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11/03/2003 | FRANCE | N°02-82352

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 mars 2003, 02-82352


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle GHESTIN et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par

- X... José,

- La société FOURNIL BITERROIS ,

contre l'arrêt de la cour d'ap

pel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 5 mars 2002, qui, pour dénonciation calo...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le onze mars deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller MAZARS, les observations de la société civile professionnelle GHESTIN et de la société civile professionnelle MASSE-DESSEN et THOUVENIN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général FRECHEDE ;

Statuant sur les pourvois formés par

- X... José,

- La société FOURNIL BITERROIS ,

contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 5 mars 2002, qui, pour dénonciation calomnieuse, les a condamnés, chacun, à 6 000 euros d'amende, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 226-10 et 226-12 du Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré José X... coupable du délit de dénonciation calomnieuse et l'a condamné au paiement d'une amende de 6 000 euros et à la peine complémentaire de publication de l'arrêt dans le journal Midi Libre ;

"aux motifs propres que c'est à juste titre que les premiers juges, tirant des circonstances de la cause les conséquences juridiques qui s'imposaient en caractérisant en tous ses éléments le délit reproché ont retenu la culpabilité des prévenus ; qu'il suffit d'ajouter que la circonstance que la plainte pour faux émane de la personne morale et non de son représentant légal est à l'évidence inapte à conférer à ce dernier une immunité pénale et que la mauvaise foi de José X... et de la personne morale résulte de leur précipitation à exercer une poursuite pénale lourde de conséquences contre un agent assermenté de l'Administration sans recourir préalablement à la voie hiérarchique et en toute connaissance des conséquences qu'aurait cette plainte sur les instances civiles et prud'homales en cours (arrêt attaqué, page 6, alinéa 3) ;

"et aux motifs adoptés que le caractère calomnieux du fait dénoncé est manifeste en ce qu'il accuse un fonctionnaire public d'un fait grave pénalement répréhensible ; que, s'agissant de la fausseté du fait dénoncé, elle découle de sa relaxe devenue définitive et de la confirmation des dispositions civiles du jugement du tribunal correctionnel de Béziers du 7 avril 2000 en ce que l'arrêt du 16 novembre 2000, pour débouter la partie civile, a statué sur la teneur du procès-verbal argué de faux ; que la dénonciation a consisté à donner une portée générale aux termes du procès-verbal incriminé alors qu'il ne résulte nullement des constatations rapportées par le contrôleur du Travail qu'il a procédé à l'interrogation de tous les salariés et qu'il peut être déduit de la lecture du procès-verbal que les constatations n'ont concerné que les salariés présents la nuit du contrôle ; que c'est en arguant de l'interprétation la plus large de certains termes du procès-verbal que le prévenu a choisi de citer le contrôleur du Travail pour faux en écriture publique ; qu'il s'en déduit nécessairement que le prévenu ne pouvait ignorer la fausseté partielle du fait qu'il dénonçait ce qui suffit à éliminer sa bonne foi ; que l'infraction a été commise pour le compte de la sarl Le Fournil Biterrois , partie civile ayant saisi le tribunal correctionnel ; qu'en conséquence, José X... , responsable légal et la sarl Le Fournil Biterrois seront déclarés coupables et condamnés chacun à une peine d'amende (jugement entrepris pages 3 et 4) ;

"alors que le délit de dénonciation calomnieuse ne peut être poursuivi qu'à l'encontre de l'auteur de cette dénonciation ; qu'il résulte de l'arrêt attaqué que c'est la société Le Fournil Biterrois , représentée par son gérant José X... , qui a fait citer Eric Y..., contrôleur du Travail, devant la juridiction correctionnelle du chef de faux en écritures publiques et que c'est pour le compte de la société Le Fournil Biterrois que l'infraction aurait été commise ; qu'en déclarant José X... coupable, avec la société dont il était seulement le représentant, du délit de dénonciation calomnieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 226-10 et 226-12 du Code pénal et de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré la société Le Fournil Biterrois et José X... coupable du délit de dénonciation calomnieuse et les a condamnés, chacun, au paiement d'une amende de 6 000 euros et à la peine complémentaire de publication de l'arrêt dans le journal Midi Libre ;

"aux motifs propres que c'est à juste titre que les premiers juges, tirant des circonstances de la cause les conséquences juridiques qui s'imposaient en caractérisant en tous ses éléments le délit reproché ont retenu la culpabilité des prévenus ; qu'il suffit d'ajouter que la circonstance que la plainte pour faux émane de la personne morale et non de son représentant légal est à l'évidence inapte à conférer à ce dernier une immunité pénale et que la mauvaise foi de José X... et de la personne morale résulte de leur précipitation à exercer une poursuite pénale lourde de conséquences contre un agent assermenté de l'Administration sans recourir préalablement à la voie hiérarchique et en toute connaissance des conséquences qu'aurait cette plainte sur les instances civiles et prud'homales en cours (arrêt attaqué, page 6, alinéa 3) ;

"et aux motifs adoptés que le caractère calomnieux du fait dénoncé est manifeste en ce qu'il accuse un fonctionnaire public d'un fait grave pénalement répréhensible ; que, s'agissant de la fausseté du fait dénoncé, elle découle de sa relaxe devenue définitive et de la confirmation des dispositions civiles du jugement du tribunal correctionnel de Béziers du 7 avril 2000 en ce que l'arrêt du 16 novembre 2000, pour débouter la partie civile, a statué sur la teneur du procès-verbal argué de faux ; que la dénonciation a consisté à donner une portée générale aux termes du procès-verbal incriminé alors qu'il ne résulte nullement des constatations rapportées par le contrôleur du Travail qu'il a procédé à l'interrogation de tous les salariés et qu'il peut être déduit de la lecture du procès-verbal que les constatations n'ont concerné que les salariés présents la nuit du contrôle ; que c'est en arguant de l'interprétation la plus large de certains termes du procès-verbal que le prévenu a choisi de citer le contrôleur du Travail pour faux en écriture publique ; qu'il s'en déduit nécessairement que le prévenu ne pouvait ignorer la fausseté partielle du fait qu'il dénonçait, ce qui suffit à éliminer sa bonne foi ; que l'infraction a été commise pour le compte de la sarl Le Fournil Biterrois , partie civile ayant saisi le tribunal correctionnel ; qu'en conséquence, José X... , responsable légal et la sarl Le Fournil Biterrois seront déclarés coupable et condamnés chacun à une peine d'amende (jugement entrepris pages 3 et 4) ;

"alors que le délit de dénonciation calomnieuse n'est caractérisé que si la dénonciation a été spontanée ; que tel n'est pas le cas lorsque la dénonciation litigieuse s'explique par la nécessité pour son auteur d'organiser sa défense dans le cadre de poursuites dont il est l'objet ; qu'en l'espèce, la société Le Fournil Biterrois avait fait l'objet du procès-verbal d'infraction à la législation du travail dressé par Eric Y... mentionnant que les salariés avaient été questionnés individuellement, ce qui était inexact pour plusieurs d'entre eux ; que la plainte pour faux déposée par cette société constituait le moyen d'établir l'irrégularité de ce procès-verbal valant jusqu'à preuve contraire des constatations relatées par le contrôleur du Travail ; qu'en affirmant, néanmoins, par adoption des motifs du jugement, que la société Le Fournil Biterrois n'avait pas agi dans le cadre des droits de la défense, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Fournil Biterrois et son gérant, José X... , ont été poursuivis pour dénonciation calomnieuse pour avoir cité, devant le tribunal correctionnel, Eric Y..., contrôleur du Travail, sous la prévention de faux en écriture publique, en lui imputant d'avoir indiqué faussement, dans un procès-verbal d'infraction dressé à leur encontre, qu'il avait recueilli les déclarations de tous les salariés ;

Attendu que, pour déclarer la société, ainsi que son gérant, coupables de dénonciation calomnieuse, les juges retiennent que la fausseté du fait dénoncé résulte de la relaxe du contrôleur du Travail par décision définitive ; qu'ils relèvent qu'en prenant l'initiative d'exercer des poursuites pénales lourdes de conséquences pour un fonctionnaire public assermenté, José X... , ainsi que la personne morale, ont intentionnellement commis le délit reproché ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations qui établissent le caractère spontané de la dénonciation, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments, tant matériel qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

Qu'en effet, d'une part, selon les dispositions de l'article 121-2, alinéa 3, du Code pénal la responsabilité pénale de la personne morale n'exclut pas celle de la personne physique auteur des mêmes faits ;

Que, d'autre part, la personne poursuivie ayant la faculté de contester la valeur probante des procès-verbaux des contrôleurs du Travail par tous moyens de preuve, devant la juridiction de jugement, une poursuite pour faux en écriture publique du fonctionnaire, rédacteur du procès-verbal, ne saurait être considérée comme se rattachant étroitement à sa défense ;

D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 226-10 du Code pénal et des articles 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile du Syndicat national du travail, de l'emploi et de la formation SYNTEF CFDT et condamné la sarl Le Fournil Biterrois et José X... à lui payer la somme de 200 euros sur le fondement de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;

"aux motifs qu'il convient seulement par des motifs substitués à ceux des premiers juges de confirmer la décision déférée qui a déclaré recevable la constitution de partie civile du Syndicat national du travail, de l'emploi et de la formation SYNTEF CFDT, l'intérêt du syndicat à agir étant avéré pour la défense de l'intérêt collectif de la profession d'inspecteur et de contrôleur du Travail (arrêt attaqué, page 7, alinéa 4) ;

"alors que les syndicats professionnels n'ont qualité à agir devant la juridiction répressive que lorsque le litige soulève une question de principe dont la solution est susceptible d'avoir des conséquences pour l'ensemble de ses adhérents et de nature, en conséquence, à porter un préjudice aux intérêts collectifs de la profession ; que le fait, reproché à la société Le Fournil Biterrois , d'avoir dénoncé l'existence d'un faux commis par un contrôleur du Travail dans l'exercice de ses fonctions ne met pas en cause l'intérêt collectif de la profession ; qu'en décidant du contraire sans exposer les circonstances particulières qui justifieraient la recevabilité du syndicat SYNTEF CFDT, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu'en admettant la recevabilité de l'action civile du Syndicat SYNTEF-CFDT la cour d'appel a fait l'exacte application de l'article L. 411-11 du Code du travail ;

Qu'en effet, porte préjudice à l'ensemble de la profession des contrôleurs du Travail, le fait pour une personne verbalisée par l'un d'eux, de dénoncer faussement des faits de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires contre ce fonctionnaire ;

Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

CONDAMNE José X... et la société Fournil Biterrois à payer, à Eric Y... et au syndicat SYNTEF-CFDT, la somme de 1 000 euros chacun au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Mazars conseiller rapporteur, M. Joly, Mme Anzani, MM. Beyer, Pometan conseillers de la chambre, MM. Desportes, Ponsot, Valat, Mme Menotti conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Fréchède ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 02-82352
Date de la décision : 11/03/2003
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° RESPONSABILITE PENALE - Personne morale - Conditions - Commission d'une infraction pour le compte de la société par l'un de ses organes ou représentants - Cumul avec la responsabilité de la personne physique - Cas - Dénonciation calomnieuse.

1° DENONCIATION CALOMNIEUSE - Responsabilité pénale - Personne morale - Conditions - Commission d'une infraction pour le compte de la société par l'un de ses organes ou représentants - Cumul avec la responsabilité de la personne physique - Possibilité.

1° Fait une exacte application de l'article 121-2, alinéa 3, du Code pénal la cour d'appel qui retient la responsabilité pénale cumulative de la société et de son gérant lorsque les faits de dénonciation ont été commis au nom de cette personne morale agissant par son représentant légal.

2° DENONCIATION CALOMNIEUSE - Dénonciation - Spontanéité - Définition.

2° DROITS DE LA DEFENSE - Juridictions correctionnelles - Débats - Dénonciation calomnieuse - Dénonciation se rattachant étroitement aux droits de la défense - Définition.

2° La personne poursuivie ayant la faculté de contester la valeur probante des procès-verbaux des contrôleurs du Travail par tous moyens de preuve devant la juridiction de jugement, une poursuite pour faux en écriture publique du fonctionnaire rédacteur du procès-verbal ne saurait être considérée comme se rattachant étroitement à sa défense (1).

3° ACTION CIVILE - Recevabilité - Syndicat - Intérêt collectif de la profession - Syndicat représentant les professions d'inspecteur et de contrôleur du Travail - Dénonciation calomnieuse visant un contrôleur du Travail.

3° SYNDICAT - Action civile - Intérêt collectif de la profession - Préjudice - Préjudice direct ou indirect - Syndicat représentant les professions d'inspecteur et de contrôleur du Travail - Dénonciation calomnieuse visant un contrôleur du Travail.

3° Le fait, pour une personne verbalisée par un contrôleur du Travail, de dénoncer faussement des faits de nature à entraîner des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires contre ce fonctionnaire porte préjudice à la profession à laquelle appartient l'intéressé et dont les syndicats qui représentent cette profession peuvent demander réparation, en application de l'article L. 411-11 du Code du travail (2).


Références :

1° :
2° :
3° :
Code du travail L411-11
Code pénal 121-2, al. 3
Code pénal 226-10, 226-12

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier (chambre correctionnelle), 05 mars 2002

CONFER : (2°). (1) A comparer: Chambre criminelle, 2000-05-03, Bulletin criminel 2000, n° 174, p. 511 (cassation). CONFER : (3°). (2) A rapprocher : Chambre criminelle, 1996-10-29, Bulletin criminel 1996, n° 379 (3°), p. 1105 (action publique éteinte et rejet) ; Chambre criminelle, 1999-05-27, Bulletin criminel 1999, n° 109 (1°), p. 290 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 mar. 2003, pourvoi n°02-82352, Bull. crim. criminel 2003 N° 65 p. 238
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2003 N° 65 p. 238

Composition du Tribunal
Président : M. Cotte
Avocat général : M. Frechede
Rapporteur ?: Mme Mazars
Avocat(s) : la SCP Ghestin, la SCP Masse-Dessen et Thouvenin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2003:02.82352
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