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22/05/2003 | FRANCE | N°02-10367

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 22 mai 2003, 02-10367


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 8 octobre 2001), que des personnes non identifiées, s'étant introduites de nuit par effraction dans la propriété de la société Maisonneuve, ont maintenu ouvert un pistolet de distribution d'une cuve de gazole, laissant environ 16 000 litres de ce produit s'écouler sur le sol et se répandre dans une canalisation souterraine puis dans une rivière ; que la Compagnie générale des eaux (la CGE), devenue la société Vivendi, ayant pro

cédé à des travaux de remise en état et de dépollution, a assigné la sociét...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 8 octobre 2001), que des personnes non identifiées, s'étant introduites de nuit par effraction dans la propriété de la société Maisonneuve, ont maintenu ouvert un pistolet de distribution d'une cuve de gazole, laissant environ 16 000 litres de ce produit s'écouler sur le sol et se répandre dans une canalisation souterraine puis dans une rivière ; que la Compagnie générale des eaux (la CGE), devenue la société Vivendi, ayant procédé à des travaux de remise en état et de dépollution, a assigné la société Maisonneuve en réparation ; qu'un jugement l'a déboutée de sa demande ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Maisonneuve fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée, sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, à des dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1 / que l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, en ses dispositions relatives à la responsabilité du fait des choses dont on a la garde, est inapplicable au propriétaire d'une chose lorsque le dommage résulte de la commission, par un tiers, serait-ce au moyen de cette chose, d'une infraction pénale ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que le dommage dont il était demandé réparation en l'espèce résultait directement de l'introduction de nuit et par effraction, dans l'enceinte des Etablissements Maisonneuve, d'un groupe d'individus qui, après avoir cisaillé le grillage de clôture et brisé le pistolet de distribution équipant une citerne de gasoil, l'avait maintenu en position de fonctionnement à l'aide d'un morceau de tissu, afin que le carburant se déverse dans la Mayenne ; qu'en condamnant néanmoins la société Maisonneuve à réparer les conséquences directes de ces infractions volontaires, commises par des tiers, la cour d'appel a violé l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;

2 / que l'appropriation, même momentanée et le détournement de la chose d'autrui, sans le consentement et à l'insu de son propriétaire, dans le but de provoquer un dommage, emportent transfert de la garde de cette chose ; qu'il ressort des propres motifs de l'arrêt attaqué qu'un groupe d'individus s'était introduit par effraction, de nuit, dans l'enceinte des Etablissements Maisonneuve, en cisaillant le grillage de clôture, avait brisé le pistolet de distribution de carburant équipant une citerne de gasoil et l'avait maintenu en position de fonctionnement à l'aide d'un morceau de tissu, assurant ainsi le débit constant du gasoil et son débordement de la cuve de stockage afin qu'il se déverse dans la Mayenne, ce dont il résultait que le propriétaire du carburant ainsi usurpé avait été dépossédé de sa garde ; qu'en affirmant le contraire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;

Mais attendu que, sous le couvert du grief non fondé de violation de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de Cassation la valeur et la portée des éléments de preuve soumis au débat devant la cour d'appel, qui a pu en déduire que la société Maisonneuve avait conservé la garde du carburant dont elle était propriétaire, stocké dans l'enceinte de son entreprise sans mesures particulières de sécurité et de surveillance ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Maisonneuve fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à réparer le préjudice de la société Vivendi, alors, selon le moyen :

1 / que ni le fait de posséder des cuves de carburant, ni l'existence de pénurie de carburants dans un département, ne peuvent normalement conduire à prévoir le risque que des malfaiteurs s'introduisent frauduleusement, par effraction et de nuit, dans l'enceinte d'une entreprise implantée sur une commune rurale de quelques centaines d'habitants, dans le but de déverser dans une rivière le carburant possédé par cette société ; qu'en se déterminant au regard de ces circonstances inopérantes, sans relever que des événements identiques se seraient déjà produits ou que la société Maisonneuve aurait reçu des menaces particulières, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;

2 / que l'appréciation rétrospective des mesures de sécurité qui pouvaient être prises par le gardien afin de prévenir les effets dommageables d'une cause étrangère, ne peut se faire qu'au regard de la prévisibilité de cet événement ; que la société Maisonneuve rappelait, dans ses écritures d'appel, que l'accès à son entreprise était protégé par un grillage de clôture, que le pistolet de distribution du gasoil était équipé d'un cadenas, que la citerne était placée à l'intérieur d'un bac de rétention en béton de plus d'un mètre de haut afin de parer à d'éventuelles fuites, que le volucompteur de distribution était placé sur une dalle en béton destinée à récupérer de possibles débordements de carburant et que la plate-forme était protégée sur son périmètre par des canalisations de récupération ; qu'en se bornant à évoquer l'absence "de mesures de sécurité et de surveillance particulières mises en place pour prévenir le risque", sans relever précisément les mesures que la société Maisonneuve, ne pouvant raisonnablement prévoir les actes des malfaiteurs, aurait pu prendre, lors de la réalisation du dommage, afin d'empêcher néanmoins leurs effets, la cour d'appel a privé sa décision de base légale, en violation de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;

3 / que la seule irrésistibilité d'une cause étrangère est de nature à exonérer le gardien de sa responsabilité, dès lors que la prévision de cet événement ne permettait pas d'en empêcher les effets ;

qu'en statuant comme elle l'a fait, tout en relevant que l'entreprise était clôturée par un haut grillage, que le distributeur de carburant était équipé d'un cadenas, et alors même que les installations de la société Maisonneuve étaient conformes à la réglementation relative à la prévention de la pollution et que l'administration de surveillance des sites classés n'avait jamais préconisé, même après les faits, la moindre modification ou adjonction sur ces installations, sans indiquer les prétendues mesures qui auraient raisonnablement dû être prises, au cours des quelques jours durant lesquels la situation de pénurie visée s'était déclarée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;

Mais attendu que, sous le couvert du grief non fondé de défaut de base légale au regard de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de Cassation la valeur et la portée des éléments de preuve soumis au débat devant la cour d'appel qui, par une décision motivée, en a déduit à bon droit que la société Maisonneuve, gardienne du carburant instrument du dommage, ne pouvait se prévaloir de la force majeure exonératoire ;

D'où il suit que le moyen ne peut qu'être rejeté ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Maisonneuve aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Vivendi universal ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 02-10367
Date de la décision : 22/05/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Choses dont on a la garde - Garde - Gardien - Propriétaire - Carburant - Carburant déversé sur le sol par des inconnus.

1° Des personnes non identifiées s'étant introduites de nuit, par effraction, dans la propriété d'une société, et ayant maintenu ouvert un pistolet de distribution d'une cuve de gazole, laissant environ 16 000 litres de ce produit s'écouler sur le sol et se répandre dans une canalisation souterraine puis dans une rivière, une cour d'appel, pour condamner la société sur le fondement de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, à des dommages-intérêts, à la suite de travaux de remise en état et de dépollution, a pu déduire des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la société avait conservé la garde du carburant, dont elle était propriétaire, stocké dans l'enceinte de l'entreprise sans mesure particulière de sécurité et de surveillance.

2° RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Choses dont on a la garde - Exonération - Cas fortuit ou de force majeure - Carburant - Carburant déversé sur le sol par des inconnus (non).

2° Dans ces circonstances, une cour d'appel a déduit à bon droit des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la société, gardienne du carburant instrument du dommage, ne pouvait se prévaloir de la force majeure exonératoire.


Références :

2° :
Code civil 1384, al. 1er

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 08 octobre 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 22 mai. 2003, pourvoi n°02-10367, Bull. civ. 2003 II N° 155 p. 131
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 II N° 155 p. 131

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Ancel .
Avocat général : Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Bizot.
Avocat(s) : Avocats : la SCP Boré, Xavier et Boré, la SCP Vier et Barthélemy.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.10367
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