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11/06/2003 | FRANCE | N°02-83576

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 juin 2003, 02-83576


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze juin deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Mahdid,

- L'ASSOCIATION DES PARENTS ET AMIS DES VICTIMES DU CRASH D'IVATO (APAVI),

parties civiles,

contre l'arrÃ

ªt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de SAINT- DENIS DE LA REUNION, en date du 23...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze juin deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller BLONDET, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Mahdid,

- L'ASSOCIATION DES PARENTS ET AMIS DES VICTIMES DU CRASH D'IVATO (APAVI),

parties civiles,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de SAINT- DENIS DE LA REUNION, en date du 23 avril 2002, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée du chef d'homicides involontaires, a prononcé sur la demande d'annulation de pièces formée par le juge d'instruction ;

Vu le mémoire produit ;

Vu l'article 575, alinéa 2, 3 du Code de procédure pénale ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 113-6, 113-7, 113-8, 221-6 du Code pénal, de la saisine in rem des juridictions d'instruction, des articles 689, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a annulé le réquisitoire introductif et les pièces subséquentes à l'exception des pièces relatives à sa saisine ;

"aux motifs que par lettre datée du 13 septembre Mahdid X... se constituait partie civile contre X à la suite d'un accident d'avion survenu le 18 juillet 1995 à proximité de Tannanarive (Madagascar), et ce du chef d'homicide involontaire ;

qu'au cours de cet accident survenu à bord d'un aéronef malgache piloté par des navigants malgaches, 36 personnes trouvaient la mort ; que la commission d'enquête Malgache indiquait que l'accident était dû à une perte de contrôle pendant l'approche finale par suite d'un arrêt du moteur gauche à basse vitesse par panne sèche, alors que l'avion avait un centrage fortement arrière ; qu'il résulte des dispositions de l'article 113-8 du Code pénal que la poursuite des délits commis à l'étranger ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public ; qu'en l'espèce, la poursuite a été engagée sur plainte avec constitution de partie civile du chef d'homicide involontaire d'un particulier, puis sur plainte avec constitution de partie civile d'autres parents de victimes et ensuite d'une association ; que les réquisitoires introductif et supplétif des 28 octobre 1997 et 13 janvier 1998 ne constituent pas la requête du ministère public prévue par l'article 113-8 du Code pénal et ne répondent pas aux exigences légales de ce texte ; qu'un réquisitoire supplétif ne saurait valider une information irrégulièrement ouverte ;

qu'il y a lieu en conséquence d'annuler la procédure à compter du réquisitoire introductif du 28 octobre 1997 ;

"et aux motifs que le délit dont s'agit a bien été commis à l'étranger et qu'on ne saurait raisonnablement soutenir en fait qu'un des éléments constitutifs de l'infraction a eu lieu sur le territoire français, alors qu'aucun indice sérieux ne permet de penser que l'organisateur du transport n'a commis une négligence ou une imprudence soit dans le choix de l'avion, soit dans sa surcharge dans le cadre de l'organisation de la mission humanitaire dont hélas un grand nombre de participants a péri lors de l'accident ;

"alors que, d'une part, selon l'article 113-8 du Code pénal, la poursuite des délits visés aux articles précédents (113-6 et 113-7), ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public, et doit être précédée d'une plainte de la victime, ce dont il résulte que les victimes ne pouvant déclencher l'action publique par voie de citation directe ou de plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction, le ministère public dispose pleinement, sans avoir à présenter de requête particulière, du monopole des poursuites dont l'exercice est cependant subordonné à une plainte préalable de la victime ; qu'en l'espèce, le procureur de la République, saisi de la plainte de Mahdid X... a montré son intention de poursuivre en requérant l'ouverture d'une information de sorte que la chambre de l'instruction qui, au terme d'une lecture partielle de l'article qu'elle a visé, pour annuler le réquisitoire introductif et les pièces subséquentes et mettre ainsi un terme à l'instruction, a énoncé que les poursuites avaient été engagées sur plainte avec constitution de partie civile et que ce réquisitoire ne constituait pas la requête prévue à l'article 113-8, s'abstenant de rechercher ainsi qu'elle en était requise, si la plainte de Mahdid X... adressée au ministère public, même assortie de l'intention de se constituer partie civile, ne devait pas être considérée comme une plainte simple au regard de la régularité de la procédure, a violé l'article 113-8 du Code pénal et entaché sa décision d'un défaut de

réponse à conclusions et d'un refus d'informer ;

"alors que, d'autre part, les demandeurs rappelaient dans leurs écritures que l'article 113-8 s'appliquant aux seuls délits commis intégralement à l'étranger, à l'exclusion des crimes et des délits commis en partie sur le territoire Français, l'information en cours avait notamment pour objet de déterminer si certains faits susceptibles de constituer des infractions d'imprudence n'avaient pas eu lieu sur le territoire français ce qui aurait eu pour effet d'exclure l'application de 113-8 ; qu'en l'espèce, et en l'état des carences de l'information mises en évidence par le mémoire des demandeurs qui commandaient que les investigations soient poursuivies, la chambre de l'instruction qui pour affirmer que le délit avait bien été commis à l'étranger a énoncé qu'aucun indice sérieux ne permettait d'imputer à l'organisateur du transport une négligence ou imprudence, a méconnu le principe de la saisine in rem des juridictions d'instruction et entaché sa décision d'un défaut de réponse à une argumentation essentielle des demandeurs" ;

Vu l'article 113-8 du Code pénal ;

Attendu que, selon ce texte, en cas de délit commis à l'étranger contre un français, la poursuite ne peut être intentée qu'à la requête du ministère public et doit être précédée d'une plainte de la victime ou de ses ayants droit ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait a été commis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 18 juillet 1995, un avion de type DC 3 appartenant à l'armée de l'air malgache et affrété par la société de droit français Fibasom, sponsor de l'Association sanitaire malgache (ASK), ayant son siège à Saint-Denis de la Réunion, s'est écrasé au sol à proximité de la base aérienne d'Ivato, près de Tananarive (Madagascar), à l'issue d'une mission humanitaire d'aide médico-chirurgicale et dentaire exécutée dans la région de Maintirano (Madagascar) ; que trente-six personnes ont trouvé la mort ; que vingt d'entre elles étaient de nationalité française;

Attendu que, par lettre au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Saint-Denis de la Réunion en date du 13 septembre 1997, Mahdid X... a déclaré porter plainte et se constituer partie civile contre personne non dénommée pour obtenir réparation des conséquences des infractions susceptibles d'avoir causé le décès de son épouse, née Marie-Angèle Y..., infirmière de nationalité française, victime de l'accident ; que le procureur de la République a communiqué la plainte au juge d'instruction et, après versement de la consignation fixée par ce magistrat, a requis, le 28 octobre 1997, l'ouverture d'une information, qui a été étendue par réquisitoire supplétif du 13 janvier 1998 aux faits dénoncés par les ayants droit d'autres victimes françaises de l'accident ;

Que, par lettre du 17 juin 1998, l'APAVI, association agréée par arrêté du ministre de la justice pour exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne cet accident, s'est constituée partie civile par voie d'intervention ;

Attendu qu'après l'exécution de plusieurs actes d'information, le juge d'instruction a, par ordonnance du 5 mars 2002, saisi la chambre de l'instruction aux fins d'annulation du réquisitoire introductif et de la procédure subséquente, au motif que la poursuite des délits, susceptibles d'avoir été commis par des français ou par des étrangers hors du territoire de la République, avait été exercée non pas à la requête du ministère public, comme le prévoit l'article 113-8 du Code pénal, mais sur plainte avec constitution de partie civile ;

Attendu que, pour faire droit à cette demande et prononcer l'annulation du réquisitoire introductif d'instance et de la procédure subséquente, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que le procureur de la République a requis l'ouverture de l'information, puis son extension à d'autres faits, à la suite de plaintes des victimes qui n'avaient pu mettre en mouvement l'action publique, la chambre de l'instruction a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion en date du 23 avril 2002 ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE le retour du dossier au juge d'instruction aux fins de poursuite de l'information ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Blondet conseiller rapporteur, MM. Roman, Farge, Palisse, Le Corroller conseillers de la chambre, Mmes Agostini, Beaudonnet, Gailly, Salmeron conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-83576
Date de la décision : 11/06/2003
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CRIMES ET DELITS COMMIS A L'ETRANGER - Délit - Délit commis contre un particulier - Action publique - Mise en mouvement - Conditions.

ACTION PUBLIQUE - Mise en mouvement - Délit commis à l'étranger - Conditions

CRIMES ET DELITS COMMIS A L'ETRANGER - Action publique - Mise en mouvement - Conditions

LOIS ET REGLEMENTS - Application dans l'espace - Infraction commise hors du territoire de la République - Délit - Délit commis contre un particulier - Action publique - Mise en mouvement - Conditions

Aux termes de l'article 113-8 du Code pénal, en cas de délit commis à l'étranger contre un particulier, la poursuite ne peut être intentée qu'à la requête du ministère public et doit être précédée d'une plainte de la victime ou de ses ayants droit ou d'une dénonciation officielle par l'autorité du pays où le fait a été commis. Lorsque le procureur de la République a requis l'ouverture de l'information, puis son extension à d'autres faits, à la suite de plaintes des victimes ou de leurs ayants droit qui n'avaient pu mettre en mouvement l'action publique, la poursuite est régulièrement engagée (1).


Références :

Code pénal 113-8

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre de l'instruction), 23 avril 2002

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 1996-01-04, Bulletin criminel 1996, n° 4, p. 6 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jui. 2003, pourvoi n°02-83576, Bull. crim. criminel 2003 N° 119 p. 455
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2003 N° 119 p. 455

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : Mme Commaret
Rapporteur ?: M. Blondet
Avocat(s) : la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.83576
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