AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt et un mai deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire SASSOUST et les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Michel,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de MONTPELLIER, en date du 30 janvier 2003, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises de l'HERAULT sous l'accusation de viols aggravés ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-23 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la chambre de l'instruction a considéré qu'il existait contre Michel X... des charges suffisantes d'avoir commis par violence, contrainte, menace ou surprise, des actes de pénétration sexuelle sur la personne de Florence Y... ;
"aux motifs propres, que les charges sont constituées par les accusations de la jeune fille, par les témoignages recueillis de ses confidences détaillées avant toute plainte, par la personnalité de Michel X... déjà condamné pour des faits démontrant son attirance pour la jeune fille et par des détails objectifs comme la découverte de cassettes pornographiques décrites par Florence Y... et appartenant à Michel X... ; qu'il existait une intimité et une intensité de rapports entre Michel X... et Florence Y... ; que, quatre jeunes filles et deux témoins accréditent la thèse d'une sexualité exigeante de Michel X... portée sur les très jeunes filles et prompte à utiliser l'absence d'autres adultes pour parvenir à ses fins en faisant preuve de persuasion ; que, s'agissant des constatations médico-légales, et dès lors, qu'en toute hypothèse, Florence Y... reproche, pénétrations et fellations, le débat sur la complaisance de l'hymen participe du fond, étant précisé que l'ordonnance a retenu, par des motifs que la Cour adopte, la contrainte morale et la menace exercée par un beau-père sur une victime qui avait 11 ans et 9 mois lors de la sortie de prison de Michel X... et qui s'est trouvée plongée au sein du même triangle familial où le comportement qu'elle reproche à Michel X..., réfuté par sa mère, était de nature à porter atteinte au couple parental s'il était révélé ;
"aux motifs adoptés, que la situation familiale caractérisait la notion de contrainte et de menace grâce auxquelles étaient imposées les agressions sexuelles et les viols ; que cette contrainte morale était exercée avec force sur la victime car l'enfant avait déjà été victime d'agressions sexuelles condamnées par la justice ce qui n'avait pas empêché l'auteur de revenir vivre au foyer de l'enfant avec autorité sur elle, car la mère de l'enfant continuait de nier la réalité des premières agressions sexuelles condamnées par la justice et accueillait à son foyer l'agresseur de sa fille, car la victime évoquait nettement la peur qu'elle avait de son beau-père, lequel reconnaissait d'ailleurs être l'auteur d'une scène de violences physiques particulièrement brutales à l'encontre de sa belle-fille, car la victime évoquait le chantage auquel se livrait sur elle son beau- père, chantage à la fois affectif et tenant aux autorisations de sorties qu'il obtenait au profit de l'adolescente de la part de la mère de celle- ci, car la victime s'était à de nombreuses reprises confiée à des camarades auprès desquels elle avait fait état de la souffrance et du dégoût que lui provoquaient les relations sexuelles que son beau- père avait réussi à lui imposer ;
"alors, d'une part, que les faits de viol reprochés au demandeur supposent l'existence d'actes de pénétration sexuelle ;
qu'en l'espèce, alors même que Florence Y... attestait avoir dû subir pendant plusieurs années et plusieurs fois par mois, de la part de Michel X..., des rapports sexuels, le médecin chargé de l'examiner a relevé que "l'hymen (était) très souple, paradoxalement intact" ; qu'en écartant toute discussion sur les constatations médico-légales, qui permettaient pourtant de remettre sérieusement en cause la culpabilité de Michel X..., la chambre de l'instruction n'a pas légalement justifié sa décision ;
"alors, d'autre part, que l'infraction de viol suppose l'usage par son auteur, de violence, contrainte, menace ou surprise ;
que doit donc être caractérisé l'usage, par ce dernier, d'un stratagème de nature à surprendre le consentement de la victime et à constituer la surprise ou la contrainte ; qu'en l'espèce, la chambre de l'instruction a uniquement relevé, pour caractériser la contrainte subie par Florence Y..., que cette dernière vivait dans une atmosphère familiale particulière, compte tenu de la précédente condamnation de Michel X... et de la peur qu'elle déclarait éprouver à son égard, sans jamais constater une quelconque attitude de Michel X... suggérant l'usage, par lui, d'un véritable stratagème de nature à contraindre sa belle-fille ; qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction a violé l'article 222-23 du Code pénal" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 593 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la chambre de l'instruction a considéré qu'il existait contre Michel X... des charges suffisantes d'avoir commis par violence, contrainte, menace ou surprise, des actes de pénétration sexuelle sur la personne de Florence Y... ;
"alors qu'est nul tout arrêt qui a omis de se prononcer sur une ou plusieurs demandes des parties ; qu'en l'espèce, Michel X... a sollicité un complément d'information afin, notamment, qu'il soit procédé à un examen gynécologique de Florence Y... pour s'assurer que la compatibilité des conclusions de l'examen déjà effectué, qui avait relevé que l'hymen était intact, avec les dires de la jeune fille faisant état de multiples rapports sexuels, et afin qu'il puisse être confronté avec les autres personnes l'accusant d'attouchements sexuels ; qu'en ne se prononçant pas sur cette demande de supplément d'information, alors même qu'elle aurait permis de lever le doute sur la réalité des faits reprochés à Michel X..., la chambre de l'instruction a gravement porté atteinte aux droits de la défense de Michel X... et a violé l'article 593 du Code de procédure pénale" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre de l'instruction, après avoir exposé les faits et répondu comme elle le devait aux articulations essentielles du mémoire dont elle était saisie, a relevé l'existence de charges qu'elle a estimé suffisantes contre Michel X... pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises sous l'accusation de viols aggravés ;
Qu'en effet, les juridictions d'instruction apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de Cassation n'ayant d'autre pouvoir que de vérifier si, à supposer ces faits établis, la qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que, dès lors, les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que la procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Sassoust conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Souchon ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
1
5