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26/03/2003 | FRANCE | N°02-83841

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 26 mars 2003, 02-83841


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et URTIN-PETIT, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Claire,

- X... Jean-Luc, parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle,

en date du 14 mars 2002, qui les a déboutés de leurs demandes après relaxe de Dominique Y... du c...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller PONROY, les observations de la société civile professionnelle THOUIN-PALAT et URTIN-PETIT, avocat en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Claire,

- X... Jean-Luc, parties civiles,

contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 14 mars 2002, qui les a déboutés de leurs demandes après relaxe de Dominique Y... du chef d'agressions sexuelles aggravées ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit commun aux demandeurs ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 32, 486 et 592 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué indique qu'à l'audience publique du 10 janvier 2002, Monsieur Z..., substitut général, a été entendu en ses réquisitions (arrêt page 3) et qu'à cette même audience le ministère public était représenté par M. A..., substitut général (arrêt dernière page) ;

"alors qu'est nul l'arrêt qui énonce que les réquisitions du ministère public ont été prises à l'audience par un représentant du parquet, quand les mentions de ce même arrêt indiquent que le ministère public était représenté à la même audience par un autre magistrat" ;

Attendu qu'il n'importe que l'arrêt attaqué mentionne des noms différents pour les représentants du ministère public à l'audience des débats, dès lors qu'en raison du principe de l'indivisibilité du ministère public, les magistrats qui appartiennent au même parquet peuvent se remplacer mutuellement ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 222-22, 222-27, 222-28, 222-29, 222-31, 222-44, 222-45, 222-47 et 222-48-1 du Code pénal et des articles 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a débouté Claire et Jean-Luc X..., parties civiles, de leurs demandes de dommages-intérêts après avoir relaxé Dominique Y... du chef d'agression sexuelle imposée par personne ayant autorité ;

"aux motifs propres que de l'examen des faits susvisés et des pièces du dossier, il apparaît qu'en l'espèce aucun élément à charge objectif n'a pu être mis en évidence et que personne n'a été témoin direct des faits ; ainsi les accusations de la mineure s'opposent aux dénégations de son beau-père, ce qui contraint à examiner la personnalité des victimes ainsi que des circonstances dans lesquelles les faits ont été révélés ; en premier lieu, il convient de relever que Claire X... a utilisé plusieurs écrits pour formuler ses accusations ; elle avait écrit à Jérôme B... avec lequel elle a eu une relation sexuelle début 1996, en expliquant qu'elle avait des faits graves à lui révéler ; elle lui confiait alors les accusations d'attouchements à l'encontre de son beau-père auxquelles le jeune homme aurait répondu uniquement en la renvoyant vers des services compétents en la matière, considérant que celle-ci avait des tendances fabulatrices ; elle avait également écrit à Régis C... une lettre non datée qui avait été retrouvée déchirée par sa mère, Marie-Rose D... à laquelle la jeune fille s'était confiée également ;

elle déclarait ainsi par écrit que son beau-père lui avait fait "des choses inimaginables", se présentant pour cette raison, comme "plus mûre que la plupart des filles de (son) âge" ; son amie Audrey E... s'était également vu confier, vraisemblablement début septembre 1996 par Claire X... que son beau-père abusait d'elle ;

son amie ne doutait pas de la véracité de ces révélations ; le 21 septembre 1996, elle s'était adressée à Marie-Rose D... en lui tendant une lettre qu'elle destinait à sa mère, en pleurant et lui demandant de la lui remettre, ce qu'elle a fait après avoir consulté sur ce point une voisine Mme F... ; il y a lieu de relever le caractère particulier de la révélation des faits, effectuée au moyen de trois courriers auprès de trois personnes différentes dont la mère de Claire X... ; ce moyen témoigne d'une difficulté de s'exprimer par la voie orale, alors que Claire X..., à de multiples reprises, a exprimé sans difficulté ses doléances, tant auprès de ses amies que de Marie-Rose D... puis ultérieurement au cours de l'enquête, devant les différents intervenants ; de plus, il convient de noter que les déclarations de Claire X... ont subi de nombreuses variations alors qu'il résulte des éléments de personnalité du dossier que cette jeune-fille âgée de quinze ans au moment de l'enquête, n'est atteinte d'aucun trouble psychologique est décrite comme logique, réfléchie et faisant preuve d'une bonne maturité par rapport à son âge, ce qui aurait du générer une audition d'un certain degré de précision et de cohérence ; ainsi, quant à la nature des agressions sexuelles perpétrées, elle est d'abord vague en évoquant des "faits inimaginables" puis des caresses et masturbations, ensuite elle évoque des fellations ainsi que l'intromission d'un doigt dans son vagin et enfin un baiser sur la bouche, affirmations sur lesquelles elle revenait ensuite ; il convient en outre de rappeler que dans sa première audition du 22 septembre 1996, elle se rétracte tant sur la précision des actes dénoncés que leur imputabilité à Dominique Y... ; ainsi, elle ne se rappelle plus ce qu'il lui demandait de lui faire, elle admet avoir écrit des bêtises et avoir attribué ces actes à Dominique Y... pour être rassurée et se sentir plus libre face à son entourage, pour affirmer enfin d'audition qu'elle a bien subi des agressions sexuelles mais de la part d'un homme non identifié, âgé de 40 ans avec les mains rugueuses et une grosse gourmette ; elle affirme en outre voir des "flash" sur des scènes à connotations sexuelles, affirmation qu'elle reconnaît avoir inventée de toutes pièces, lors de sa comparution devant le juge d'instruction et devant le tribunal correctionnel ; de même son attitude lors de la révélation des faits n'est pas sans équivoque, alors qu'elle est entourée notamment de voisins acquis à sa cause, chez qui elle est hébergée à l'initiative de sa mère ; elle déclare ainsi à Rose D..., ne plus vouloir voir Dominique Y... lorsqu'elle lui indique qu'elle doit être entendue chez les gendarmes et se jette dans les bras de ce dernier, en pleurs lorsqu'elle le rencontre pour la première fois après les accusations qu'elle a portées contre lui ; la thèse des pressions exercées contre elle par sa famille maternelle et plus particulièrement par sa grand-mère et son conjoint, qui lui ont téléphoné afin de la mettre en garde contre la gravité des accusations qu'elle portait, pour expliquer ses rétractations, n'est aucunement avérée alors que Claire X...

était entourée y compris par sa mère qui a porté plainte en son nom et qui, afin de la préserver, avait pris la décision de l'éloigner du domicile familial ; en outre, les déclarations de Claire X... quant à la contrainte que lui aurait imposée Dominique Y..., pour la forcer à pratiquer des gestes de masturbation lorsqu'elle prenait sa douche, sont peu crédibles sur le plan factuel ; la jeune fille n'a pas ainsi expliqué, comment alors qu'elle déclarait qu'après avoir subi des caresses de Dominique Y... lorsqu'elle était sous la douche, ce dernier qui se déshabillait à son tour et lui demandait de faire de même sur elle, pouvait matériellement exercer une contrainte physique de nature à l'empêcher de s'enfuir et se soustraire ainsi aux actes dénoncés ; enfin, Claire X... affirmait avoir découvert le 26 septembre 1996 en présence de ses amies Audrey E... et Audrey G..., l'album photographique dans lequel sa mère figurait dans des poses suggestives, alors qu'il est patent que l'adolescente l'avait vu auparavant car elle en avait déjà parlé à Marie-Rose D... dès le 23 septembre 1996, en lui donnant des détails sur sa découverte ; que sa crédibilité a été prise en défaut également sur ce point ; en revanche, Dominique Y... a nié les faits qui lui sont imputés avec constance tout en admettant la réalité de détails particulièrement intimes de sa vie conjugale révélés par la partie civile ; ainsi, il n'a pas caché l'existence d'objets compromettants, toujours présents à son domicile plus de deux ans après les premières révélations, ni la réalité de certaines pratiques sexuelles particulières, pas plus que les relations extra-conjugales de son épouse ; seul le journal intime de Dominique Y... évoqué par Claire X... n'a pas été retrouvé malgré les recherches de l'enquête ; Claire X... n'a jamais indiqué en revanche que celui-ci contenait des assertions relatives aux faits qu'elle lui impute ; enfin, il y a lieu de relever que l'attitude de Dominique Y... lors de la révélation des faits, témoigne d'une volonté de transparence de sa part, Claire X... ayant été écartée du domicile familial immédiatement, puis confiée à son père ; Dominique Y... est décrit par le docteur H..., psychiatre et par M. I..., psychologue, comme un militaire viscéral "moulé dans la vérité" ; ils n'ont relevé aucun trouble ni déficience psychique ; tout au plus, lors de tests, il a été remarqué une anxiété devant les événements imprévus sans qu'aucune conclusion n'en ait été tirée quant à la réalité des faits dénoncés ; l'expertise médico-psychologique diligentée en ce qui concerne Claire X... n'apporte aucun renseignement quant à sa crédibilité ; en conséquence et en l'absence de tout élément objectif de nature à étayer les accusations de Claire

X..., dont le caractère fluctuant et variable a été fort justement relevé par les premiers juges, il y a lieu de constater que la persistance de doute quant à la réalité des faits reprochés à Dominique Y..., justifie qu'il soit renvoyé des fins de la poursuite ;

"et aux motifs adoptés que de l'exposé ci-dessus et de l'examen attentif du dossier, il résulte les éléments suivants : 1) Dominique Y... n'a jamais cessé de nier les accusations de sa belle-fille ; il ne présente pas de trouble (s) psychologique (s) ou psychiatrique (s) ; il jouit d'une bonne réputation et son épouse persiste à le soutenir alors qu'elle n'avait pas hésité à effectuer toutes les démarches nécessaires lors des accusations de sa fille (dépôt de plainte, éloignement immédiat de la jeune fille de son beau-père dès ses accusations et jusqu'à son audition par les enquêteurs, acceptation du retour de sa fille dans sa famille paternelle...) ; en outre, il convient de relever que le prévenu n'a pas hésité à faire des déclarations précises quant à sa vie sexuelle personnelle et à son couple (photographies, cassettes vidéo, lingerie, intervention de tiers... éléments destinés à pimenter et consolider le couple dont il ne dissimulait nullement l'appétit sexuel) ; 2) Claire X... apparaît comme une jeune fille au passé familial perturbé : divorce des parents très conflictuel, errements. d'un parent à un autre, famille paternelle malveillante à l'égard de la mère décrite comme la cause du divorce; à l'époque de ses accusations, elle traversait une période de sa vie particulièrement troublée : adolescence (15 ans), premières relations sexuelles (décevantes... ), rappel de la mort du grand-père maternel dans des conditions très spéciales, découverte de la vie intime de sa mère ; quant à ses déclarations, elles ont varié considérablement au fil du temps, ses accusations s'alourdissant constamment dès son retour chez son père (menaces, contraintes... elles apparaissent souvent en contradiction les unes avec les autres et certaines sont peu crédibles (scènes de la douche) ; il semble en outre que la manipulation des tiers ne lui soit pas étrangère (pseudo-découverte de l'album photographique en présence de ses camarades le 26 septembre alors qu'elle en fait état auprès de Marie-Rose C... dès le 23 septembre) ; enfin, ses déclarations à l'audience révélaient le ressentiment persistant de la jeune fille à l'encontre de sa mère qui lui avait "volé un petit ami potentiel dont elle était amoureuse" ;

en conséquence, en l'absence de tout élément objectif de nature à étayer les accusations de la jeune femme, par ailleurs variables et fluctuantes, il existe un doute quant à la réalité des faits reprochés au prévenu Dominique Y... lequel doit donc être relaxé ;

"alors que, au soutien de leur appel, les parties civiles faisaient valoir qu'au cours de son audition devant les gendarmes Claire X... avait donné une description précise de l'anatomie de Dominique Y... dans ce qu'elle a de plus intime et plusieurs détails précis qui avaient pu être vérifiés ; qu'ainsi, il était établi que Dominique Y... s'était montré nu devant la victime, ce qu'il avait pourtant nié lors de sa confrontation avec Claire X... (concl. 10 janvier 2002, p. 3) ; qu'en ne s'expliquant pas sur cet élément de nature à établir la réalité de l'agression sexuelle dont Claire X... avait été victime, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve des infractions reprochées n'était pas rapportée à la charge du prévenu, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant les parties civiles de leurs prétentions ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Ponroy conseiller rapporteur, M. Le Gall conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-83841
Date de la décision : 26/03/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, 14 mars 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 26 mar. 2003, pourvoi n°02-83841


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.83841
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