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19/03/2003 | FRANCE | N°02-82694

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 mars 2003, 02-82694


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Francis,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 18 mars 2002, qui, pour fraude fiscale, l'a

condamné à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 15 244,91 euros d'amende, a ordonné l'af...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix-neuf mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ROGNON, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Francis,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 18 mars 2002, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 15 mois d'emprisonnement avec sursis et 15 244,91 euros d'amende, a ordonné l'affichage et la publication de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 du Code général des impôts, L. 227 du Livre des procédures fiscales, 121-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Francis X... coupable du délit de fraude fiscale visé à la prévention, pour s'être soustrait volontairement et frauduleusement à l'établissement et au paiement total de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 1995, en minorant sa décision d'ensemble des revenus, et d'avoir abusivement par ce moyen, obtenu la restitution d'avoirs fiscaux et l'a condamné aux peines de 15 mois d'emprisonnement avec sursis et à 15 244,91 euros d'amende ;

"aux motifs propres et adoptés que Francis X..., divorcé depuis 1990 et dont les deux enfants nés respectivement en 1984 et 1986 ont été confiés à la garde de la mère, a mentionné sur la déclaration d'ensemble de ses revenus dus au titre de l'année 1995, que ses deux enfants mineurs étaient effectivement à sa charge, alors qu'il avait précisé également à la rubrique "charges déductibles" avoir versé la somme de 434 655 francs à titre de pension alimentaire ; que Francis X... fait valoir qu'après son divorce, il a informé l'administration des Impôts des changements intervenus dans sa situation matrimoniale et familiale par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 28 février 1991 ;

que, par ailleurs, après son divorce, il établissait ses déclarations de revenus sur des imprimés vierges et non pré-imprimés par l'Administration, ce qui explique son omission pour ce qui concerne la modification du quotient familial ; qu'il est, dès lors, de bonne foi ;

mais que la Cour constate qu'il a bénéficié, à tort, de 1991 à 1994, de 2,5 parts et que, si l'on s'en tient à sa version selon laquelle il établissait lui-même ses déclarations de revenus, il aurait dû indiquer dans le cadre n° 3 page 1 à la rubrique "situation et charges de famille" "divorcé, aucun enfant à charge" ; qu'en outre, lors de la réception de "l'avis d'impôt sur le revenu", il ne pouvait que s'apercevoir en page 1 qu'était mentionné dans le cadre "nombre de parts" le chiffre "2,5" ; que, s'agissant plus particulièrement de la déclaration pour les revenus de l'année 1995 visée à la prévention, il n'a pas davantage réagi au contenu de la rubrique 5 page 1 de la déclaration, située juste au-dessus de sa signature, savoir "vous avez deux enfants mineurs à votre charge" alors qu'il lui était expressément demandé dans la même rubrique, préalablement "si la situation indiquée ci-dessous est fausse ou incomplète, remplissez intégralement le cadre C page 2", invitation, sinon injonction, à laquelle, à l'évidence, il n'a pas souhaité répondre ; qu'il convient de rappeler que le régime de l'imposition sur le revenu repose sur un régime déclaratif ; que, dès lors, Francis X... ne peut prétendre être de bonne foi ;

"alors que le délit de fraude fiscale est une infraction intentionnelle qui n'est constituée que si le contribuable a méconnu de façon volontaire et consciente la loi fiscale ; qu'en se contentant de déduire l'intention frauduleuse de Francis X... de ce qu'il n'aurait pas réagi aux mentions portées sur les déclarations de revenus et avis d'imposition reçus relativement à sa situation familiale, quand il était établi qu'il avait informé l'administration fiscale de sa nouvelle situation matrimoniale et familiale résultant du prononcé de son divorce dès le 28 février 1991, la cour d'appel n'a pas valablement caractérisé l'élément intentionnel du délit de fraude fiscale reproché au prévenu au regard des textes visés au moyen" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 du Code général des impôts, L. 227 du Livre des procédures fiscales, 121-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Francis X... coupable du délit de fraude fiscale visé à la prévention, pour s'être soustrait volontairement et frauduleusement à l'établissement et au paiement total de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 1995, en minorant sa déclaration d'ensemble des revenus, et d'avoir abusivement, par ce moyen, obtenu la restitution d'avoirs fiscaux et l'a condamné aux peines de quinze mois d'emprisonnement avec sursis et à 15 244,91 euros d'amende ;

"aux motifs propres et adoptés qu'il est également fait grief à Francis X... de ne pas avoir déclaré une plus-value de 3 450 794 francs réalisée lors de la cession, dans le cadre d'une opération de "stock options" le 25 janvier 1995, des 1 131 actions de la SA "EMAP INTERNATIONAL" qu'il détenait depuis le 1er janvier 1993 ; que Francis X... fait valoir qu'il a fait une erreur de droit en ne déclarant pas cette plus-value de cession desdites actions ; qu'il avait consulté le juriste de l'entreprise qui lui avait indiqué qu'il n'était pas assujetti au paiement d'une plus-value et qu'il ignorait la législation en la matière, celle-ci ayant varié à plusieurs reprises ; mais que le prévenu ne saurait valablement invoquer son ignorance en la matière eu égard à son cursus universitaire (sciences politiques et licence en droit) et à ses responsabilités professionnelles successivement assumées, plus particulièrement celles de président-directeur général de la société SA "EDITIONS MONDIALES" devenue "EMAP INTERNATIONAL", qui l'amenait nécessairement à être au fait du régime fiscal applicable à ce dispositif de participation des cadres aux fruits de l'entreprise ;

qu'au demeurant, rien ne l'empêchait de demander conseil à l'Administration, ni de faire la déclaration de ladite plus-value, laissant ainsi le soin aux services fiscaux, et à eux seuls, d'en apprécier le caractère imposable ou non ;

"1 ) alors que tout jugement doit contenir les motifs propres à justifier sa décision ; qu'en jugeant que Francis X... s'était rendu coupable de fraude fiscale pour ne pas avoir déclaré la plus-value réalisée lors de la cession de ses stock-options de la société EMAP, sans indiquer le texte auquel il aurait contrevenu en n'effectuant pas une telle déclaration, la cour d'appel n'a pas valablement motivé sa décision ;

"2 ) alors que le délit de fraude fiscale est une infraction intentionnelle qui n'est constituée que si le contribuable a méconnu de façon volontaire et consciente la loi fiscale ; qu'en retenant Francis X... dans les liens de la prévention pour avoir omis de déclarer la plus-value réalisée sur la cession de ses stock-options, aux seuls motifs qu'il ne pouvait invoquer une erreur sur le droit, sans aucunement caractériser sa volonté d'échapper au paiement de l'impôt, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen ;

"3 ) alors que les juges du fond ne peuvent déduire la culpabilité d'un prévenu de motifs contradictoires ; qu'en l'espèce, la cour d'appel appréciant in concreto la cause d'irresponsabilité invoquée par Francis X..., a affirmé que, compte tenu de son cursus universitaire et de ses responsabilités professionnelles, le prévenu était "nécessairement" au fait du régime fiscal applicable aux stock-options ; que, cependant, elle a ensuite affirmé que "rien ne l'empêchait de demander conseil à l'Administration" ou de laisser le soin aux services fiscaux "d'en apprécier le caractère imposable ou non" ce qui suppose que les règles d'imposition des stock-options présentaient une certaine complexité et que le prévenu pouvait légitimement les ignorer ; qu'en déduisant la culpabilité de Francis X... de ces motifs contradictoires, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes visés au moyen" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741, 111 c) et 1763 a) du Code général des impôts, L. 227 du Livre des procédures fiscales, 121-3 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Francis X... coupable du délit de fraude fiscale visé à la prévention, pour s'être soustrait volontairement et frauduleusement à l'établissement et au paiement total de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 1995, en minorant sa déclaration d'ensemble des revenus, et d'avoir abusivement par ce moyen, obtenu la restitution d'avoirs fiscaux et l'a condamné aux peines de quinze mois d'emprisonnement avec sursis et à 15 244,91 euros d'amende ;

"aux motifs adoptés qu'il est enfin reproché à Francis X... d'avoir bénéficié d'un avantage occulte obtenu lors de l'acquisition, les 20 et 27 juillet 1995, des 2 499 parts de la SCI LORCHAPA (...) ; que le rapport de vérification révèle que, le 30 juin 1993, les sociétés La Grosse Haye et l'Arbre Vert, filiales de la SA EDITIONS MONDIALES, avaient acquis auprès de cette dernière les 2 500 parts composant le capital de la SCI LORCHAPA pour le prix de 1 100 000 francs ; que ces deux sociétés avaient revendu 2 499 parts de cette société civile immobilière à Francis X... pour le prix de 1 199 520 francs, la part restante étant acquise par Mme Y... pour le prix de 480 francs (...) ; que la Cour, sans se livrer à une estimation immobilière, constate que le prix de 9 302 francs du mètre carré payé par Francis X... paraît très sous-évalué par rapport au prix pratiqué dans un site aussi prestigieux ; que Francis X..., homme d'affaires avisé, n'a pu l'ignorer ; que la Cour constate également que ce bien immobilier lui a été vendu, peu de temps après son licenciement intervenu le 28 février 1995, par deux filiales de la SA EMAP FRANCE anciennement SA EDITIONS MONDIALES dans laquelle il était auparavant président-directeur général ; qu'il convient de préciser que l'évaluation de ces titres fixée par la SA EDITIONS MONDIALES lors de la première cession intervenue le 30 juin 1993 a été considérée comme caractéristique d'un acte anormal de gestion et, par suite, remise en cause au terme de la vérification de comptabilité dont cette société a fait l'objet ; que, dès lors, l'Administration a pu valablement estimer que cette cession de parts constituait un avantage occulte dont il n'appartient pas à la Cour d'en fixer le montant, le juge pénal n'étant pas le juge de l'assiette de l'impôt (...) ;

"1 ) alors qu'un motif dubitatif, qui marque un doute sur un point de fait essentiel à la solution du litige, ne peut suffire à donner une base légale à la décision ; qu'en affirmant que le prix de 9 302 francs du mètre carré par Francis X... "paraît très sous-évalué par rapport au prix pratiqué dans un site aussi prestigieux", la cour d'appel a statué par des motifs dubitatifs et entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ;

"2 ) alors que le délit de fraude fiscale est une infraction intentionnelle qui n'est constituée que si le contribuable a méconnu de façon volontaire et consciente la loi fiscale ; qu'en jugeant Francis X... coupable d'avoir bénéficié d'un avantage occulte, aux seuls motifs qu'étant un homme d'affaires avisé, il n'avait pu ignorer que le prix d'acquisition des parts de la société civile immobilière était sous-évalué, la cour d'appel n'a pas valablement caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction de fraude fiscale et a ainsi entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des textes visés au moyen ;

"3 ) alors que les juges sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions qui leur sont régulièrement présentées ; que Francis X... faisait valoir dans ses conclusions que, pour effectuer son redressement, l'administration fiscale s'était livrée à un détournement de procédure ayant eu pour effet de le priver des garanties offertes au contribuable vérifié et donc de la possibilité d'établir le caractère justifié du prix payé pour l'acquisition des parts de la SCI LORCHAPA ; qu'en estimant que le prix payé par Francis X... paraissait très sous-évalué sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions du prévenu, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motif certain ;

"4 ) alors que l'avantage occulte est celui qui est consenti par une société à l'un de ses salariés ou actionnaires sans que l'administration fiscale n'en ait eu connaissance ; qu'en jugeant que la cession des parts de la SCI LORCHAPA consentie par les sociétés La Grosse Haye et l'Arbre Vert à Francis X... constituait un avantage occulte, quand celui-ci n'était plus ni salarié ni associé de la société EMAP INTERNATIONAL, la cour d'appel a violé les articles 111 c) et 1763 a) du Code général des impôts" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit de fraude fiscale dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Pibouleau conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-82694
Date de la décision : 19/03/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 9ème chambre, 18 mars 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 mar. 2003, pourvoi n°02-82694


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.82694
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