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11/06/2003 | FRANCE | N°02-82622

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 juin 2003, 02-82622


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze juin deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GAILLY, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, et de Me ODENT, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Louis ,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 19 m

ars 2002, qui, notamment, pour homicide et blessures involontaires, l'a condamné à 15 0...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze juin deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire GAILLY, les observations de la société civile professionnelle BORE, XAVIER et BORE, et de Me ODENT, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Jean-Louis ,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 19 mars 2002, qui, notamment, pour homicide et blessures involontaires, l'a condamné à 15 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire et les observations en défense produits ;

Sur les observations :

Attendu qu'Auguste Macieira ayant été définitivement relaxé par les dispositions de l'arrêt non frappées de pourvoi, les observations en défense produites par Me Odent ne sont pas recevables ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3, 221-6 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Louis X... coupable d'homicide et de blessures involontaires ;

"aux motifs adoptés qu'il n'est pas démontré en l'espèce, que Jean-Louis X..., en sa qualité de Maire ait violé de façon manifestement délibérée, l'obligation à lui imposée par l'article 53 du décret du 14 novembre 1988, de faire procéder, lors de leur mise en service et à chaque remontage, par une personne qualifiée, à la vérification du coffret installé sur le podium, et de son branchement au réseau, dans la mesure où l'intéressé affirme et ce, de manière tout à fait crédible, qu'il ignorait ce texte ; que toutefois il appartient au Maire d'une commune de s'enquérir des règles de sécurité applicables et de veiller à leur respect, cette mission entrant dans les devoirs les plus élémentaires résultant du mandat dont le Maire est investi ; qu'en s'abstenant de faire procéder à une quelconque vérification de l'installation électrique, voire même de se préoccuper de la conformité de cette installation aux normes de sécurité, Jean-Louis X... a commis une faute caractérisée, mettant en oeuvre sa responsabilité pénale ;

"et aux motifs propres que, maire depuis 1983 de la commune de Y... il aurait dû se préoccuper de la vérification des installations électriques de sa commune ; que pendant cette même période de 18 ans il ne s'est jamais préoccupé, alors que chaque année il organisait une fête, des conditions de la sécurité à observer lors de manifestations sur la voie publique dont il autorisait formellement la tenue en sa qualité de maire ; que maire d'une commune de 870 habitants n'ayant que 4 employés communaux, Jean-Louis X... se doit d'être d'autant plus présent que sa commune est plus petite ; qu'en délégant comme il le précise l'organisation des manifestations festives au comité des fêtes à qui la commune verse des subventions, il s'est complètement désintéressé de l'organisation de ces manifestations et des termes des contrats signés par le comité des fêtes ; que Jean-Louis X... ne s'est même pas fait présenter les contrats signés le 5 janvier 1988 par Mme Z... agissant en qualité de Présidente du Comité des fêtes ; que ces contrats exigeaient des précautions précises en la matière non respectées par le comité des fêtes de Y... ni par Jean-Louis X... qui l'avait mandaté ; que Jean-Louis X... était présent sur les lieux le soir des faits mais n'a pas remarqué le coffret rénové par Auguste A... attaché avec des fils électriques à la scène ; que la séance de mousse qui peut être qualifiée d'intempérie volontaire" devait attirer son attention alors que l'humidité ainsi créée se déposait sur des barrières métalliques garnies d'appareils électriques fonctionnant en courant triphasé ; que les considérations sur le lien de causalité avec le dommage sont les mêmes que celles exposées pour Auguste A... ; qu'ainsi Jean-Louis X... a commis une faute caractérisée (désintérêt total et absence de contrôle quant à l'organisation d'une manifestation qu'il a formellement autorisée et pour laquelle il a mandaté le comité des fêtes) qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité (la mort par électrocution ou des blessures graves à partir d'un podium et d'un coffret électrique propriétés de la commune) qu'il ne pouvait ignorer (dès lors que les précautions à prendre en matière de sécurité électrique avaient été déterminées à l'avance par les contrats signés par Mme Z... représentant le Comité des fêtes émanation de la commune) ;

"1 ) alors que, toute infraction doit être définie en des termes clairs et non équivoques permettant au prévenu de connaître la nature et la cause de l'accusation portée contre lui ; que l'article 121-3 du Code pénal en ce qu'il envisage une "faute caractérisée" sans autre précision ne répond pas à cette exigence et ne saurait servir de base aux poursuites du chef d'homicide involontaire ;

qu'en décidant le contraire la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"2 ) alors que, en décidant d'une part qu'il n'était pas établi que Jean-Louis X... ait violé de façon manifestement délibérée l'obligation à lui imposée de faire procéder lors de leur mise en service et à chaque remontage par une personne qualifiée, à la vérification du coffret installé sur le podium, d'où il suit que sa responsabilité pénale ne pouvait être engagée de ce chef mais en décidant d'autre part qu'en s'abstenant de procéder à ces vérifications de l'installation électrique, Jean-Louis X... avait commis une faute caractérisée mettant en oeuvre sa responsabilité pénale, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé les textes susvisés ;

"3 ) alors que, ne saurait constituer une faute caractérisée pénalement répréhensible le fait pour un maire d'avoir délégué l'organisation de manifestations locales au Comité des fêtes ; qu'en décidant que Jean-Louis X... avait commis une faute caractérisée en se désintéressant de l'organisation des manifestations de sa commune et en s'abstenant de contrôler cette organisation déléguée au Comité des fêtes, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"4 ) alors que, en affirmant que Jean-Louis X... aurait, en s'abstenant de contrôler l'organisation d'une manifestation qu'il avait autorisée et pour laquelle il avait mandaté le comité des fêtes, exposé autrui à un risque d'une particulière gravité, la mort par électrocution, qu'il ne pouvait ignorer, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Yoann B... a été tué et Nicolas C... et Marc D... ont été blessés par électrocution, après être entrés en contact avec les barrières métalliques délimitant la piste d'un bal "disco", avec projection de mousse, organisé par le comité des fêtes de la commune de Y... ; que le fait générateur de l'accident provenait d'un défaut d'isolement du matériel de sonorisation non relié à la terre et branché en amont du disjoncteur différentiel par la société chargée de la sonorisation, ainsi que du défaut de la mise à la terre des éléments conducteurs du podium, installé par la municipalité ;

Attendu que, pour déclarer Jean-Louis X..., maire de Y..., coupable d'homicide et blessures involontaires, l'arrêt attaqué retient, par motifs propres et adoptés, que s'il ne pouvait lui être reproché d'avoir violé, de façon manifestement délibérée, une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, il aurait du se préoccuper de la vérification des installations électriques et des prescriptions à observer lors de manifestations sur la voie publique ;

que les juges ajoutent qu'en se désintéressant de l'organisation de la manifestation, confiée au comité des fêtes, qui a signé les contrats définissant les obligations à la charge de la commune quant à l'équipement électrique mis à la disposition des intervenants, et en s'abstenant de vérifier ou faire vérifier le respect des règles de sécurité, il a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de son appréciation souveraine, d'où il résulte que le prévenu n'a pas accompli les diligences normales qui lui incombaient, compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait, ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie, la cour d'appel a justifié sa décision au regard des dispositions, non contraires à l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 121-3, 221-6 et 222-19 du Code pénal et de l'article L. 2123-34 du Code général des collectivités territoriales ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Gailly conseiller rapporteur, MM. Roman, Farge, Blondet, Palisse, Le Corroller conseillers de la chambre, Mmes Agostini, Beaudonnet, Salmeron conseillers référendaires ;

Avocat général : Mme Commaret ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-82622
Date de la décision : 11/06/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

RESPONSABILITE PENALE - Homicide et blessures involontaires - Faute - Faute caractérisée - Applications diverses - Maire.

HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Faute - Faute caractérisée - Applications diverses - Maire

MAIRE - Homicide et blessures involontaires - Faute - Faute caractérisée - Applications diverses

Justifie sa décision au regard de l'article 121-3 du Code pénal la cour d'appel qui, pour déclarer un maire coupable d'homicide et de blessures involontaires au préjudice de trois personnes électrocutées, au cours du bal, avec projection de mousse, de la commune, au contact des rambardes métalliques du podium non relié à la terre mis par celle-ci à la disposition de l'entreprise de sonorisation, retient qu'en se désintéressant de l'organisation de cette manifestation après l'avoir confiée au comité des fêtes et en s'abstenant de vérifier ou de faire vérifier le respect des règles de sécurité, le prévenu a commis une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer (1).


Références :

Code pénal 121-3, 221-6

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier (chambre correctionnelle), 19 mars 2002

CONFER : (1°). (1) A rapprocher : Chambre criminelle, 2002-06-18, Bulletin criminel 2002, n° 138, p. 506 (cassation)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 jui. 2003, pourvoi n°02-82622, Bull. crim. criminel 2003 N° 121 p. 461
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2003 N° 121 p. 461

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : Mme Commaret
Rapporteur ?: Mme Gailly
Avocat(s) : la SCP Boré, Xavier et Boré, M. Odent.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.82622
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