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13/03/2003 | FRANCE | N°01-17418

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 13 mars 2003, 01-17418


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué que le mineur Jean-Fernand X..., scolarisé dans le collège d'enseignement privé sous contrat Notre-Dame de Toutes Aides, a fait l'objet, à la fin de l'année de troisième et au vu d'une moyenne générale de 10,23 sur 20, d'une proposition du conseil de classe l'orientant vers une classe de seconde professionnelle ;

que les époux X... ayant formé recours contre cette décision, une commission d'appel a rejeté leur demande d'orientation

de leur fils en seconde générale pour motif de niveau insuffisant ; qu'estimant...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu selon l'arrêt attaqué que le mineur Jean-Fernand X..., scolarisé dans le collège d'enseignement privé sous contrat Notre-Dame de Toutes Aides, a fait l'objet, à la fin de l'année de troisième et au vu d'une moyenne générale de 10,23 sur 20, d'une proposition du conseil de classe l'orientant vers une classe de seconde professionnelle ;

que les époux X... ayant formé recours contre cette décision, une commission d'appel a rejeté leur demande d'orientation de leur fils en seconde générale pour motif de niveau insuffisant ; qu'estimant que cette décision leur avait porté préjudice, les époux X..., agissant en leur nom propre et comme représentants légaux de leur enfant ont assigné en réparation notamment le directeur diocésain de l'enseignement catholique de Loire-atlantique ; qu'un jugement a déclaré l'action recevable contre le directeur diocésain de l'enseignement catholique, ès qualités de représentant de la Direction diocésaine de l'enseignement catholique de Loire-atlantique (la DDEC), et a condamné la DDEC à verser aux époux X... une certaine somme pour perte de chance ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt infirmatif d'avoir débouté les consorts X... de leurs demandes, alors, selon le moyen :

1 / qu'en exonérant la Direction diocésaine de l'enseignement catholique de toute responsabilité pour être étrangère aux décisions du collège, du conseil de classe et de la commission d'appel, cependant que ladite Direction est l'autorité de tutelle de tous les établissements d'enseignement catholique de son ressort et que les consorts X... établissaient, document à l'appui que les décisions de la commission d'appel étaient rendues par son président agissant par délégation du directeur diocésain, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

2 / que le décret n° 91-373 du 16 avril 1991 relatif à l'orientation des élèves dans les établissements d'enseignement privés sous contrat prescrit, en son article 10, que les décisions d'orientation non conformes aux demandes fassent l'objet de motivations signées par le chef d'établissement, motivations comportant les éléments objectifs ayant fondé les décisions en termes de connaissances, de capacité et d'intérêts ; qu'en l'espèce, les consorts X... faisaient valoir dans leurs conclusions que la décision refusant le passage en seconde générale, en dépit de la moyenne annuelle de l'élève de 10,23/20, se bornait à indiquer "niveau insuffisant pour un passage en seconde" et ne répondait donc pas aux exigences du décret ; qu'en s'abstenant d'apprécier la conformité de cette motivation lapidaire avec les exigences légales afin de se prononcer comme il lui était demandé sur une faute de la Direction diocésaine de l'enseignement catholique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, ensemble des articles 10 susvisé du décret du 16 avril 1991 et 2 du protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme ;

3 / que l'article 11 du décret n° 91-373 du 16 avril 1991 prescrit que la commission d'appel appelée à se prononcer sur les décisions d'orientation non conformes aux demandes soit composée, pour les deux tiers au moins de ses membres, par des chefs d'établissements, des professeurs et des représentants de parents d'élèves ; qu'en dépit des conclusions des consorts X... indiquant qu'aucun chef d'établissement ne siégeait dans la commission réunie le 17 juin 1998, la cour d'appel a estimé qu'elle était régulièrement constituée, étant composée de membres des corps enseignant et d'un représentant de parents d'élèves ; qu'en se prononçant de la sorte, sans relever la présence de chefs d'établissement et au motif inopérant que l'inspection académique n'avait émis aucune critique ni réserve, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 11 susvisé du décret du 16 avril 1991 ;

4 / que les conclusions des consorts X... comportaient un moyen, clair et précis, tiré de la méconnaissance par la Direction diocésaine de l'enseignement catholique de son obligation d'information au regard des dispositions de l'article L. 111-1 du Code de la consommation ; qu'il était à cet égard soutenu qu'en tant que prestataire de services de formation, la Direction diocésaine se devait de faire connaître les caractéristiques essentielles du service de formation délivré et en particulier les conditions d'orientation et de passage d'une classe à l'autre en considération de la notation ; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent des conclusions d'appel, cependant qu'elle devait se prononcer sur la responsabilité éventuelle de la Direction diocésaine du point de vue de son obligation d'information, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

5 / qu'en décidant que, bien qu'avisés le 15 juin de la réunion de la commission d'appel le 17 juin, les consorts X... avaient eu un délai suffisant pour préparer leur dossier, cependant que les premiers juges avaient eux-mêmes relevé que le bulletin du troisième trimestre communiqué aux parents ne comportait pas certaines appréciations de professeurs, la cour d'appel, en écartant de ce chef encore toute faute de la Direction diocésaine de l'enseignement catholique, a violé l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 2 du protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l'homme ;

Mais attendu que l'arrêt retient que la DDEC n'intervient pas dans les décisions d'orientation et de redoublement, ces décisions étant, comme il est normal, du seul ressort de l'équipe éducative et de la direction de l'établissement puis de la commission d'appel dans laquelle ladite direction n'est pas représentée ; que les consorts X..., en faisant appel à une notion de "gestion d'effectifs" dont ils ne précisent pas les contours et n'établissent pas la réalité, échouent dans l'administration, qui leur incombe, de la preuve d'une quelconque faute de la DDEC ; que les consorts X... font référence à un "dysfonctionnement" du collège, à une faute dudit collège, du conseil de classe et de la commission d'appel, faute dans laquelle, si elle existe, il est établi que la DDEC n'a aucune part ;

Que de ces constatations et énonciations, procédant d'une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a pu déduire que les griefs formulés par les consorts X... au titre de l'information des parents d'élèves sur les critères d'orientation scolaire ainsi qu'au titre du fonctionnement et des décisions de la commission d'appel ne pouvaient être imputés à la DDEC ;

D'où il suit que le moyen inopérant en sa quatrième branche est pour le surplus mal fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que pour condamner les consorts X... à payer une indemnité d'un certain montant à la DDEC, l'arrêt retient que leurs demandes formées devant le tribunal de grande instance et devant la cour d'appel sont dépourvues de fondement en droit comme en fait ;

qu'elles ne procèdent pas de leur part d'une parfaite bonne foi et que leur action "gratuite et malicieuse" a porté atteinte "à l'honneur et à la dignité" de la DDEC ;

Qu'en statuant ainsi alors que, sauf circonstances particulières qu'elle ne caractérisait pas en l'espèce, l'action des consorts X... ne pouvait constituer un abus de droit dès lors que sa légitimité avait été reconnue par la juridiction du premier degré, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais uniquement en ce qu'il a condamné les consorts X... à payer à la Direction diocésaine de l'enseignement catholique de Loire-Atlantique la somme de 12 000 francs à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 3 octobre 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la Direction diocésaine de l'enseignement catholique de Loire-Atlantique aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives des consorts X... et de la Direction diocésaine de l'enseignement catholique de Loire-Atlantique ;

Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille trois.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 01-17418
Date de la décision : 13/03/2003
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Enseignement - Collège d'enseignement privé - Décision d'orientation d'un élève - Direction diocésaine de l'enseignement catholique - Absence d'intervention - Portée.

1° ENSEIGNEMENT - Enseignement libre - Etablissement - Etablissement lié à l'Etat par un contrat d'association - Fonctionnement - Décision d'orientation d'un élève - Action en réparation des parents - Responsabilité de la Direction diocésaine de l'enseignement catholique (non).

1° Une cour d'appel qui, sur l'action en réparation exercée par les parents d'un élève scolarisé dans un collège d'enseignement privé sous contrat, en leur nom propre et comme représentants légaux de leur fils, contre le directeur diocésain de l'enseignement catholique ès qualités de représentant de la " Direction diocésaine de l'enseignement catholique ", à la suite de la proposition du conseil de classe orientant leur enfant vers une seconde professionnelle et du rejet, par une commission d'appel, de leur demande d'orientation en seconde générale pour motif de niveau insuffisant, retient que la Direction diocésaine de l'enseignement catholique n'intervient pas dans les décisions d'orientation et de redoublement, ces décisions étant, comme il est normal du seul ressort de l'équipe éducative et de la direction de l'établissement puis de la commission d'appel dans laquelle ladite direction n'est pas représentée, que les parents, en faisant appel à une notion de " gestion d'effectif " dont ils ne précisent pas les contours et n'établissent pas la réalité, échouent dans l'administration, qui leur incombe, de la preuve d'une quelconque faute de la Direction diocésaine de l'enseignement catholique, qu'ils font référence à un " dysfonctionnement " du collège, à une faute dudit collège, du conseil de classe et de la commission d'appel, faute dans laquelle, si elle existe, il est établi que la Direction diocésaine de l'enseignement catholique n'a aucune part, a pu déduire de ces constatations et énonciations, procédant d'une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que les griefs formulés par les parents au titre de l'information des parents d'élèves sur les critères d'orientation scolaire ainsi qu'au titre du fonctionnement de la commission d'appel ne pouvaient être imputés à la Direction diocésaine de l'enseignement catholique.

2° ACTION EN JUSTICE - Exercice abusif - Faute - Légitimité reconnue en première instance - Infirmation en appel - Portée.

2° RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Abus de droit - Action en justice - Légitimité reconnue en première instance - Portée.

2° L'action en justice ne peut constituer un abus de droit dès lors que sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré. Viole l'article 1382 du Code civil la cour d'appel qui, pour condamner une partie à payer une indemnité pour l'exercice abusif de son droit d'agir en justice, retient que ses demandes, accueillies partiellement en première instance et rejetées en appel, sont dépourvues de fondement en droit comme en fait, qu'elles ne procèdent pas de sa part d'une parfaite bonne foi et que son action " gratuite et malicieuse " a porté atteinte " à l'honneur et à la dignité " de la partie adverse.


Références :

2° :
Code civil 1382

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 03 octobre 2001

A RAPPROCHER : (2°). Chambre civile 1, 2001-10-09, Bulletin 2001, I, n° 244, p. 154 (cassation partielle sans renvoi)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 13 mar. 2003, pourvoi n°01-17418, Bull. civ. 2003 II N° 66 p. 58
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2003 II N° 66 p. 58

Composition du Tribunal
Président : M. Ancel.
Avocat général : Premier avocat général : M. Benmakhlouf.
Rapporteur ?: M. Bizot.
Avocat(s) : la SCP Le Bret-Desaché, la SCP Tiffreau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:01.17418
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