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20/05/2003 | FRANCE | N°02-82814

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 mai 2003, 02-82814


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt mai deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, Me de NERVO, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au procureur général ,

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jean-François,

- Y... Gabriel,

parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROV

ENCE, 7ème chambre, en date du 18 mars 2002, qui les a déboutés de leurs demandes après relaxe de Louis ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt mai deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, Me de NERVO, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au procureur général ,

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jean-François,

- Y... Gabriel,

parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 18 mars 2002, qui les a déboutés de leurs demandes après relaxe de Louis Z... et de Marcel A... du chef d'entrave à l'exercice régulier des fonctions de conseiller prud'homme ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 514-1, L. 412-2, L. 531-1 et L. 481-3 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Louis Z..., président directeur général de la SNCF, du chef de l'entrave poursuivie à l'exercice régulier des fonctions de conseiller prud'homme par obstacle au déroulement de carrière de deux de ses salariés ;

"aux motifs que, concernant le déroulement de carrière, il ressort des documents produits que l'affectation d'un agent en qualité de conducteur TGV nécessite, pour des raisons de sécurité évidentes, une formation spécifique qui se déroule en deux phases, la première étant une sélection opérée en vertu de critères d'âge, d'ancienneté et d'aptitude professionnelle, la seconde comprenant une période d'observation suivie d'une formation technique ; que la fiche individuelle de Jean-François X... mentionne en 1994 : "agent proposé aux tests d'harmonisation de la première formation TGV de l'établissement ; l'agent, en raison de ses activités syndicales extérieures à la SNCF, n'a pas maintenu sa candidature pour le moment ; il n'a pas passé les tests et n'a pas été formé" ; que celle de Gabriel Y... indique, à la même époque :

"agent présenté pour la formation TGV mais avec l'accord de l'agent non proposé ; agent à proposer en formation TGV dès que ses activités extra-professionnelles le permettront" ; que les mentions portées sur ces fiches, invoquées par les parties civiles à l'appui de leurs dires, établissent clairement que l'accès à la formation de conducteur de TGV ne leur a pas été refusé en raison de leurs absences de l'entreprise justifiées par l'exercice de leurs fonctions de conseillers prud'hommes, mais a été rendu matériellement impossible par les multiples activités qui, outre leurs charges de conseillers prud'hommes, les ont retenus éloignés

du lieu de formation, fonctions de secrétaire général du Syndicat des transports des Alpes-Maritimes en ce qui concerne Jean-François X..., fonctions de délégué syndical "CER" et représentant syndical cheminot des Alpes-Maritimes, de membre du bureau de l'Union départementale CFDT des Alpes-Maritimes, de membre de la commission paritaire de la gestion du fonds social de l'Assedic et de trésorier du Syndicat des transports CFDT des Alpes-Maritimes en ce qui concerne Gabriel Y... ; qu'en outre, il résulte du statut des agents de la SNCF que l'affectation d'un agent en qualité de conducteur de TGV ne constitue en aucun cas un déroulement de carrière, mais une simple utilisation du personnel n'impliquant aucun avancement ; qu'à supposer même que ces faits puissent constituer l'élément matériel d'atteinte à l'exercice régulier des fonctions de conseiller prud'homme, l'élément intentionnel du délit ferait défaut, faute par les parties civiles de rapporter la preuve d'une volonté consciente de Louis Z... de porter atteinte aux prérogatives d'un salarié protégé, l'aspect sécuritaire nécessitant, comme l'a retenu à juste titre le tribunal, le respect d'un certain nombre de règles incontournables, telles celle de donner aux conducteurs de TGV, dans l'intérêt prioritaire des usagers, une formation spécifique et accrue, incompatible avec les multiples activités des deux parties civiles ;

"alors que, d'une part, l'article L. 514-1 du Code du travail fait obligation aux employeurs de laisser aux salariés de leur entreprise, membres d'un conseil de prud'hommes, le temps nécessaire à l'accomplissement de leurs missions ; que lesdites activités ne sauraient, sans qu'il soit porté atteinte à leurs prérogatives, être prises en considération par le chef d'entreprise dans ses décisions relatives à leurs conditions générales de travail ou à leurs perspectives normales de carrière ; qu'en l'espèce, il résulte des fiches individuelles des salariés que leurs activités représentatives (incluant leur activité de conseillers, prud'hommes) étaient prises en considération pour leur refuser une formation TGV ; que l'arrêt attaqué n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en résultaient nécessairement ;

"alors, surtout, que le juge correctionnel, qui n'est pas lié par la qualification donnée par la prévention, ne peut prononcer une décision de relaxe qu'autant qu'il a vérifié que les faits dont il est saisi ne sont constitutifs d'aucune infraction ; qu'en relevant, en tout cas, que l'accès à la formation de conducteur de TGV avait été refusée aux salariés intéressés à raison des multiples activités (syndicales) relevées qui les avaient retenus éloignés du lieu de formation, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si ce refus ne constituait pas une entrave à l'exercice de l'activité syndicale, n'a pas légalement justifié sa décision ;

"et alors, enfin, que l'élément intentionnel du délit d'entrave aux fonctions de conseiller prud'homme se déduit nécessairement du caractère volontaire de la mesure prise par l'employeur ; que, de ce chef, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L.5, 14-1 et L. 531-1 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé Louis Z..., président directeur général de la SNCF, du chef d'entrave à l'exercice régulier des fonctions de conseiller prud'homme par minoration de salaire ;

"aux motifs que, sur la minoration de salaire alléguée, aux termes du règlement PS 2 relatif à la rémunération du personnel du cadre permanent de la SNCF, les agents de cet établissement reçoivent, outre une prime de fin d'année, une rémunération mensuelle se composant d'un traitement et d'une indemnité de résidence à laquelle peuvent s'ajouter une prime de travail, des indemnités tenant compte de certaines sujétions particulières, des gratifications et des allocations attribuées à titre de remboursement de frais ; que, selon ce même règlement, la prime de travail est payée aux conseillers prud'hommes pendant les absences justifiées par l'exercice de leurs fonctions ; qu'il résulte des bulletins de salaire des parties civiles ainsi que des conclusions qu'elles ont déposées devant la Cour que leur ont été supprimées, depuis 1994, les allocations de "déplacement région général", de "déplacement(roulants), de "travail de nuit", de "travail de nuit roulants" ainsi que les indemnités "supplémentaires horaires milieu de nuit", "travail dimanche et fêtes", "travail de nuit", "travail de nuit roulants" ; que les allocations ci-dessus visées constituent des indemnités destinées à rembourser des dépenses liées à l'activité professionnelle, soit des frais professionnels, exclusifs de toute idée de rémunération ; que, de même, les indemnités supprimées, destinées à compenser la charge de sujétions particulières et constituant, à ce titre, les indemnités réparatrices, doivent être exclues de la notion de rémunération ; qu'il résulte des documents produits que le protocole d'accord du 4 décembre 1981 et l'avenant du 7 novembre 1995 sont relatifs au droit syndical et à la représentation du personnel dans les établissements et n'ont donc pas vocation à s'appliquer qu'aux seuls représentants du personnel au sein de l'établissement ; qu'ils ne peuvent, à ce titre, être valablement invoqués par les parties civiles, lesquelles

ont saisi le tribunal en leur seule qualité de conseillers prud'hommes pour atteinte à l'exercice régulier de ces fonctions ; qu'en l'absence de toute violation des dispositions de l'article L. 514-1 du Code du travail, il y a lieu de renvoyer Louis Z... des fins de la poursuite et de débouter les parties civiles de leurs demandes ;

"alors que, d'une part, il appartient au juge de vérifier si les allocations destinées à rembourser des dépenses liées à l'activité professionnelle, soit des frais professionnels, demeuraient liées à l'engagement de frais ; qu'à cet égard, les salariés faisaient valoir que les allocations avaient été réintégrées dans l'assiette des sommes soumises à la CSG ; qu'en ne procédant pas, ainsi, aux vérifications nécessaires de ce chef, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"alors que, d'autre part, dès lors qu'une indemnité est versée en compensation d'une sujétion particulière, elle a le caractère d'un élément de salaire et doit être versée au titre des heures passées hors de l'entreprise par les conseillers prud'hommes pour l'exercice de leurs fonctions, peu important que, pendant ce temps, ils n'y fussent pas soumis ; qu'en excluant de la rémunération de telles indemnités, la cour d'appel a méconnu les principes applicables ;

"alors, en outre, qu'il résulte de l'article 197 du règlement PS 2 de la SNCF que les agents en situation d'absence consécutive à l'utilisation de crédits d'heures, à l'exercice des fonctions de conseiller prud'homme ou de fonctions de conseiller du salarié reçoivent les indemnités et gratifications prévues au titre D du présent règlement qu'ils auraient reçues s'ils avaient assuré le service normalement prévu ; qu'en ne tenant pas compte de ces dispositions, la cour d'appel n'a pas, derechef, légalement justifié sa décision ;

"alors, enfin, que, dans leurs conclusions, sur ce point demeurées sans réponse, les agents intéressés faisaient valoir qu'ils étaient, en outre, victimes d'une discrimination par rapport à d'autres agents de la SNCF exerçant des fonctions syndicales, des accords produits aux débats ayant été conclus qui faisaient droit à leurs demandes en paiement de ces primes, indemnités et allocations ; que faute d'avoir répondu à ce chef des conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de motifs" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'estimant avoir été privé d'une part importante de leurs revenus ainsi que de la formation spécifique de conducteur de TGV en raison de leurs fonctions de conseiller prud'homme, Jean-François X... et Gabriel Y..., agents conducteurs de la SNCF, ont fait citer directement Louis Z..., président du conseil d'administration de cette entreprise publique, et Marcel A..., directeur de l'un de ses établissements, pour entrave à l'exercice régulier des fonctions de conseiller prud'homme sur le fondement des articles L. 514-1 et L. 531-1 du Code du travail ;

Attendu que, pour renvoyer les prévenus des fins de la poursuite, les juges d'appel retiennent qu'en la circonstance, d'une part, l'impossibilité de mise en oeuvre de la formation à la conduite des TGV des agents conseillers prud'hommes ne caractérise pas, à la charge des prévenus, une atteinte volontaire aux droits de ces salariés protégés, d'autre part, que les allocations et indemnités dont ils ont été privés ne constituent pas un élément de rémunération ou un avantage y afférent au sens de l'article L. 514-1, alinéa 4, du Code du travail ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations la cour d'appel, qui a répondu, comme elle le devait, aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Dit n'y avoir lieu, au profit des demandeurs, à application de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Mazars conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-82814
Date de la décision : 20/05/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, 18 mars 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 mai. 2003, pourvoi n°02-82814


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.82814
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