AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre juin deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle GHESTIN, de la société civile professionnelle BOUTET, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DAVENAS ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Pierre,
contre l'arrêt de la cour d'appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 27 juin 2002, qui, dans la procédure suivie contre lui pour violences, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1382 du Code civil, L. 376-1 du Code de la sécurité sociale, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Pierre X... à payer à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme la somme de 114 287, 08 francs ;
"aux motifs que le jugement du 31 mars 1995 a reçu l'intervention de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme et a sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise ; que contrairement à ce que soutient l'appelant, la mesure d'expertise n'avait pas pour but de déterminer le montant de la créance de la Caisse mais de permettre l'évaluation du préjudice de la partie civile ; que la Caisse Primaire tire de l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale la possibilité de poursuivre contre le tiers responsable le remboursement des prestations mises à sa charge, qu'une expertise ait ou non été diligentée ; que la Caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme justifie par la production d'un relevé de débours d'une créance de 17 424,47 euros qui a été retenue à juste titre par les premiers juges (arrêt attaqué p. 3, alinéas 10, 11, p. 4, alinéa 1) ;
"1 ) alors que le recours des caisses de sécurité sociale contre le tiers responsable s'exerce dans la limite de l'indemnisation mise à sa charge ; qu'en s'abstenant de fixer le montant du préjudice subi par la victime la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de vérifier si le montant de la condamnation prononcée au profit de la Caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme restait dans la limite de l'indemnité soumise à recours et n'a donc pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés ;
"2 ) alors que le tiers responsable d'une infraction ne peut être condamné à réparation que dans la limite du préjudice en résultant ; qu'en omettant de rechercher quelles avaient été les conséquences envers M. Y... des violences imputées à Pierre X... et pour lesquelles il avait été définitivement condamné par le jugement du tribunal correctionnel de Valence du 31 mars 1995 statuant sur l'action publique, la cour d'appel n'a pas caractérisé le lien de causalité entre les faits reprochés et le préjudice invoqué par la Caisse primaire d'assurance maladie constitué par les prestations servies à la victime, en violation des textes susvisés ;
"3 ) alors que Pierre X... avait soutenu dans ses conclusions d'appel que la Caisse primaire d'assurance maladie ne justifiait pas de sa créance en ce que rien ne permettait d'établir le lien indiscutable entre les frais dont elle réclamait le remboursement et les faits qui étaient imputés à Pierre X... ; qu'en s'abstenant de vérifier si le montant de la créance invoquée par la Caisse primaire d'assurance maladie correspondait réellement à des prestations servies au titre de l'accident de M. Y..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
"4 ) alors que la créance de la Caisse primaire d'assurance maladie est incluse dans le préjudice global de la partie civile ; que l'expertise qui avait été ordonnée par le jugement du 31 mars 1995 avait pour objet de déterminer toutes les conséquences au plan médical de l'infraction ; que l'expert avait notamment pour mission de décrire les lésions, leur évolution et les traitements appliqués, préciser si ces lésions étaient bien en relation de causalité avec l'accident, déterminer la durée de l'incapacité temporaire totale, la date de consolidation des blessures et l'aptitude de la victime à reprendre son activité antérieure, c'est à dire en définitive de déterminer les éléments de faits permettant aussi bien d'évaluer le préjudice personnel que le préjudice soumis au recours des Caisses ; qu'en affirmant néanmoins que cette mesure d'expertise n'avait pas pour but de déterminer le montant de la créance de la Caisse mais de permettre d'évaluer le préjudice de la partie civile, la cour d'appel a entaché son arrêt d'une contradiction de motifs en violation des textes susvisés ;
"5 ) alors qu'il appartient aux Caisses de sécurité sociale d'établir que les dépenses qu'elles ont exposées sont bien une conséquence de l'accident ; qu'en énonçant que la Caisse primaire d'assurance maladie justifie sa créance par la seule production de son relevé de débours qui était contesté par Pierre X..., la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure, que la Caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, partie intervenante, a cité Pierre X... devant le tribunal correctionnel pour obtenir le remboursement des frais d'hospitalisation et des indemnités journalières consécutifs aux violences commises sur la personne d'Ahmed Y... dont il avait été déclaré entièrement responsable par jugement du 31 mars 1995 ;
Que Pierre X... a soutenu pour sa défense que, l'expertise du dommage corporel ordonnée par le tribunal n'ayant pu être effectuée en raison de la carence de la partie civile, qui n'a ni consigné la provision sur frais d'expert ni repris son action, la demande de la Caisse, faute de pouvoir être justifiée, était irrecevable ;
Attendu que, pour écarter cette argumentation et condamner Pierre X... à rembourser la totalité de sa créance à la Caisse primaire d'assurance maladie, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que cet organisme social justifie par la production d'un relevé de débours du montant de ses prestations au titre des frais hospitaliers et des pertes de revenu causés par l'atteinte à l'intégrité physique de la victime ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et dès lors que l'inaction de la partie civile l'empêchait de fixer en tous ses éléments le préjudice soumis à recours, au-delà des prestations servies par la Caisse, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Blondet conseiller rapporteur, MM. Farge, Palisse, Le Corroller conseillers de la chambre, Mmes Agostini, Beaudonnet, Gailly, Salmeron conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Davenas ;
Greffier de chambre : Mme Lambert ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;