AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 20 mars 2001), que la société Le Parc Masson a entrepris en 1970, avec le concours financier de la Banque de Suez (la banque), la construction d'un immeuble en vue de sa vente par lots en l'état futur d'achèvement ; qu'en raison de l'interruption des travaux, les propriétaires des lots déjà vendus ont, au cours d'une assemblée générale du 8 juin 1971, à laquelle n'avait pas été convoquée la société Le Parc Masson , propriétaire de lots invendus, décidé de régler la totalité des sommes restant dues au titre de leurs acquisitions entre les mains de la banque qui s'engageait à affecter ces fonds au paiement des entreprises intervenantes et à la poursuite des travaux ; qu'une convention a été signée en ce sens le 9 juin 1971 entre la banque, les entreprises et le conseil syndical des copropriétaires représenté par son président et par le syndic, M. X... ; qu'après de nombreuses procédures l'ayant opposé à la banque, aux entreprises
et au syndicat, notamment pour le paiement de charges, la société Le Parc Masson a, par acte du 14 avril 1993, assigné le syndicat des copropriétaires et le syndic, M. X... , en annulation de toutes les décisions des assemblées générales depuis celle du 8 juin 1971, comme ayant été prises en l'absence de sa convocation, et en réparation de son préjudice matériel et moral pour avoir été évincée à partir de 1971 de l'opération de promotion immobilière et avoir souffert de l'inachèvement des travaux dans les lots dont elle était restée propriétaire ; qu'elle a, en appel, demandé la restitution du montant des charges qu'elle avait été contrainte de payer en vertu de décisions d'assemblées générales nulles ;
Attendu que la société Le Parc Masson fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'action en nullité des assemblées générales antérieures au 14 avril 1983, alors, selon le moyen :
1 ) que le délai de dix ans de l'article 42, alinéa 1er, ne s'applique pas à l'action d'un copropriétaire en annulation d'une décision de l'assemblée générale, même si faute de convocation de ce copropriétaire à l'assemblée générale dont il demande la nullité, le délai de deux mois de l'article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 ne lui est pas opposable ; qu'ainsi, l'arrêt attaqué a violé les articles 42, alinéa 1er, 42, alinéa 2, et 7 du décret du 17 mars 1967 ;
2 ) qu'aucune prescription ne peut être opposée à une action en annulation de décisions frauduleuses et partant en réalité inexistantes de l'assemblée générale prises au mépris de règles d'ordre public, sans convocation de la société Le Parc Masson et sans notification à cette dernière du procès-verbal, dans le but de lui cacher les manoeuvres du syndicat des copropriétaires tendant à l'évincer de l'opération de construction de l'immeuble et de l'écarter des décisions prises en ce sens par ces assemblées ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé l'adage selon lequel "la fraude corrompt tout" et les articles 42 et 43 de la loi du 10 juillet 1965 ;
3 ) que les délais pour contester la décision de l'assemblée générale ne peuvent courir, contre le copropriétaire qui n'a pas été convoqué à cette assemblée, que du jour de la notification qui lui est faite de cette décision ; qu'en statuant ainsi, sans contester que les décisions dont l'annulation était demandée n'ont jamais été notifiées à la société Le Parc Masson qui n'avait pas non plus été convoquée, la cour d'appel a violé les articles 42 de la loi du 10 juillet 1965 et 18 du décret du 17 mars 1967 ;
Mais attendu qu'ayant retenu que les actions personnelles nées de l'application de la loi du 10 juillet 1965 entre un copropriétaire et le syndicat se prescrivaient par un délai de dix ans et relevé que l'action tendant à voir sanctionner le défaut de convocation d'un copropriétaire à une assemblée générale bénéficiait de ce délai, la cour d'appel, qui a écarté à bon droit la prétention de la société à bénéficier du délai trentenaire de prescription et même de l'imprescriptibilité de son action et, qui n'a pas retenu l'existence des manoeuvres frauduleuses alléguées, en a exactement déduit que, eu égard à la date de l'assignation, l'action engagée par la société Le Parc Masson était couverte par la prescription pour les assemblées générales antérieures au 14 avril 1983 ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que la société Le Parc Masson admettait avoir été régulièrement convoquée à l'assemblée générale du 18 mai 1989 et faute d'avoir constaté que la convocation à cette assemblée, à laquelle cette société avait participé, avait été contestée dans le délai légal, la cour d'appel, qui a retenu que le syndic avait été régulièrement désigné par cette assemblée, en a déduit que les convocations aux assemblées générales postérieures étaient elles-mêmes régulières ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que la somme dont la restitution était demandée correspondait pour partie à des charges au paiement desquelles la société Le Parc Masson avait été condamnée par deux jugements des 17 mars 1987 et 21 janvier 1992, et pour partie à des charges afférentes à des exercices antérieurs ou postérieurs à ceux concernés par ces jugements, la cour d'appel, qui a retenu que ces jugements étaient irrévocables et qui a débouté la société de sa demande tendant à leur annulation, a tiré les conséquences légales des décisions intervenues et a, pour le surplus, légalement justifié son débouté en retenant que les autres charges correspondaient à des exercices dont les comptes avaient été approuvés par des assemblées générales qui n'avaient pas été annulées ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le quatrième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que le chantier de construction de l'immeuble avait été abandonné en mai 1971 par les entreprises, que la banque avait décidé le 11 mai 1971 de reprendre à sa charge la terminaison de l'immeuble et en avait informé les copropriétaires et que la convention du 9 juin 1971 avait été signée entre la banque, les entreprises et le conseil syndical, la cour d'appel a pu retenir que c'était la banque qui s'était instituée gérante de fait de la poursuite de l'opération de promotion immobilière et, que le syndicat, qui n'était pas débiteur du prix de vente des appartements, ne pouvait que prendre acte de la situation dont il n'était pas l'initiateur et qu'il ne pouvait lui être fait reproche de s'être emparé de l'opération et d'avoir contribué au prétendu préjudice de la société Le Parc Masson ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le cinquième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant constaté que la convention du 9 juin 1971 avait été conclue avec le conseil syndical, ce dont il résultait que la signature de M. X... , qui n'en est pas le représentant, était inopérante et relevé que le grief susceptible d'être seul retenu contre le syndic résidait dans l'absence de convocations adressées à la société Le Parc Masson , copropriétaire, pour les assemblées générales tenues jusqu'à celle du 5 mai 1988 et à l'absence de notification à ce copropriétaire des procès-verbaux correspondants et que cette faute avait été la cause des annulations des assemblées générales tenues entre le 2 mai 1983 et le 5 mai 1988, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes et qui a retenu que les assemblées annulées étaient sans lien avec l'indisponibilité des appartements de la société Le Parc Masson , laquelle résultait d'un contentieux l'ayant opposé aux consorts Masson ou encore de ventes consenties à tort par la banque sur des appartements de la société, en a souverainement déduit que l'annulation des assemblées générales était sans effet sur le préjudice invoqué par cette société tant en sa qualité de promoteur-vendeur que celle de copropriétaire et sur le préjudice moral allégué ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le sixième moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé par motifs adoptés que la société Le Parc Masson ne démontrait pas avoir été en mesure en mai 1971 de poursuivre normalement la construction de l'immeuble et ne rapportait pas la preuve d'un manque à gagner, qu'elle avait finalement pu vendre ses lots dans des conditions favorables, la cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve et sans être tenue de répondre à des conclusions inopérantes, a souverainement déduit de ses constatations que la société Le Parc Masson ne rapportait la preuve d'aucun préjudice subi ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Le Parc Masson aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Le Parc Masson à payer, d'une part, au syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Parc Masson la somme de 1 900 euros et, d'autre part, à M. X... la somme de 1 900 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille trois.