AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 23 janvier 2001), que la société Bullet industrie (la société Bullet) a assigné la société Transports Bourgeois et son assureur, la compagnie d'assurance Helvétia, devant le juge des référés d'un tribunal de commerce en paiement d'une provision ; que le juge des référés les ayant renvoyées à se pourvoir devant la juridiction du fond à une audience dont il avait fixé la date, les parties ont, sans que leur soit délivrée une assignation, comparu et conclu au fond devant le tribunal de commerce ainsi désigné qui a accueilli la demande de la société Bullet ; que les sociétés Transports Bourgeois et Helvétia ont interjeté appel de ce jugement et invoqué sa nullité en raison de l'irrégularité de la saisine du Tribunal, faute d'assignation délivrée aux parties défenderesses ;
Attendu que la société Bullet fait grief à l'arrêt d'avoir annulé le jugement et renvoyé les parties à mieux se pourvoir, alors, selon le moyen :
1 / que la renonciation à se prévaloir d'une exception de procédure peut résulter de toute manifestation de volonté claire et non équivoque ; qu'en l'espèce, la société Bullet faisait valoir dans ses conclusions d'appel que les sociétés Bourgeois et Helvétia avaient renoncé à se prévaloir de l'absence de saisine du Tribunal par voie d'assignation en comparaissant à l'audience du tribunal de commerce statuant au fond désignée par le juge des référés, et en concluant au fond sans invoquer le moindre vice de procédure ; qu'en outre, il résulte de l'ordonnance de référé rendue le 16 septembre 1996 que c'est à la demande des parties que le juge des référés les avait renvoyées directement à une audience devant le juge du fond ; qu'en jugeant néanmoins qu'était irrrégulière la saisine du tribunal de commerce statuant au fond en l'absence d'assignation, sans rechercher comme elle y était pourtant invitée si les sociétés Bourgeois et Helvétia en sollicitant elles-mêmes la "passerelle" puis en comparaissant à l'audience, n'avaient pas renoncé à se prévaloir des formalités de l'assignation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
2 / qu'à la demande d'une partie, et si l'urgence le justifie, le président du tribunal de grande instance saisi en référé peut renvoyer l'affaire à une audience dont il fixe la date pour qu'il soit statué au fond, son ordonnance emportant saisine du Tribunal ; qu'en affirmant le contraire pour décider que la saisine du tribunal de commerce statuant au fond était en tout état de cause irrégulière à défaut d'assignation à jour fixe des défendeurs, la cour d'appel a violé l'article 811 du nouveau Code de procédure civile par refus d'application ;
3 / qu'en tout état de cause, lorsque l'appelant a conclu au fond, la cour d'appel qui se trouve saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel doit statuer au fond nonobstant la nullité du jugement en raison de l'irrégularité ou de l'omission de l'acte introductif d'instance ;
qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la société Bourgeois et la société Helvetia avaient conclu subsidiairement au fond ;
qu'en refusant dès lors de statuer au fond après avoir déclaré le jugement nul, la cour d'appel a violé l'article 562 du nouveau Code de procédure civile par refus d'application ;
Mais attendu qu'ayant constaté l'absence d'assignation et de tout autre mode d'introduction de l'instance, ce qui équivaut à une absence d'acte, l'arrêt retient que la procédure se trouvait affectée d'une irrégularité de fond pouvant être invoquée en tout état de cause, ce qui rendait inutile la recherche prétendument négligée ;
Et attendu que, d'une part, les dispositions du décret du 28 décembre 1998 n'étaient pas en vigueur au jour de l'ordonnance renvoyant l'affaire devant la juridiction du fond, et que, d'autre part, l'arrêt décide exactement qu'en l'absence d'acte introductif d'instance l'appel est dépourvu d'effet dévolutif, les conclusions au fond étant sans portée dès lors qu'elles étaient subsidiaires ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bullet industrie aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Bullet industrie ; la condamne à payer à la société Transports Bourgeois et à la compagnie suisse d'assurances Helvetia la somme globale de 2 200 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois avril deux mille trois.