AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que le contrat de travail de Mme X..., engagée le 4 février 1990 en qualité de contrôleur de gestion, par la société Scopie, contenait une clause de non concurrence d'une durée de deux ans assortie au profit de l'employeur d'une pénalité ; que par lettre du 9 janvier 1998, la salariée donnait sa démission en reprochant à l'employeur un comportement insupportable qui l'avait contrainte à démissionner ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Scopie fait grief à l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 12 février 2001) d'avoir déclaré applicable la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinet d'ingénieurs conseils, société de conseils, alors, selon le moyen :
1 / que l'application d'une convention collective est déterminée par l'activité réelle de l'entreprise et les juges du fond doivent rechercher quelle est la nature de l'activité principale de l'entreprise et vérifier si cette activité entre dans le champ d'application de la convention collective invoquée par le salarié ; qu'en appliquant en l'espéce la Convention collective nationale des bureaux d'études techniques, Cabinets d'ingénieurs-conseils, sans avoir recherché l'activité exercée par la société Scopie dont elle constatait qu'elle ne figurait pas sur le folio n° 1 de l'extrait du registre du commerce produit, et aux motifs inopérants que l'inspecteur du travail aurait déclaré dans une lettre du 18 février 1992 que cette Convention aurait été applicable à l'entreprise Scopie, la cour d'appel a violé l'article L. 132-5 du Code du travail ;
2 / que la charge de la preuve de l'activité réelle de l'entreprise incombe à la partie qui demande l'application de la Convention collective ; qu'en appliquant en l'espéce la Convention collective nationale des bureaux d'études techniques, Cabinets d'ingénieurs-conseils, sans constater que Mme X... aurait rapporté la preuve de l'activité réelle de la société Scopie déterminant l'application de la Convention invoquée par la salariée, la cour d'appel a violé les articles 1315 du Code civil et L. 132-5 du Code du travail ;
3 / qu'au surplus, la seule référence du "code APE 741 G" sur les bulletins de paie de Mme X... ne pouvait être à elle seule créatrice d'obligations et exonératrice de l'application des lois ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 132-5 du Code du Travail ;
4 / qu'enfin, dans ses conclusions d'appel du 11 juillet 2000, la société Scopie avait fait valoir que la Convention collective nationale des bureaux d'études techniques, Cabinets d'ingénieurs-conseils était relative aux "Bureaux d'études techniques, Cabinets d'ingénieurs-conseils, société de conseils" activités qui n'étaient pas exercées par la société ;
qu'en ne s'expliquant pas sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article R. 143-2 du Code du travail relatif au bulletin de paie, l'employeur est tenu de porter à la connaissance du salarié la convention collective applicable ; que si, dans les relations collectives de travail, une seule convention collective est applicable, laquelle est déterminée par l'activité principale de l'entreprise, dans les relations individuelles, le salarié peut demander l'application de la convention collective mentionnée sur le bulletin de paie ; que cette mention vaut reconnaissance de l'application de la convention collective à son égard ;
Et attendu que la cour d'appel qui a constaté que les bulletins de paie de Mme X... comportaient les mentions "code APE 741 G" ainsi que "l'entreprise adhère à la convention collective", a pu décider que ces mentions valaient reconnaissance de l'application de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinet d'ingénieurs conseils, société de conseils dont le champ d'application s'étend notamment aux activités répertoriées sous le code 741 G ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que l'employeur fait enfin grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à verser à sa salariée une indemnité au titre de la clause de non concurrence, alors, selon le moyen, qu'en allouant à Mme X... la somme de 327 691,42 francs à titre d'indemnité de clause de non concurrence, sans constater qu'un tel versement à la salariée aurait été contractuellement prévu en cas de rupture de son contrat de travail, la cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 121-1 du Code du travail ;
Mais attendu qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, qu'elle tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives ;
Et attendu qu'en l'absence de contrepartie financière la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail de la salariée était nulle et la cour d'appel a pu allouer à cette dernière des dommages et intérêts, qu'elle a souverainement évalués au montant de la somme prévue au profit de l'employeur si le salarié avait violé la clause, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait que l'employeur lui a imposé une clause nulle portant atteinte à sa liberté d'exercer une activité professionnelle ; que par ce motif substitué, après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du nouveau Code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Scopie aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Scopie à payer à Mme X... la somme de 1 825 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf avril deux mille trois.