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11/03/2003 | FRANCE | N°02-82577

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 mars 2003, 02-82577


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS et les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et de Me JACOUPY, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Patrice,

- DE Y... Joseph,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 14 mars 200

2, qui, pour violation d'un arrêté préfectoral pris en application de l'article L. 221-17 du Code...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS et les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et de Me JACOUPY, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Patrice,

- DE Y... Joseph,

contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 14 mars 2002, qui, pour violation d'un arrêté préfectoral pris en application de l'article L. 221-17 du Code du travail, a prononcé, pour chacun, une dispense de peine, et a statué sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

I - Sur l'action publique :

Attendu qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 6 août 2002, sont amnistiées les contraventions de police lorsque, comme en l'espèce, elles ont été commises avant le 17 mai 2002 ; qu'ainsi, l'action publique s'est trouvée éteinte à l'égard des prévenus dès la publication de ce texte ;

Attendu, cependant, que, selon l'article 21 de la loi d'amnistie précitée, la juridiction de jugement saisie de l'action publique reste compétente pour statuer sur les intérêts civils ;

II - Sur l'action civile :

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 221-9, L. 221-17 du Code du travail, 6 2 de la Convention européenne des droits de l'homme, 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, du décret du 16 fructidor an III, 427, 591, 593 du Code de procédure pénale, des arrêtés pris par le préfet de l'Allier les 13 mai 1953 et 5 juillet 1979, de la convention collective nationale de la boulangerie industrielle du 13 juillet 1993, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré Patrice X... et Joseph De Y... coupables d'infraction aux arrêtés préfectoraux des 13 mai 1953 et 5 juillet 1979 et les a, en conséquence, condamnés à payer chacun la somme de 150 euros à la Chambre patronale de la boulangerie et pâtisserie de l'Allier à titre de dommages et intérêts ;

"aux motifs qu'il ne pouvait être reproché au préfet de l'Allier d'avoir, en 1953, réglementé la fabrication et la vente de pain en application de l'article L. 221-17 du Code du travail au vu du seul accord conclu entre la Chambre patronale de la boulangerie et pâtisserie de l'Allier et de l'Union départementale des ouvriers boulangers, dès lors qu'il n'était pas établi qu'à l'époque, ils ne constituaient pas la majorité de l'activité concernée ; qu'il en était de même pour l'arrêté du 5 juillet 1979 ; que l'arrêté du 13 mai 1953, conçu en termes très généraux était donc applicable à tous professionnels qui exerçaient une activité principale ou non ayant pour objet la fabrication, la vente et le dépôt de pain et de viennoiseries ; que cet arrêté visait une activité et non une profession, de sorte qu'il visait celui qui se livrait à cette activité même s'il relevait d'une profession autre que celle de boulangers telle que définie par la loi du 13 mai 1998 ; qu'un arrêté devait recevoir application jusqu'à son abrogation et que l'abrogation ne pouvait faire disparaître les infractions déjà consommées ; qu'il importait peu que dans le cadre de conventions collectives spécifiques, le repos des salariés ait pu être organisé de façon particulière et qu'il appartenait à celui qui exerçait une activité de cuisson, fabrication, vente, dépôt de pain et de viennoiserie de respecter la réglementation en vigueur ; que, dès lors, Patrice X... et Joseph De Y..., qui exploitaient des terminaux de cuisson, ne pouvaient valablement alléguer ni l'illégalité de l'arrêté préfectoral servant de base aux poursuites, ni son inopposabilité, ni même l'existence de conventions collectives spécifiques à la boulangerie industrielle sur le repos des salariés ;

"1 - alors qu'il appartient à la partie poursuivante de prouver la culpabilité du prévenu ; qu'en faisant peser sur les prévenus, défendeurs à l'action pénale, la charge d'établir leur innocence en démontrant que les signataires de l'accord servant de fondement aux arrêtés préfectoraux litigieux ne représentaient pas, à l'époque, la majorité des professionnels concernés, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et ainsi violé les textes visés au moyen ;

"2 - alors que le juge pénal est tenu d'ordonner les mesures d'instruction dont la nécessité ressort de ses énonciations ; qu'en se bornant à retenir qu'il n'était pas établi qu'à l'époque, les signataires de l'accord au vu duquel les arrêtés litigieux avaient été pris ne représentaient pas la majorité des professionnels concernés par ces arrêtés, sans ordonner toute mesure d'instruction utile pour connaître le nombre des professionnels intéressés, quand saisie d'une exception d'illégalité des arrêtés litigieux, il lui appartenait de dire si l'accord exprimait ou non la volonté de la majorité de ceux-ci, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

"3 - alors que toute déclaration d'illégalité d'un texte réglementaire par le juge administratif, fût-elle décidée à l'occasion d'une autre instance et à la suite d'un recours en abrogation, s'impose au juge judiciaire qui ne peut plus faire application du texte illégal ; qu'en l'espèce, il ressortait de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 19 juin 2001 devenu définitif et régulièrement versé aux débats par les prévenus qu'à la date des faits litigieux, les organisations signataires des accords au vu desquels les arrêtés litigieux avaient été pris "ne représent(ai)ent plus la majorité indiscutable de tous ceux qui dans le département de l'Allier, exerç(ai)ent l'activité réglementée par les arrêtés préfectoraux en litige", de sorte que "les conditions exigées (...) pour le maintien de cette réglementation n'étaient plus réunies" et que l'illégalité ainsi constatée des arrêtés imposait leur abrogation ;

qu'en faisant application des arrêtés litigieux, quand leur illégalité, qui résultait des circonstances de fait postérieurs à leur signature, avait été clairement constatés par l'arrêt définitif de la cour administrative d'appel, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen ;

"4 - alors qu'en vertu du principe fondamental du droit du travail selon lequel, en cas de conflit de normes, la plus favorable aux salariés doit recevoir application, les dispositions d'une convention collective organisant un repos hebdomadaire par roulement de deux jours consécutifs doivent prévaloir sur celles d'un arrêté préfectoral prescrivant sur la fermeture hebdomadaire des établissements "pendant toute la durée de ce repos" aura lieu un jour précis ; qu'en se bornant à affirmer qu'il importait peu que la convention collective nationale de la boulangerie industrielle du 13 juillet 1993 ait organisé de façon particulière le repos hebdomadaire des salariés, sans rechercher si la teneur de cette convention collective n'excluait pas radicalement l'application des arrêtés litigieux, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Patrice X... et Joseph De Y..., exploitants de "terminaux de cuisson", ont été poursuivis, sur le fondement des articles L. 221-17 et R. 262-1 du Code du travail, pour avoir méconnu les dispositions des arrêtés préfectoraux des 13 mai 1953 et 5 juillet 1979 prescrivant la fermeture hebdomadaire des boulangeries et dépôts de pain ;

Attendu que, pour écarter l'argumentation des prévenus, qui invoquaient l'illégalité et l'inopposabilité de l'arrêté préfectoral du 13 mai 1953, dire établis les faits poursuivis et allouer une indemnisation à la Chambre patronale de la boulangerie et pâtisserie de l'Allier, la cour d'appel énonce qu'il ne saurait être fait grief au préfet d'avoir, en 1953 et en 1979, réglementé la fabrication et la vente du pain au vu de l'accord conclu entre la Chambre patronale de la boulangerie et pâtisserie de l'Allier et de l'Union départementale des ouvriers boulangers dès lors qu'il n'est pas établi, qu'à l'époque, elles ne constituaient pas la majorité de l'activité concernée ; que les juges retiennent que l'arrêté, qui vise une activité et non pas une profession, est applicable à tous les professionnels qui exercent une activité principale ou accessoire, de fabrication, de vente et de dépôt de pain et de viennoiserie et qu'il n'importe que celui qui se livre à cette activité relève d'une profession autre que celle de la boulangerie ; que les juges ajoutent que si les conventions collectives permettent d'organiser le repos hebdomadaire de façon particulière, il appartient à celui qui exerce une activité de cuisson, fabrication, vente ou dépôt de pain de se conformer à la réglementation en vigueur ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs exempts d'insuffisance, et dès lors que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que ,contrairement à ce qui est allégué, aucune déclaration d'illégalité des arrêtés préfectoraux litigieux n'a été prononcée par la juridiction administrative, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Que le fait que les établissements visés par l'arrêté préfectoral soient autorisés par l'article L. 221-9, 1 , du Code du travail, à donner le repos hebdomadaire par roulement ne fait pas obstacle à la fixation d'un jour de fermeture hebdomadaire ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

Par ces motifs,

I - Sur l'action publique :

La DECLARE ETEINTE ;

II - Sur l'action civile :

REJETTE le pourvoi ;

CONDAMNE Patrice X... et Joseph De Y... à payer à la Chambre patronale de la boulangerie et pâtisserie de l'Allier la somme de 800 euros au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme Mazars conseiller rapporteur, M. Joly conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-82577
Date de la décision : 11/03/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, 14 mars 2002


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 mar. 2003, pourvoi n°02-82577


Composition du Tribunal
Président : Président : M. COTTE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.82577
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