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11/03/2003 | FRANCE | N°02-82578

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 mars 2003, 02-82578


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN et de Me JACOUPY, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Clotilde,

- Y... Nadine, épouse Z...,

- A... Sophie, épouse B...,

contre l'arrêt de la cour d'app

el de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 14 mars 2002, qui, pour violation d'un arrêté préfectoral...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle RICHARD et MANDELKERN et de Me JACOUPY, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Clotilde,

- Y... Nadine, épouse Z...,

- A... Sophie, épouse B...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 14 mars 2002, qui, pour violation d'un arrêté préfectoral pris en application de l'article L. 221-17 du Code du travail, a prononcé, pour chacune, une dispense de peine, et a statué sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

I - Sur l'action publique :

Attendu qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 6 août 2002, sont amnistiées les contraventions de police lorsque, comme en l'espèce, elles ont été commises avant le 17 mai 2002 ; qu'ainsi, l'action publique s'est trouvée éteinte à l'égard des prévenues dès la publication de ce texte ;

Attendu, cependant, que, selon l'article 21 de la loi d'amnistie précitée, la juridiction de jugement saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;

II - Sur l'action civile :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 221-17 et R. 262-1 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Clotilde X..., Nadine Z... et Sophie B... coupables d'avoir omis de respecter le jour de fermeture hebdomadaire des boulangers pâtissiers fixé par arrêtés des 13 mai 1953, 5 juillet 1979 et 8 février 2000 du préfet de l'Allier, en organisant elle-même une activité de vente de pain et de viennoiserie à emporter et en ayant recours à plusieurs employés ;

"aux motifs que les différents prévenus ne sauraient faire grief à quiconque de ne pas avoir été conviés aux négociations ayant abouti à l'accord signé le 13 mai 1953, dans la mesure où à l'époque, les différentes activités ayant pour but la vente de pain, de viennoiseries qu'ils exercent n'existaient pas ; que par ailleurs, les données statistiques fournies ne permettent pas d'affirmer avec certitude, comme l'a fait la cour administrative d'appel de Lyon, que les parties signataires de l'accord de 1953 ne sont plus majoritaires dans la fabrication et la vente du pain et qu'il n'est pas soutenu que les organisations professionnelles signataires de cet accord n'étaient pas majoritaires dans la profession, à l'époque ; que l'arrêté préfectoral du 13 mai 1953 du préfet de l'Allier, qui vise notamment un accord intervenu entre le syndicat des patrons boulangers et des boulangers pâtissiers de l'Allier et l'union départementale des syndicats ouvriers boulangers du 30 avril 1953, dispose que "seront fermés le lundi les boulangeries, boulangeries pâtisseries, dépôts de pain du département de l'Allier et que pendant la journée de fermeture la fabrication et la vente du pain sont interdites" ; que cet arrêté est donc applicable à tout professionnel qui exerce une activité principale ou non, ayant pour objet la fabrication, la vente et le dépôt de pain et produits visés ; que cet arrêté vise une activité et non une profession ; que dès lors peu importe que celui-ci qui se livre à cette activité relève d'une profession autre que la profession de boulangers, telle que définie par la loi du 13 mai 1998, avec des conventions collectives différentes pour les jours de repos des salariés ; que les arrêtés du 7 juillet 1979 et 8 février 2000 ne sont pas des arrêtés accordant des dérogations, mais de simples arrêtés visant à aménager les dispositions prises par l'arrêté du 13 mai 1953 ; que les exceptions d'illégalité et d'inopposabilité des arrêtés préfectoraux seront donc rejetées ;

"alors que lorsqu'un accord est intervenu entre les syndicats d'employeurs et de travailleurs d'une profession déterminées sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné au personnel, le préfet du département peut, par arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de la profession ou de la région pendant toute la durée de ce repos ; que toutefois, lorsque cet arrêté concerne des établissements concourant d'une façon directe au ravitaillement de la population en denrées alimentaires, il peut être abrogé ou modifié par le ministre chargé du travail ; que s'agissant de telles denrées, il appartient dès lors à l'autorité administrative d'apprécier à tout moment si elle doit maintenir sa réglementation, au regard des modifications notables pouvant être intervenues dans l'opinion des intéressés ; que l'arrêté préfectoral maintenu malgré de telles modifications est illégal ; qu'il appartient au juge pénal, saisi d'une exception d'illégalité d'un tel arrêté préfectoral, d'en apprécier la légalité ; qu'en se bornant, pour rejeter l'exception d'illégalité de l'arrêté pris par le préfet de l'Allier le 13 mai 1953, à affirmer que les données statistiques fournies ne permettaient pas d'affirmer avec certitude que les parties signataires de l'accord visé par cet arrêté n'étaient plus majoritaires dans la fabrication et la vente de pain, sans indiquer le contenu de ces statistiques, qui faisaient pourtant apparaître l'existence dans le département de l'Allier de 304 boulangeries et pâtisseries artisanales, employant 573 salariés, pour 495 entreprises de nature différente commercialisant du pain et employant 822 salariés à cette fin, ni expliquer en quoi ces statistiques ne démontraient pas que l'arrêté du 13 mai 1953, pris après consultation des seuls boulangers pâtissiers, ne représentait plus l'opinion majoritaire des professionnels concernés, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 221-17 et R. 262-1 du Code du travail et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Clotilde X..., Nadine Z... et Sophie B... coupables d'avoir omis de respecter le jour de fermeture hebdomadaire des boulangers pâtissiers fixés par arrêtés des 13 mai 1953, 5 juillet 1979 et 8 février 2000 du préfet de l'Allier, en organisant elle-même une activité de vente de pain et de viennoiserie à emporter et en ayant recours à plusieurs employés ;

"aux motifs que Clotilde X... est salariée de la société France Restauration Rapide en qualité de responsable de restaurant Pat à Pain et qu'il est stipulé dans son contrat de travail qu'elle doit se conformer aux instructions permanentes de la société, notamment en ce qui concerne les heures d'ouverture du restaurant ; qu'elle a signé une délégation de pouvoirs avec la mention "Mademoiselle Clotilde X... répondra seule et sera seule mise en cause dans toutes les instructions et actions devant les juridictions répressives concernant l'établissement dont elle a la direction" ; que Sophie A..., épouse B..., est salariée de la société France Restauration Rapide en qualité de directrice du magasin "Packman" ; qu'elle s'est engagée à respecter les instructions permanentes la concernant, ainsi que les dispositions IPR 102 et 103 dont elle a reconnu avoir reçu un exemplaire, et qu'elle a signé une délégation de pouvoir aux termes de laquelle il est stipulé qu'elle répondra seule et sera seule mise en cause dans toutes les instructions et actions devant les juridictions répressives concernant l'établissement dont elle a la direction ; que Nadine Y..., épouse Z..., est elle gérante d'une SARL Lonardo liée à la société France Restauration Rapide par un contrat de location gérance, aux termes duquel les heures et jours d'ouverture sont fixés par le loueur ; qu'il résulte des énonciations elles-mêmes de l'arrêté préfectoral du 8 février 2000, que le préfet de l'Allier a pris une mesure d'aménagement de son arrêté préfectoral du 13 mai 1953 sur l'établissement géré par Nadine Y..., épouse Z..., à la demande de la société France Restauration Rapide et que seule la vente de pain et de viennoiserie à emporter est interdite dans cet établissement le mardi ; que dès lors, Nadine Y..., épouse Z..., ne saurait exciper de ses engagements envers la société France Restauration Rapide pour se soustraire à sa responsabilité pénale ; qu'il en va de même pour Sophie A..., épouse B..., et Clotilde X... dès lors que le respect des arrêtés préfectoraux en matière de vente de pain et de viennoiserie à emporter n'échappent pas aux pouvoirs qui leur sont conférés dans le cadre de la gestion des établissements dont elles sont responsables et n'est pas incompatible avec l'obligation d'ouvrir leurs établissements tous les jours de la semaine ;

"1 ) alors qu'en décidant que les prévenues étaient responsables des heures d'ouverture des fonds de commerce, après avoir pourtant constaté qu'aux termes des contrats les liant à la société France Restauration Rapide, elles devaient se conformer sur ce point aux instructions permanentes qui leurs étaient données par celle-ci, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

"2 ) alors que, lorsque dans un même établissement, deux commerces distincts sont exercés, chacun doit être fermé le jour prévu par l'arrêté qui le réglemente; qu'en déclarant les prévenues coupables d'avoir omis de fermer leur commerce le jour prévu pour les établissements commercialisant du pain, sans rechercher si elles exerçaient cumulativement une activité de dépôt de pain et de restauration rapide et si aucun jour de fermeture n'avait été prévu par cet arrêté pour cette seconde activité, de sorte qu'elles n'étaient pas tenues de fermer leur commerce, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Clotilde X... et Sophie B..., directrices d'établissements de restauration rapide, et Nadine Z..., gérante d'un établissement exerçant la même activité, ont été poursuivies, sur le fondement des articles L. 221-17 et R. 262-1 du Code du travail, pour avoir méconnu les dispositions des arrêtés préfectoraux des 13 mai 1953 et 8 février 2000 prescrivant la fermeture hebdomadaire des boulangeries et dépôts de pain ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation des prévenues, qui invoquaient l'illégalité et l'inopposabilité de l'arrêté préfectoral du 13 mai 1953, dire établis les faits poursuivis et allouer une indemnisation à la Chambre patronale de la boulangerie et pâtisserie de l'Allier, la cour d'appel énonce que les données statistiques ne permettent pas d'affirmer que les signataires de l'accord de 1953, au vu duquel le préfet a pris l'arrêté ci-dessus cité, ne sont plus majoritaires dans la fabrication et la vente de pain et qu'il n'est pas soutenu que les organisations professionnelles signataires de cet accord n'étaient pas majoritaires dans la profession à cette époque ; que les juges retiennent que l'arrêté, qui vise une activité et non pas une profession, est applicable à tous les professionnels qui exercent une activité principale ou accessoire de fabrication, de vente et de dépôt de pain et de viennoiserie ; qu'après avoir relevé que Clotilde X... et Sophie A..., directrices salariées de l'établissement, étaient titulaires d'une délégation de pouvoirs et que Nadine Z..., en qualité de gérante, fixait les jours d'ouverture du magasin, les juges ajoutent qu'il appartenait aux prévenues d'organiser leur gestion dans le respect des arrêtés préfectoraux qui ne leur interdisent pas d'ouvrir leur établissement tous les jours de la semaine ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs exempts d'insuffisance, et dès lors que les prévenues étaient poursuivies, non pas pour avoir ouvert leur établissement le jour de fermeture hebdomadaire, mais pour avoir, ce jour là, organisé la vente de pain et de viennoiserie, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs,

I - Sur l'action publique :

La DECLARE ETEINTE ;

II - Sur l'action civile :

REJETTE le pourvoi ;

CONDAMNE Clotilde X..., Nadine Z... et Sophie B... à payer à la Chambre patronale de la boulangerie et pâtisserie de l'Allier la somme de 800 euros au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Mazars conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-82578
Date de la décision : 11/03/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Repos hebdomadaire - Fermeture des établissements - Arrêté préfectoral poursuivant la fermeture des boulangeries et dépCBts de pain - Portée.


Références :

Code du travail L221-17 et R262-1

Décision attaquée : Cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, 14 mars 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 mar. 2003, pourvoi n°02-82578


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.82578
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