les législations nationales des différents Etats membres de l'Union européenne en matière de dessins et modèles mais devant les difficultés pour y parvenir le Conseil européen, dans un article 14 de ladite directive, a finalement décidé que "jusqu'à la date d'adoption de modifications apportées à la présente directive sur propositions de la Commission, les Etats membres maintiennent en vigueur les dispositions juridiques existantes..." ; que les propositions de la Commission européenne en date du 21 juin 1999, reprises dans de nouvelles propositions en date du 23 novembre 2000, ne sont pas actuellement adoptées et intégrées dans un règlement communautaire et dans cette attente elles ne sauraient avoir un effet sur le droit français en vigueur qui demeure applicable ;

"1 ) alors que la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit dans un arrêt du 26 septembre 2000 Commission c/ République française que "si l'article 14 de la directive 98/71 autorise les Etats membres à maintenir en vigueur leur législation relative à la protection des dessins ou modèles de pièces détachées visées par cet article, cette possibilité n'existe que pour autant que la législation nationale est compatible avec les règles du traité" et a ajouté que "l'article 14 de ladite directive ne saurait avoir pour effet de valider toutes les dispositions nationales en matière de protection des droits concernés" dans la mesure où "ainsi que le vingtième considérant de la directive 98/71 le précise, la législation nationale doit, en tout état de cause, respecter les règles du traité relatives à la libre circulation des marchandises" ; que dès lors, en estimant que les dispositions transitoires de l'article 14 de cette directive la dispensaient de rechercher ainsi que les premiers juges l'avaient fait et comme les demandeurs l'y invitaient dans leurs conclusions d'appel, si les règles relatives à la libre circulation des marchandises ne s'opposaient pas à l'application des règles de droit interne relatives à la propriété intellectuelle en vertu desquelles un fabricant d'automobile est en droit d'interdire à des tiers, sous peine de sanctions pénales, de vendre sur le marché intérieur ou de l'exportation des pièces détachées qui auraient été fabriquées sans son consentement, la cour d'appel a méconnu la lettre et l'esprit de ce texte communautaire tels qu'interprétés par la Cour de justice des communautés européennes ;

"2 ) alors qu'aux termes de l'article L. 511-8, alinéa 1er, 2 , du Code de la propriété intellectuelle issu de l'ordonnance du 25 juillet 2001 transposant en droit interne la directive 98/71 et publiée au Journal Officiel le 28 juillet 2001, n'est pas susceptible de protection l'apparence d'un produit dont la forme et la dimension exactes doivent être nécessairement reproduites pour qu'il puisse être mécaniquement associé à un autre produit par une mise en contact, un raccordement, un placement à l'intérieur ou à l'extérieur dans des conditions permettant à chacun de ces produits de remplir sa fonction ; qu'il résulte de cette disposition nouvelle, qui doit être interprétée à la lumière du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires et des deux propositions de règlement en date des 21 juin 1999 et 23 novembre 2000 qui ont précédé son adoption, que les éléments de carrosserie, de lanternerie et les enjoliveurs des modèles de véhicules déposés par la société Renault ne sont plus susceptibles de protection depuis l'entrée en vigueur de ce texte ; que dès lors, la cour d'appel, ne pouvait, sans méconnaître le principe d'application immédiate des lois pénales plus douces, déclarer les prévenus coupables d'avoir contrefait ces modèles" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société HWS détenait et commercialisait en France, sans l'autorisation de la société Renault, des pièces de carrosserie et de lanternerie reproduisant les caractéristiques de modèles dont celle-ci est titulaire ; que Raynald X... et José Y..., cogérants de la société HWS, ont été, notamment, poursuivis pour contrefaçon de modèles ;

Attendu que, pour déclarer les prévenus coupables des faits reprochés, les juges du second degré prononcent par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Que, d'une part, tant les dispositions du Code de la propriété intellectuelle antérieures à la transposition de la directive CE 98/71 du 13 octobre 1998 par l'ordonnance du 25 juillet 2001, que celles de l'article L. 511-5 du même Code, issues de ladite transposition, admettent la protection par le droit des dessins et modèles d'une pièce apparente d'un produit complexe ;

Que, d'autre part, la faculté, pour le titulaire d'un modèle protégé d'éléments de carrosserie de véhicules automobiles, d'empêcher des tiers de fabriquer, de vendre ou d'importer, sans son consentement, des produits incorporant ce modèle, relève de l'objet spécifique de son droit de propriété industrielle et commerciale, dont la sauvegarde justifie, par application de l'article 30 CE, qu'il soit dérogé au principe de libre circulation des marchandises ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Beaudonnet conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Le Corroller, Mme Nocquet, M. Castagnède conseillers de la chambre, Mmes Agostini, Gailly, Salmeron conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Chemithe ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-82822
Date de la décision : 09/09/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CONTREFAçON - Dessins et modèles - Protection - Domaine d'application.

1° Il résulte des dispositions de l'article L. 511-5 du Code de la propriété intellectuelle, issues de l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001 transposant la Directive CE n° 98/71 du 13 octobre 1998 relative à la protection juridique des dessins et modèles, qu'est susceptible de protection le dessin ou modèle d'une pièce apparente d'un produit complexe (1).

2° COMMUNAUTES EUROPEENNES - Libre circulation des marchandises - Restrictions quantitatives à l'importation - Mesure d'effet équivalent - Protection de la propriété intellectuelle et commerciale - Contrefaçon.

2° Au regard des dispositions du Code de la propriété intellectuelle antérieures à ladite ordonnance comme de celles de l'article L. 511-5 du même Code, compatibles avec les articles 28 et 30 du Traité CE, justifie sa décision la cour d'appel qui, pour condamner des prévenus du chef de contrefaçon de modèles, sur le fondement des articles L. 521-4 et suivants dudit Code, retient qu'ils ont détenu et commercialisé en France, sans l'autorisation du titulaire de modèles, des pièces de carrosserie d'automobile reproduisant les caractéristiques de ces modèles.


Références :

1° :
1° :
2° :
Code de la propriété intellectuelle L511-5
Code de la propriété intellectuelle L511-5, L521-4 Traité CE art. 28, art. 30
Ordonnance 2001-670 du 25 juillet 2001 Directive CE 98/71 1998-10-13

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen (chambre correctionnelle), 12 décembre 2001

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Cour de justice des Communautés européennes, 1988-10-05, Aff. 53/87, Tribunal civil et pénal de Milan (Italie) c/Régie nationale des usines Renault ;

Recueil de jurisprudence 1988, p. 6039 ; Chambre criminelle, 1991-06-06, Bulletin criminel 1991, n° 240, p. 617 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 09 sep. 2003, pourvoi n°02-82822, Bull. crim. criminel 2003 N° 154 p. 613
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2003 N° 154 p. 613

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Chemithe
Rapporteur ?: Mme Beaudonnet
Avocat(s) : la SCP Bachellier-Potier de la Varde, la SCP Delaporte, Briard et Trichet.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.82822
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