AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 9 janvier 2001) statuant sur renvoi après cassation (CIV. 3, 21 juillet 1999, B. n° 185) que par actes du 20 janvier 1986, la société Marne et Champagne a donné à bail pour vingt-cinq ans aux sociétés civiles d'exploitation agricole Château des Tours, Château le Couvent et Château Haut-Brignon un domaine viticole ; qu'elle les a assignées en résiliation des baux pour défaut d'entretien et d'exploitation ; qu'en cours d'instance, les trois sociétés ont été mises en redressement judiciaire le 25 février 1993 ; que trois plans de continuation ont été arrêtés par des jugements du 18 juin 1994 qui ont désigné M. X... en qualité de commissaire à l'exécution des plans ;
Attendu que la société Marne et Champagne fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande, alors, selon le moyen, que, si, comme ne l'a jamais contesté en l'espèce le bailleur Marne et Champagne, la replantation d'une parcelle de vigne relève de l'obligation d'ordre public du bailleur d'assurer la pérennité des plantations et ne saurait donc être légalement ni contractuellement mise à la charge du preneur à bail rural à ferme, dès lors que la replantation est une opération lourde soumise à déclaration administrative et réalisée à l'issue d'un délai de plusieurs dizaines d'années, contractuellement fixé en fonction des usages locaux, qui a pour objet, sur l'intégralité d'une parcelle de vigne atteinte de vétusté, l'arrachage systématique des ceps restants et la plantation de ceps nouveaux, en revanche, comme le soutient le bailleur Marne et Champagne, relève de l'obligation d'entretien incombant au preneur le remplacement ponctuel des plants morts de maladie, d'événements météorologiques, d'accidents imputables à l'exploitation ou d'actes de destruction, et garantis par l'assurance du preneur ; que, par suite, en déclarant réputées non écrites l'ensemble des stipulations des baux ruraux à ferme prévoyant un remplacement des ceps manquants, sans distinguer entre ceux imputables à la vétusté normale de la chose louée, dont le remplacement incombe au bailleur, et ceux imputables à une autre cause étrangère au bailleur, dont le remplacement incombe au preneur, et alors, au surplus, que l'arrêté préfectoral portant approbation du contrat-type départemental ne met à la charge du bailleur que la replantation, d'où il résulte que les remplacements ponctuels des pieds manquants demeurent à la charge du preneur, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1754 du Code civil, L. 415-4, L. 415-8, L. 415-12, L. 411-31 et L. 411-53 du Code rural, ensemble l'arrêté du préfet de la Gironde du 16 juin 1978 portant
approbation du contrat type de bail à ferme ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le contrat type de bail à ferme rendu applicable dans la Gironde par un arrêté du préfet en date du 16 juin 1978, pris sur l'avis de la commission consultative des baux ruraux, ne prévoyait aucune dérogation contractuelle à l'obligation pour le bailleur d'assurer la pérennité des vignes et que notamment l'article 3 du chapitre premier du contrat type relatif aux obligations du preneur prévoyait seulement de cultiver, fertiliser, ensemencer les terres, traiter, façonner, tailler, fertiliser les vignes de manière à assurer une bonne exploitation et à maintenir la productivité potentielle du bien loué, ce qui n'incluait pas le remplacement des pieds de vigne manquants, la cour d'appel en a exactement déduit qu'en application des dispositions de l'article L. 415-12 du Code rural, les clauses des baux du 20 janvier 1986 mettant à la charge du preneur le remplacement des ceps venant à manquer ou mourir et le maintien de la permanence des plantations des vignes devaient être réputées non écrites ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante sur l'absence de demande de réparations des bâtiments ni de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a, répondant aux conclusions, retenu au vu des rapports d'expertise de M. Y... et de M. Z..., que les manquements constatés n'étaient pas de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, que la destruction des cuves en béton du domaine Pontet Clauzure ne la mettait pas en péril, qu'il résultait de l'état des lieux dressé par M. Z... et annexé aux baux et des constatations de l'expert, M. Y..., que ces bâtiments étaient déjà très dégradés lors de l'entrée dans les lieux des sociétés preneuses et qu'il ne pouvait leur être reproché un défaut d'entretien alors que le bailleur n'avait pas lui-même réalisé les grosses réparations indispensables lui incombant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Marne et Champagne aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Marne et Champagne à payer aux SCEA Château des Tours, Château Le Couvent, Château Haut Brignon et à M. A..., ensemble, la somme de 1 900 euros et à M. X..., ès qualités, la somme de 1 900 euros ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Marne et Champagne ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé à l'audience publique du quatorze mai deux mille trois par M. Peyrat, conformément à l'article 452 du nouveau Code de procédure civile.