AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon les arrêts attaqués (Paris, 20 juin 2001 et 21 novembre 2001), que M. X..., propriétaire, dans un immeuble en copropriété, des lots n° 123 et 125 situés au rez-de-chaussée et correspondant à des locaux à usage commercial affectés par le règlement de copropriété à la réparation et à l'entretien de véhicules automobiles, ayant signé une promesse de vente, le syndic de l'immeuble a fait procéder à une recherche d'amiante à la suite de laquelle le technicien chargé du diagnostic a prescrit un déflocage du plancher haut du rez-de-chaussée ; que l'assemblée générale des copropriétaires ayant décidé de ne pas prendre à sa charge les modalités de réalisation et l'exécution des travaux rendus obligatoires en vertu des dispositions législatives et réglementaires, au motif qu'ils concernaient des parties privatives au sens du règlement de copropriété et incombaient à M. X..., celui-ci a payé l'enlèvement de l'amiante lors de la vente qui ne pouvait avoir lieu sans cette décontamination et a assigné le syndicat des copropriétaires en remboursement de ce coût ;
Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de la somme correspondant à celle exposée par M. X..., alors, selon le moyen,
1 / que les dispositions de l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965, qui déterminent les parties communes, n'ont vocation à s'appliquer qu'en cas de silence du règlement de copropriété ; que le règlement de la copropriété de l'immeuble 127, rue Jeanne d'Arc comportait un article 7 intitulé "définition des parties privatives", précisant que "les parties privatives sont celles qui sont réservées à l'usage exclusif de chaque copropriétaire, c'est-à-dire les locaux compris dans son lot avec tous leurs accessoires, notamment les carrelages, dalles et en général tous revêtements, les plafonds et les parquets à l'exception des gros oeuvres qui sont parties communes" ; que l'article 8 du même règlement précisait que les parties communes s'entendaient comme "le gros oeuvre des planchers, à l'exclusion du revêtement du sol" ; que pour se référer à l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965 et décider que le revêtement en flocage d'amiante du plafond des lots de M. X... était une partie commune, la cour d'appel a retenu que le règlement de copropriété "était silencieux" sur le point de la distinction entre parties communes et parties privatives ; que, ce faisant, elle a dénaturé ce règlement, en violation de l'article 1134 du Code civil ;
2 / que le règlement de copropriété comportait une définition des parties communes et des parties privatives qui s'imposait à la cour d'appel, au besoin en l'interprétant, notamment sur les notions de "revêtement" et de "gros oeuvre", qui constituaient le critère de distinction utilisé par le règlement ; qu'en s'abstenant de qualifier le flocage d'amiante au regard des dispositions du règlement de copropriété qui constituait la loi des parties et en se référant, pour décider qu'il s'agissait d'une partie commune, aux dispositions supplétives de la loi du 10 juillet 1965, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le règlement de copropriété et, par voie de conséquence, l'article 1134 du Code civil ;
3 / que la réparation de désordres, même s'ils affectent les parties communes, doit être mise à la charge du copropriétaire qui en est à l'origine ; qu'en ne recherchant pas si les travaux de flocage n'avaient pas été réalisés exclusivement pour les besoins de l'exploitation de M. Y..., de sorte qu'il devait seul supporter le coût de la réparation des désordres consécutifs à ces travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 ;
4 / que le juge doit procéder à un examen des pièces justificatives versées aux débats ; qu'en se bornant, pour condamner le syndicat des copropriétaires au paiement de la somme de 646 325,47 francs, à énoncer que les demandes de M. X..., qui étaient pourtant contestées, "étaient justifiées par les documents de la cause", sans autrement s'en expliquer, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant constaté que l'immeuble comportait des lots à usage d'habitation et des lots à usage commercial, que le permis de construire n'aurait pu être accordé à défaut de prévoir que le plancher séparant les locaux commerciaux du rez-de-chaussée du reste de l'immeuble présentait une résistance au feu de trois heures et qu'un flocage d'amiante avait, pour cette raison, été appliqué par le constructeur sur le plafond du rez-de-chaussée, la cour d'appel, qui a relevé que le règlement de copropriété était silencieux sur le classement de ce flocage au rang des parties privatives ou des parties communes et qui a recherché à quels objectifs répondait sa réalisation, a, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'imprécision des termes du règlement rendait nécessaire, retenu, par application des dispositions supplétives de la loi du 10 juillet 1965, qu'en raison de la fonction particulière de sécurité au profit de tous les copropriétaires, remplie par ce flocage d'amiante appliqué dès l'origine de la construction, la présomption de l'article 3 de cette loi devait conduire à considérer ce revêtement comme partie commune et a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant que l'objection du syndicat selon laquelle la mise en oeuvre de ce flocage était due au fait de M. X... ou à l'activité qu'il avait choisi d'exercer, était erronée ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que l'assemblée générale du 9 juillet 1996 ne s'était pas opposée à ce que M. X... effectue à ses frais et pour le compte de qui il appartiendra, les travaux de décontamination d'amiante et de reconstitution d'un système coupe feu respectant les règles de l'art, de sécurité et les documents techniques unifiés en vigueur, la cour d'appel, devant laquelle avaient été produites les factures correspondantes, a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant que ce vote ne faisait pas obstacle à l'action de M. X... et que ses demandes en paiement étaient justifiées par les documents de la cause ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le Syndicat des copropriétaires du 127, rue Jeanne d'Arc à Paris aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille trois.