AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que M. X..., salarié affilié au régime général, en arrêt maladie depuis le 24 juin 1996, a été placé en détention provisoire du 10 décembre 1996 au 10 avril 1997 ; que la caisse primaire d'assurance maladie lui a refusé le service des indemnités journalières pendant sa période d'incarcération ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Attendu que l'assuré social fait grief à l'arrêt attaqué (Grenoble, 21 juin 2000) d'avoir approuvé la décision de la Caisse, alors, selon le moyen, que toute personne a droit au respect de ses biens, nul ne pouvant être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ; que la détention provisoire ne peut justifier une telle privation compte tenu de la présomption d'innocence dont bénéficie toute personne qui n'a pas fait l'objet d'une condamnation ; qu'en refusant cependant à une personne les droits à indemnité qu'elle avait acquis au titre de son affiliation au régime d'assurance maladie des salariés au seul motif de son placement en détention provisoire, la cour d'appel a privé cette personne de ses biens sans justification et a ainsi violé l'article 1er du protocole n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales combiné avec l'article 6-2 de cette Convention ;
Mais attendu que le Code de la sécurité sociale prévoit en son article L.381-30 une affiliation obligatoire des détenus aux assurances maladie et maternité du régime général ; que l'article L.381-30-1 précise que cette affiliation n'ouvre droit qu'aux prestations en nature, de sorte que l'incarcération interrompt, le cas échéant, le service des indemnités journalières versées en vertu d'une affiliation antérieure; que ces dispositions, qui n'affectent pas la présomption d'innocence des détenus provisoires, n'apportent au droit de propriété qu'une restriction justifiée par la nature des prestations en espèces, destinées à compenser une perte de revenus provoquée par l'incapacité physique de travailler ; que cette branche du moyen ne peut être accueillie ;
Sur les première, troisième et quatrième branches du moyen unique :
Attendu que M. X... fait encore grief à la cour d'appel d'avoir statué comme elle l'a fait alors, selon le moyen, que les articles L.381-30 et L. 381-30-1 du Code de la sécurité sociale ne sont pas applicables aux personnes placées en détention provisoire qui bénéficient à un autre titre d'une affiliation à un régime d'assurance maladie et maternité ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes précités ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions par lesquelles M. X... faisait valoir que la CPAM ne démontrait pas qu'il avait effectivement changé de régime de sécurité sociale lors de son incarcération alors qu'il appartenait à la Caisse de rapporter cette preuve et qu'au contraire de nombreux éléments permettaient d'exclure qu'une modification de régime soit effectivement intervenue, la cour d'appel a privé sa décicion de motifs en violation des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions par lesquelles M. X... faisait valoir que le principe de la présomption d'innocence s'opposait à ce qu'il soit privé des indemnités journalières auxquelles il avait droit pendant son incarcération, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation des articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a exactement décidé que les articles L.381-30 et L.381-30-1 du Code de la sécurité sociale s'appliquaient de plein droit à tous les détenus sans distinction ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille trois.