AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;
Attendu que la faute de la victime n'exonère totalement le gardien de sa responsabilité que si elle constitue un cas de force majeure ;
Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, que M. X..., attendant de nuit au sein d'un groupe de voyageurs l'autocar destiné à un voyage organisé par M. Y..., a pénétré dans les locaux de ce transporteur et s'est blessé en chutant dans une fosse de lavage ; qu'il a assigné M. Y... en réparation en présence de la Mutualité sociale agricole de Rodez ; qu'un jugement a déclaré M. Y... responsable sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil et l'a condamné à payer des indemnités à M. X... ;
Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes, l'arrêt retient que l'accident s'est produit à 4 heures 45 du matin, alors qu'il faisait nuit et que M. X... s'était écarté du groupe de voyageurs pour satisfaire un besoin naturel, ce qui l'avait amené à pénétrer sur l'emprise des Etablissements Y... ; qu'après avoir franchi depuis la voie publique une trentaine de mètres à l'intérieur de ces locaux, M. X... était tombé dans une fosse de lavage ; que même si les locaux, non clôturés, étaient donc accessibles depuis la voie publique, M. X... ne pouvait ignorer que pénétrer de nuit dans les locaux d'une entreprise de transports constituait en soi une faute et l'exposait à des risques eu égard à sa méconnaissance des lieux et à l'absence d'éclairage ; que la présence d'une fosse de lavage dans un garage d'autobus ne pouvait être considérée comme anormale ; qu'en définitive, l'accident était dû au seul comportement imprudent de M. X... que M. Y... n'avait pas eu les moyens de prévoir et auquel il n'avait pu en conséquence s'opposer ;
Qu'en statuant ainsi, tout en constatant que les locaux non éclairés de l'entreprise étaient accessibles de la voie publique, ce dont il résultait que le comportement même imprudent de la victime n'était ni imprévisible ni irrésistible pour le transporteur et ne pouvait exonérer ce dernier en totalité de sa responsabilité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 novembre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille trois.