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07/05/2003 | FRANCE | N°01-21033

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 mai 2003, 01-21033


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses six branches :

Attendu que la société Frank et Pignard a conclu avec son personnel le 12 juin 1991 un accord d'intéressement, modifié par avenant du 25 septembre 1991, prévoyant que tous les salariés de cette société à la date de clôture de l'exercice social concerné par l'intéressement, qui ont au moins trois mois complets d'ancienneté dans l'exercice, bénéficient de l'intéressement ; qu'il était en outre stipulé qu'au-delà d'une

franchise de cinq jours, la prime serait pondérée chaque trimestre en fonction des re...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses six branches :

Attendu que la société Frank et Pignard a conclu avec son personnel le 12 juin 1991 un accord d'intéressement, modifié par avenant du 25 septembre 1991, prévoyant que tous les salariés de cette société à la date de clôture de l'exercice social concerné par l'intéressement, qui ont au moins trois mois complets d'ancienneté dans l'exercice, bénéficient de l'intéressement ; qu'il était en outre stipulé qu'au-delà d'une franchise de cinq jours, la prime serait pondérée chaque trimestre en fonction des retards cumulés et des absences, autres que les congés légaux, conventionnels ou contractuels et des heures de délégation, les absences consécutives à un congé maternité, un accident du travail ou une maladie professionnelle étant assimilées à des périodes de présence et chaque jour d'absence entraînant un abattement de 45 % sans pouvoir excéder 90 % d'abattement total sur la période ; qu'à la suite d'un contrôle, l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations sociales dues par l'employeur, les sommes versées en application de cet accord au cours de la période du 1er décembre 1993 au 30 novembre 1995; que la cour d'appel (Chambéry, 31 mai 2001) a débouté la société Frank et Pignard de son recours ;

Attendu que la société Frank et Pignard fait grief à l'arrêt d'avoir statué ainsi, alors, selon le moyen :

1°) que le motif hypothétique, qui repose sur la supposition de fait dont la réalité n'est pas établie, équivaut à un défaut de motif ; que les premiers juges ont affirmé qu'il importait peu que l'erreur ait été rectifiée dans la mesure où "le rattrapage n'a pu porter que sur une somme supplémentaire qui ne pouvait être licitement exonérée de cotisations que si, en contrepartie le trop perçu des autres salariés avait été récupéré" ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher comment la régularisation s'était effectivement réalisée en l'espèce, la cour d'appel a statué par des motifs hypothétiques en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

2°) que les juges ne peuvent sous couvert d'interprétation dénaturer les écrits clairs soumis à leur appréciation ; que l'accord d'intéressement conclu au sein de la société Frank et Pignard le 12 juin 1991 disposait en son article 5 que "tous les salariés de la société Frank et Pignard bénéficient de l'intéressement dès qu'ils comptent un trimestre complet dans l'exercice et à condition qu'ils soient dans la société à la date de clôture de l'exercice" mais suite aux observations de la direction départementale du travail, un avenant du 25 septembre 1991 a modifié l'article 5 dans les termes suivants : "tous les salariés de la société Frank et Pignard, à la date de clôture de l'exercice social concerné par l'intéressement, qui ont au moins trois mois d'ancienneté dans l'entreprise, bénéficient de l'intéressement" ; que cet avenant supprimait donc clairement la condition de présence dans l'entreprise à la date de clôture de l'exercice au titre duquel l'intéressement est dû ; qu'en estimant néanmoins que "les dispositions de l'accord, telles qu'elles résultent de la modification apportée par l'avenant, sont ambiguës et laissent entendre que la condition de présence dans l'entreprise en fin d'exercice est maintenue", la cour d'appel a dénaturé ledit document et partant violé l'article 1134 du Code civil ;

3°) que les conditions dans lesquelles un accord d'intéressement a été exécuté sont sans effet sur la validité de celui-ci ; que lorsque l'accord d'intéressement respecte le caractère de rémunération collective imposé par la loi, mais a été imparfaitement appliqué, le redressement opéré par l'URSSAF doit être annulé dès lors que la régularisation proposée préserve les droits des salariés et permet une application correcte de l'accord ; qu'en l'espèce la société Frank et Pignard s'était engagée à rectifier son erreur en prenant en considération les salariés non présents à la date de clôture des exercices concernés, qui avaient été exclus par erreur du champs d'application de l'intéressement ; qu'en confirmant néanmoins le redressement opéré par l'Urssaf au titre de l'accord d'intéressement, la cour d'appela violé l'article L. 441-2 du Code du travail ;

4°) qu'aux termes de l'article L. 441-2 du Code du travail, la durée de présence dans l'entreprise au cours de l'exercice peut constituer un critère de répartition des produits de l'intéressement ; qu'en l'espèce l'accord d'intéressement litigieux prévoyait un mode de répartition de l'intéressement proportionnel au salaire brut de chaque salarié avec une prise en compte des absences des salariés ; qu'en estimant que cette pondération de l'intéressement en fonction des absences des salariés faisait perdre à l'intéressement son caractère de rémunération collective de sorte que le redressement opéré par l'URSSAF était pour ce seul motif justifié, la cour d'appel a encore violé l'article L. 441-2 du Code du travail ;

5°) que la sanction doit être proportionnée à la faute ; qu'en l'espèce, l'erreur commise par la société Frank et Pignard portait sur une somme de 143 000 francs quand l'ensemble des sommes distribuées au titre de l'intéressement s'élevait à la somme totale de 7 385 000 francs ; qu'en confirmant le redressement opéré par l'URSSAF au titre de l'accord d'intéressement pour un montant principal de 2 776 987 francs, la cour d'appel a méconnu le principe de proportionnalité applicable à toute sanction ;

Mais attendu qu'en vertu de l'article 2 de l'ordonnance n° 86-1134 du 21 octobre 1986, modifiée par la loi n° 90-1002 du 7 novembre 1990 alors en vigueur, les accords d'intéressement doivent, pour ouvrir droit aux exonérations prévues par l'article 4 des mêmes textes, instituer soit un intéressement des salariés lié aux résultats ou à l'accroissement de la productivité, soit tout autre mode de rémunération collective contribuant à réaliser l'intéressement des salariés à l'entreprise ; que la répartition de l'intéressement entre les salariés est uniforme, calculée en fonction du salaire, de l'ancienneté, de la qualification ou de la durée de présence dans l'entreprise au cours de l'exercice ou combine ces différents critères ;

Et attendu qu'ayant relevé que même dans le dernier état de sa rédaction, l'article 7 de l'avenant litigieux prévoyait une réduction de l'intéressement en fonction de certaines absences, instituant par-là une pénalisation de ces absences et non une répartition de l'intéressement en fonction de la durée de présence dans l'entreprise au cours de l'exercice considéré, la cour d'appel a exactement décidé que ces dispositions privaient les primes versées du caractère de rémunérations collectives, de sorte que celles-ci ne pouvaient ouvrir droit à exonération ; que par ces seuls motifs elle a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Frank et Pignard aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de la Haute-Savoie ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 01-21033
Date de la décision : 07/05/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Exonération - Accords d'intéressement - Liaison aux résultats de l'entreprise - Réduction.


Références :

Loi 90-1002 du 07 novembre 1990
Ordonnance 86-1134 du 21 octobre 1986 art. 2 et art. 4

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry (chambre sociale, section 5), 31 mai 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 mai. 2003, pourvoi n°01-21033


Composition du Tribunal
Président : Président : M. Chagny Conseiller
Rapporteur ?: Rapporteur Mme Slove

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:01.21033
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