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02/07/2003 | FRANCE | N°00-42105

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 juillet 2003, 00-42105


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° S 00-42.105 et n° A 02-40.603 ;

Attendu que par arrêt du 14 février 2000 rendu sur renvoi après cassation par arrêt du 13 janvier 1999 (n 232 D), la cour d'appel de Nîmes a condamné la société Shell à payer diverses sommes à son ex-employé, M. X..., salarié protégé licencié sans autorisation administrative préalable ;

Sur le premier moyen du pourvoi du salarié n° S 00-42.105 :

Attendu qu'il est fait grief à

l'arrêt attaqué du 14 février 2000 d'avoir condamné la société Shell Direct au paiement d'une somme...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° S 00-42.105 et n° A 02-40.603 ;

Attendu que par arrêt du 14 février 2000 rendu sur renvoi après cassation par arrêt du 13 janvier 1999 (n 232 D), la cour d'appel de Nîmes a condamné la société Shell à payer diverses sommes à son ex-employé, M. X..., salarié protégé licencié sans autorisation administrative préalable ;

Sur le premier moyen du pourvoi du salarié n° S 00-42.105 :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué du 14 février 2000 d'avoir condamné la société Shell Direct au paiement d'une somme de 890 400 francs pour non respect du statut protecteur de M. X..., alors, selon le moyen :

1 / que le salarié protégé licencié au mépris de son statut protecteur a droit à une indemnité équivalente au montant de l'ensemble des sommes ayant du lui être versées jusqu'à la fin de la période de protection ; qu'il convient à ce titre de prendre en compte les primes et les diverses indemnisations s'ajoutant au salaire de base ; que le salaire mensuel brut de base de M. X... s'élevait à la somme de 16 800 francs ;

que M. X... bénéficiait en outre d'un treizième mois représentant un revenu mensuel complémentaire de 1 391,67 francs ; qu'il percevait également une prime annuelle de bilan de 4 000 francs soit 333,33 francs par mois ; qu'enfin, M. X... percevait une somme mensuelle de 390 francs au titre des frais de nourriture et de 1 540 francs au titre des frais de transport ; qu'au total, M. X... percevait une rémunération mensuelle de 20 355 francs ; qu'en prenant pour base de calcul le revenu mensuel de 16 800 francs et en refusant de tenir compte des éléments complémentaires sus-présentés au motif qu'ils tiennent à des augmentations prétendument prévisibles, le juge d'appel a violé l'article L. 412-18 du Code du travail ;

2 / que l'indemnité allouée pour violation du statut protecteur doit être calculée compte tenu d'un taux de progression du salaire sinon propre au salarié du moins légal ; que M. X... prouvait avoir bénéficié entre 1983 et 1987 d'une progression moyenne de son salaire de l'ordre de 6,736 % l'an ; que, refusant d'appliquer le moindre taux d'actualisation sur les 56 mois du statut protecteur de M. X..., le juge d'appel n'a pas condamné l'employeur au paiement des sommes ayant du normalement être acquittées jusqu'à l'expiration du statut protecteur ; que, statuant de la sorte, le juge d'appel a violé l'article L 412-18 du Code du travail ;

3 / que l'indemnité allouée pour violation du statut protecteur doit être calculée compte tenu des effets normaux d'une cotisation de l'employeur au régime retraite durant la période de protection ; que M. X... faisait valoir que la société Cophoc aurait normalement du, durant toute la période de protection, verser une cotisation aux caisses de retraite et constituer de ce fait à son profit des droits à prestation vieillesse ; qu'en ignorant ce moyen pertinent, le juge d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'après avoir relevé le caractère hypothétique des augmentations de salaire invoquées par le salarié, la cour d'appel a déterminé le montant du salaire mensuel par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis ;

Attendu, ensuite, que la somme due par l'employeur à titre de sanction de la violation du statut protecteur du salarié n'étant pas un complément de salaire soumis à cotisations sociales, la cour d'appel n'avait pas à répondre à des conclusions sans objet ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Shell Direct au paiement d'une somme de 100 800 francs pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que le salaire mensuel pris en compte lors du calcul de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse doit être évalué en tenant compte des primes et avantages en nature ; qu'en prenant pour base de calcul le salaire de 16 800 francs sans considérer les diverses primes portant le revenu mensuel de M. X... à la somme de 20 455 francs, le juge d'appel a violé l'article L 122-14-4 du Code du travail ;

Mais attendu que la cour d'appel a fixé le salaire servant de base au calcul de l'indemnité prévue par l'article L 122-14-4 du Code du travail par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande en indemnisation pour licenciement abusif, alors, selon le moyen :

1 / qu'un lien de causalité direct existe entre un fait et un préjudice en dépit de l'interposition d'un autre fait lorsque celui-ci résulte directement du premier ; que M. X... prouvait être atteint de dépression réactionnelle à son licenciement et aux conditions humiliantes et vexatoires dans lesquelles il y a été procédé (poursuites pénales pour faux, usage de faux, escroquerie et abus de confiance ; plainte avec constitution de partie civile pour fraude électorale en matière prud'homale) ; qu'il précisait avoir été placé en invalidité 2ème catégorie en raison de la persistance de son état dépressif ; que le juge a contesté l'existence d'un lien de causalité direct entre l'attitude de la société Cophoc et l'impossibilité absolue dans laquelle se trouve M. X... de retrouver un emploi au motif que cette impossibilité résulte d'une décision de l'organisme de sécurité sociale - le placement en invalidité - ne pouvant être imputée à l'employeur ; qu'en statuant de la sorte sans chercher à apprécier le lien de causalité pouvant exister entre l'attitude de l'employeur, l'état dépressif et le placement en invalidité, le juge d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1151 et 1382 du Code civil ;

2 / que le juge doit répondre aux moyens pertinents produits par les parties ; que, sollicitant une indemnisation pour licenciement abusif, M. X... faisait état non seulement de l'impossibilité de retrouver un travail résultant de son état dépressif mais également de cet état lui-même constituant en soi un préjudice personnel ainsi que de l'impossibilité de demander sa réintégration ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur le lien pouvant exister entre l'attitude de l'employeur et ces préjudices spécifiques, le juge d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que la perte de chance constitue un préjudice réparable ;

que, décidant de débouter un demandeur en indemnisation invoquant ce préjudice spécifique, le juge du fond doit préciser en quoi la chance évoquée n'était pas sérieuse ; qu'en omettant d'apprécier le caractère sérieux des chances d'évolution professionnelle de M. X... et en se bornant à qualifier cette évolution d'hypothétique, le juge du fond a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a retenu que les préjudices spécifiques invoqués par le salarié n'avait pas pour cause le licenciement ;

Attendu, ensuite, que l'arrêt a relevé que le préjudice pour perte de chance n'était pas certain ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la somme de 890 400 francs allouée pour méconnaissance du statut protecteur doit produire intérêt à compter de sa notification, alors, selon le moyen, que consistant en un versement forfaitaire et préétabli du montant des rémunérations ayant du être versées jusqu'à la fin de la période de protection, l'indemnité pour sanction du statut protecteur préexiste en son principe et son montant à l'intervention du juge ; qu'elle produit en conséquence intérêts à compter de la demande en justice ; qu'en faisant courir les intérêts des sommes dues à M. X... à compter de la notification de l'arrêt, motif pris de la nature indemnitaire de ces sommes, le juge a violé l'article 1153 du Code civil par refus d'application et l'article 1153-1 du Code civile par fausse application ;

Mais attendu que les intérêts au taux légal de la somme due par l'employeur à titre de sanction de la méconnaissance du statut protecteur courent à compter de la décision qui prononce cette sanction ;

Sur le cinquième moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X... de sa demande en indemnisation pour non-respect par l'employeur de l'article 34 de la convention collective des équipements thermiques et pour manquement à l'obligation d'information et de conseil lors de la proposition d'adhésion à une assurance groupe ; alors, selon le moyen, que le juge doit motiver sa décision ; que M. X... faisait état de la violation par la société Cophoc de l'article 34 de la convention collective des équipements thermiques imposant à l'employeur de souscrire une assurance contre les risques de maladie, invalidité, décès afin de maintenir la garantie des rémunérations ainsi que leurs revalorisations ;

qu'il soulignait également l'absence de conseil et d'information lors de la proposition d'adhésion à l'assurance groupe censée assurer les salariés au titre de ces risques ; qu'en déboutant M. X... sans aucune justification, le juge a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il ressort du dossier de la procédure que la prétention du salarié visée au moyen ayant été rejetée par arrêt du 21 septembre 1996 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence passé en force de chose jugée, la cour d'appel n'avait pas à répondre à des conclusions sans influence sur la solution du litige ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le premier moyen du pourvoi du salarié n° A 02-40.603 :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt attaqué (cour d'appel de Nîmes, 5 avril 2001) d'avoir déclaré irrecevable sa requête en omission de statuer, alors, selon le moyen :

1 / que la demande en réparation pour licenciement effectué dans des conditions vexatoires diffère d'une demande en indemnisation des conséquences du licenciement telles que la difficulté de retrouver un emploi ou la perte de chance de réussite professionnelle ; qu'afin de nier l'omission de statuer s'agissant de la demande en réparation du préjudice moral résultant de la vexation d'avoir été suspecté à tort et d'avoir été pénalement poursuivi, le juge d'appel a considéré que l'ensemble des demandes en indemnisation sur le terrain de l'article 1382 du Code civil n'en constituaient qu'une seule constituée d'autant de moyens ; qu'en statuant de la sorte, le juge d'appel a méconnu la distinction entre la demande distincte et le moyen et violé l'article 463 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que devant le tribunal de grande instance puis la cour d'appel d'Aix-en-Provence, M. X... a réclamé et obtenu réparation du préjudice résultant du défaut de transmission de son dossier d'assurance par son employeur et, dès lors, de la non-perception de l'indemnisation de la compagnie d'assurances ; que, dans le cadre de l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 14 février 2000, M. X... a fait état d'une faute distincte consistant à ne pas l'avoir fait bénéficier d'une police d'assurance suffisante conformément aux prescriptions de l'article 34 de la convention collective appliquée et à ne pas l'avoir informé de ses droits en vertu de la police souscrite ; qu'en prenant acte de cette précédente instance devant le juge aixois, faisant soi-disant double emploi avec la nouvelle demande, afin d'écarter le grief d'omission de statuer, le juge d'appel a déduit un motif dépourvu de valeur et privé sa décision de base légale au regard de l'article 463 du nouveau Code de procédure civile ;

3 / que la requête en omission de statuer doit permettre d'apprécier l'attitude du juge face aux prétentions des parties ; que, tenue d'apprécier sa propre attitude face aux prétentions de M. X..., la cour d'appel de Nîmes, saisie d'un recours en omission de statuer, devait s'en tenir à cette appréciation sans considérer la question du quantum des dommages-intérêts évoqué dans la requête par rapport au quantum évoqué initialement ; qu'en se livrant à ce type de constat, le juge d'appel a déduit un motif dépourvu de valeur et privé sa décision de base légale au regard de l'article 463 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, que le rejet du cinquième moyen du pourvoi n° S 00-42.105 rend sans objet le moyen en sa deuxième branche ;

Attendu, ensuite, qu'il ressort des conclusions et du dossier de la procédure que le salarié n'ayant pas formé de demande relative à la réparation du préjudice qui serait résulté des conditions vexatoires du licenciement, il ne peut être fait grief à la cour d'appel de ne pas avoir statué sur une prétention qui n'était pas émise ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen du pourvoi n° A 02-40.603 :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. X... pour abus du droit d'ester, alors, selon le moyen :

1 / que ne peut être abusive l'action motivée par la confusion de deux notions de droit, techniques et affectées d'une polynésie à l'origine de débats doctrinaux ; qu'a supposer que la demande en réparation sur le terrain délictuel fut constituée de divers postes de préjudice, chacun donnant lieu à la production d'un moyen, l'abus ne peut être déduit de la confusion entre les notions de moyen n'ayant pas reçu réponse et de demande ayant été purement et simplement ignorée ; qu'en l'admettant, le juge d'appel a ignoré la théorie de l'abus de droit et a violé l'article 32-1 du nouveau Code de procédure civile ;

2 / que le juge du fond doit déduire la dégénérescence du droit d'ester en abus d'éléments de fait pertinents ; que la demande formulée devant le juge aixois ayant pour objet de réparer le préjudice résultant d'un défaut de transmission du dossier d'assurance par l'employeur, et la demande formulée devant le juge nimois ayant pour objet de réparer le préjudice subi du fait du défaut de souscription d'une police suffisante eu égard aux dispositions de l'article 34 de la convention collective, il ne peut être fait état d'une "multiplication des procédures ayant le même objet" (arrêt p. 4 premier alinéa) ; que procédant à ce type de constatations de fait, le juge d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 32-1 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en relevant que la requête tendait à obtenir la condamnation de la partie adverse sur le fondement d'une demande ayant le même objet déjà tranché définitivement par d'autres juridictions, la cour d'appel a caractérisé une faute constitutive de l'abus du droit d'ester en justice ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Shell direct ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 00-42105
Date de la décision : 02/07/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes (chambres réunies), 14 février 2000


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 jui. 2003, pourvoi n°00-42105


Composition du Tribunal
Président : Président : M. CHAGNY conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:00.42105
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