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19/03/2003 | FRANCE | N°01-10680;01-10681

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mars 2003, 01-10680 et suivant


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois E 01-10.680 et F 01-10.681 ;

Sur le moyen commun aux deux pourvois :

Attendu que, selon les arrêts attaqués (Poitiers, 6 mars 2001), M. X... et M. Y..., officiers mécaniciens servant à bord de navires de la société Fish immatriculés dans le territoire des Terres australes et antarctiques françaises, ont été licenciés pour motif économique le 7 février 1996 ;

Attendu que la société Fish fait grief aux arrêts d'avoir d

it les licenciements de M. X... et de M. Y... abusifs et de l'avoir condamnée à leur payer des ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu la connexité, joint les pourvois E 01-10.680 et F 01-10.681 ;

Sur le moyen commun aux deux pourvois :

Attendu que, selon les arrêts attaqués (Poitiers, 6 mars 2001), M. X... et M. Y..., officiers mécaniciens servant à bord de navires de la société Fish immatriculés dans le territoire des Terres australes et antarctiques françaises, ont été licenciés pour motif économique le 7 février 1996 ;

Attendu que la société Fish fait grief aux arrêts d'avoir dit les licenciements de M. X... et de M. Y... abusifs et de l'avoir condamnée à leur payer des dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1 / que le licenciement faisant suite à la cessation d'activité et à la disparition corrélative de l'emploi est légitime au sens de la loi du 15 décembre 1952, portant Code du travail d'Outre-mer si la cessation d'activité n'est pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable ; qu'ayant acquis la totalité de la flotte de la Compagnie nationale de navigation (CNN), le groupe américain Seacor a décidé de procéder lui-même à l'armement jusqu'alors confié à la société Fish, engendrant la suppression de l'activité de gestion et d'armement de la flotte cédée ; qu'en s'attachant à apprécier l'opportunité de la cession des navires pour conclure à l'illégitimité du licenciement, sans caractériser la faute ou la légèreté blâmable dont se serait rendue coupable la société CNN procédant à la cession, le juge du fond a privé sa décision de base légale au regard des articles 38 et 42 de la loi du 15 décembre 1952, portant Code du travail d'Outre-Mer ;

2 / que, seul texte applicable aux marins servant à bord des navires immatriculés dans les Terres australes et antarctiques françaises et ne prévoyant, en matière de licenciement et au contraire du Code du travail maritime, aucun renvoi aux dispositions du Code du travail, le Code du travail d'Outre-mer, répute un licenciement illégitime lorsque l'employeur a abusé de son droit de résiliation unilatérale ; que le concept d'abus du droit de rupture au sens de la loi du 15 décembre 1952, portant Code du travail d'Outre-mer ne peut être appréhendé par le biais des lois des 13 juillet 1973, 3 janvier 1975 et 30 décembre 1986, ayant réformé le droit commun du licenciement dans le Code du travail, ni de la jurisprudence rendue en application des ces nouvelles dispositions ; qu'au sens de la loi du 15 décembre 1952 portant Code du travail d'Outre-mer, la résiliation est légitime chaque fois qu'elle est motivée par l'intérêt de l'entreprise, l'entrepreneur étant seul juge de l'opportunité d'une réorganisation de celle-ci et n'étant pas, en cette hypothèse, animé par une intention de nuire ou l'auteur d'une faute intentionnelle ou d'une légèreté blâmable ; que connaissant un endettement très important, la société CNN a été contrainte, afin de préserver le reste de ses activités et les emplois y étant attachés, de procéder à des cessions d'actifs et notamment de navires ; que, susceptibles de corriger un résultat déficitaire insupportable, ces cessions à la société américaine Seacor ont engendré une situation de sureffectif des marins employés par la société Fish ; qu'en estimant illégitimes les licenciements de M. X... et de M. Y... sans constater un abus au sens du Code du travail d'Outre-mer, mais en recourant au concept de sauvegarde de la compétitivité issu de la dernière jurisprudence relative au Code du travail inapplicable, le juge d'appel a méconnu la spécificité de la législation sociale applicable aux Terres australes et antarctiques françaises, ainsi que le principe constitutionnel de spécialité et violé de ce fait les articles 38 et 42 du Code du travail d'Outre mer par refus d'application, l'article

L. 321-1 du Code du travail, par fausse application et l'article 74 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

3 / que le prix des navires cédés en septembre et décembre 1993 a été acquitté par versement d'une somme au comptant, par émission de traites d'un montant et par transfert d'obligations convertibles à échéance de 1996, converties à hauteur de 2,5% du capital de Seacor pour être immédiatement cédées ; que le prix des navires cédés en novembre et décembre 1995, a été acquitté par versement d'une somme au comptant et par remise d'actions représentatives de 5% du capital de la société Seacor ; qu'ayant une valeur de 55 000 000 francs lors de la cession, ces actions ont été cédées le 3 juillet 1996 pour un montant de 98 160 000 francs, après reprise du marché boursier ; qu'il ressort de ces circonstances de fait que le prix ayant été pour plus de la moitié acquitté au comptant, la cession des navires a permis d'injecter immédiatement d'importantes liquidités dans la trésorerie ; qu'en tout état de cause, la cession des navires dont l'exploitation était déficitaire moyennant l'attribution d'actions de la société Seacor était de nature à améliorer la santé financière de la société CNN, tant au cours de la période de détention de ces actions, que lors de leur cession avec réalisation d'une importante et prévisible plus-value ; qu'en mettant en doute la réalité des difficultés économiques, en constatant que la cession des navires moyennant l'attribution d'actions n'était pas de nature à remédier à la situation déficitaire et que le groupe ne s'était pas vu imposer ce mode de paiement, le juge du fond a déduit un motif dépourvu de valeur et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 42 de la loi du 15 décembre 1952, portant Code du travail d'Outre-mer ;

4 / qu'une société connaît des difficultés économiques lorsque son résultat d'exploitation est déficitaire sur plusieurs années consécutives, et ce, quand bien même le déficit provient des dotations aux amortissements obligatoires dans toute comptabilité et dont le montant ne peut être arbitrairement choisi ; que la société CNN ne pouvait éviter, étant donnés les tableaux d'amortissement devant impérativement être appliqués, de provisionner en 1994 et 1995 des sommes au titre des amortissements ; que, résultant essentiellement de cette dotation spécifique, le déficit financier connu au cours de ces deux années témoigne de la mauvaise situation financière de la société CNN ; qu'en déduisant l'absence de difficultés économiques de la circonstance que les déficits apparaissant au compte d'exploitation des exercices 1994 et 1995 correspondaient pratiquement au montant des dotations aux amortissements et qu'il n'était pas justifié d'investissements correspondants au cours des exercices suivants, le juge d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 38 et 42 de la loi du 15 décembre 1952 portant Code du travail d'Outre-mer ;

5 / que la cotation de la société CNN par la Banque de France le 29 novembre 1996, faisait état de "réserves sur la rentabilité et sur la structure financière" ; qu'en prenant acte de cette cotation pour contester la réalité des difficultés économiques, sans expliquer en quoi les réserves émises n'étaient pas suffisantes à établir les graves difficultés financières de la société, le juge d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 38 et 42 de la loi du 15 décembre 1952, portant Code du travail d'Outre-mer ;

6 / qu'en application du Code du travail d'Outre-mer demeuré en dehors de la réforme du 13 juillet 1973, instituant l'égalité des parties sur le terrain probatoire, il appartient au salarié licencié d'apporter la preuve de l'abus commis par son employeur dans l'exercice du droit de rupture unilatérale ; qu'en estimant que "le législateur n'a pas entendu mettre la charge de la preuve sur le salarié" et qu' "il apparaît qu'en définitive la preuve incombe à l'employeur puisque le texte déclare abusif le licenciement effectué sans motif légitime", le juge d'appel a fait peser la charge et le risque de la preuve sur le seul employeur et a, de ce fait, violé les articles 38 et 42 de la loi du 15 décembre 1952, portant Code du travail d'Outre mer, ensemble l'article 1315 du Code civil ;

7 / qu'en tout état de cause, en application du droit commun issu du Code du travail, tenu d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, le juge doit former sa conviction au vu des éléments fournis par les parties et après avoir procédé à toute mesure d'instruction, qu'il estime utile sans faire peser la charge de la preuve sur le seul employeur et se borner à relever sa carence dans l'administration de celle-ci ; qu'en mettant à la charge de l'employeur la preuve du caractère réel et sérieux du motif du licenciement, le juge d'appel a méconnu son office ainsi que l'égalité des parties sur le plan probatoire valable a fortiori dans le droit social issu du Code du travail d'Outre-Mer et a violé les articles 38 et 42 de la loi du 15 décembre 1952 portant Code du travail d'Outre-mer ;

Mais attendu que les moyens ne tendent qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond qui ont retenu qu'au sens des articles 38 et 42 du Code du travail d'Outre-mer les licenciements de M. X... et de M. Y... étaient abusifs ; qu'ainsi, abstraction faite de motifs erronés mais surabondants, les pourvois ne peuvent être accueillis ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Fish aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Fish à payer à M. X... et à M. Y... la somme de 1 000 euros chacun ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 01-10680;01-10681
Date de la décision : 19/03/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Code du travail d'Outre-mer - Licenciement - Licenciement abusif - Appréciation souveraine .

POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Contrat de travail - Licenciement - Licenciement abusif - Code du travail de l'Outre-mer

DEPARTEMENTS ET TERRITOIRES D'OUTRE-MER (y compris les collectivités territoriales) - Territoires - Terres australes et antarctiques - Contrat de travail - Licenciement abusif - Appréciation souveraine

Les juges du fond apprécient souverainement si, au sens des articles 38 et 42 du Code du travail d'Outre-mer, un licenciement est abusif.


Références :

Code du travail d'Outre-mer 38, 42

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 06 mars 2001


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mar. 2003, pourvoi n°01-10680;01-10681, Bull. civ. 2003 V N° 102 p. 97
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 V N° 102 p. 97

Composition du Tribunal
Président : M. Sargos .
Avocat général : M. Foerst.
Rapporteur ?: M. Chauviré.
Avocat(s) : la SCP Gatineau, la SCP Boré, Xavier et Boré.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:01.10680
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