AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que Mme Colette X..., négociatrice en location à la société Gillet-Ciaponi, a été licenciée pour motif économique le 5 avril 1996 ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Caen, 18 septembre 2000) d'avoir alloué à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1 / que pour démontrer qu'elle avait procédé à une réorganisation en vue de sauvegarder sa compétitivité, la société Gillet-Ciaponi faisait valoir dans ses conclusions et par ses pièces versées aux débats que cette restructuration s'avérait nécessaire compte tenu de la morosité du marché immobilier concernant les transactions immobilières, de la récession qui touchait le secteur économique des agences immobilières en 1995 et 1996, de la dégradation sensible de ses résultats depuis 1995 et du nombre important de création de fonds de commerce d'agence immobilière sur la ville de Caen ; qu'en décidant cependant que la société n'établissait pas que la suppression du poste de Mme X... était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise sans prendre en considération les moyens et les offres de preuves de la société de nature à démontrer la nécessité de sauvegarder sa compétitivité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-1 du Code du travail ;
2 / que la cause économique du licenciement s'apprécie à la date de la rupture ; qu'en l'espèce, pour déclarer, sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme X..., les juges d'appel ont relevé qu'une menace sur la compétitivité de l'entreprise était d'autant plus douteuse que, peu après le licenciement de l'intéressé, un négociateur vente était embauché ; qu'en prenant ainsi en considération des événements survenus postérieurement à la rupture, la cour a violé les articles L. 321-1 et L. 122-14-3 du Code du travail ;
Mais attendu que répondant aux conclusions et appréciant les élements de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, à qui il appartenait à vérifier le caractère sérieux du motif économique allégué, a estimé que la restructuration opérée n'était pas nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ; que par ce seul motif elle a légalement justifié sa décision, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche du moyen ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir alloué à Mme X... des dommages-intérêts pour violation de la priorité de réembauchage, alors, selon le moyen :
1 / que pour démontrer que le poste de négociateur en transaction immobilière était incompatible avec la qualification de Mme X..., la société Gillet-Ciaponi faisait valoir dans ses conclusions qu'elle n'avait pas les compétences techniques de la personne embauchée puisque ses fonctions s'étaient toujours limitées à la visite des appartements à louer et à l'établissement des états des lieux d'entrée et de sortie des locations ; qu'en décidant cependant que la société n'établissait pas que l'emploi créé de négociateur des ventes était incompatible avec sa qualification, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 321-14 du Code du travail ;
2 / que si l'article L. 321-14 du Code du travail prévoit que l'employeur doit, dans le cadre de la priorité de réembauchage, proposer au salarié un emploi disponible compatible avec sa qualification ; il ne prévoit nullement l'obligation pour l'employeur d'assurer l'adaptation du salarié à un emploi incompatible avec sa qualification ; qu'en reprochant néanmoins à la société Gillet-Ciaponi d'avoir violé la priorité de réembauche en ne démontrant pas en quoi l'adaptation de la salariée à la spécificité d'un nouvel emploi ait constitué une charge excessive pour l'entreprise, la cour d'appel a ajouté à la loi et violé l'article précité ;
Mais attendu que la cour d'appel a estimé qu'il n'était pas établi que l'emploi de négociateur des ventes créé ait été incompatible avec la qualification de la salariée, que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Gillet-Ciaponi aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit juin deux mille trois.